Andrew McCarthy, monument idéologique de la droite interventionniste (dans National Review), qui fait partie d’une nébuleuse où l’on trouve aussi les neocons, est un ennemi acharné d’al Qaïda et de la soi-disant vague d’agression du monde musulman contre la civilisation occidentale. Par exemple, en 2010 (le 13 juillet 2010), il attaquait le ministre de la justice de l’administration Obama Eric Holder parce que celui-ci faisait bénéficier un accusé d’al Qaïda impliqué dans l’attaque 9/11 et son avocat de toutes les dispositions habituelles de la justice US. Pour McCarthy, il n’y a pas d’ennemi plus juré de l’Amérique qu’al Qaïda.
….Pour McCarthy (suite), il n’y a pas de politique plus nécessaire pour les USA que la politique agressive, belliciste, etc., prenant particulièrement pour cible le monde musulman. C’est dire si McCarthy soutenait en principe tous les efforts des USA, et du bloc BAO, pour faire tomber le “massacreur”, le “tyran” Assad. Cela, jusqu’à ce qu’il découvre, d’une façon désormais extrêmement convaincante, qu’al Qaïda est partout dans les groupements “rebelles”, ou dans l’“opposition” anti-Assad. Du coup, voilà McCarthy soudain placé devant un certain désarroi, si pas un désarroi certain. On avait connu cela, mais un peu en passant, assez rapidement, avec la Libye, avant que ce pays “libéré” ne disparaisse de nos écrans radar, emportée sur le vent léger de l’éblouissant décolleté de BHL. Mais la Syrie dure diablement et sans perspective sinon celle d’une aggravation des choses, y compris et plus encore si Assad tombait ; et, avec cet entêtement de l’évènement, l’accumulation des signes, preuves et évidences, de cette fâcheuse occurrence qui commence à devenir une évidence : mais si Assad tombe, c’est peut-être, peut-être bien, et même en bonne partie, – une grande victoire pour al Qaïda.
On imagine que Justin Raimondo boit du petit lait ; non qu’il se réjouisse spécialement des déboires d’Assad ou des manigances d’al Qaïda, – là n’est pas sa préoccupation dans son commentaire du jour… C’est lui qui nous alerte sur la cas McCarthy et sur le dilemme qui grandit à vue d’œil, du côté des conservateurs interventionnistes et de leurs affiliés neocons. (Lire le 20 juillet 2012, sur Antiwar.com.) Raimondo en est à créer un nouvel acronyme, qu’il nous sera infiniment difficile de traduire : parler de McCarthryite plutôt que de McCarthysm («Yet now the McCarthyites – to re-coin a phrase – find themselves in a conundrum»), puisqu’il y a McCarthy et McCarthy.
«After all the twists and turns of our eternal “war on terrorism,” the logic of perpetual war has finally caught up with its most ardent advocates. It seems some conservatives – the kind who can usually be counted on to march to the War Party’s tune — are riled up over Mitt Romney’s support for arming Syria’s rebel army. Here‘s Andrew McCarthy, National Review‘s number one “the-Muslims-are-coming-to-get-us” ideologue: “Congratulations to Mitt Romney. In calling for ‘opposition groups’ to be armed and trained for their ongoing jihad against Syrian dictator Bashar al-Assad, the GOP’s presidential contender has managed to align himself with al-Qaeda emir Ayman al-Zawahiri and Muslim Brotherhood icon Yusuf al-Qaradawi.”
»Now I don’t want to accuse anyone of stealing my ideas without giving me credit, but this sounds awfully similar to what I wrote in my Friday the 13th column, which was entitled: “Al-Qaeda’s Alliance With Washington.” In that piece, I recount the history of the WOT, from the neoconservative vision of a regional “transformation” brought on by the Iraq war to the Bush administration’s turn toward the Sunnis as allies against the rising Shi’ite “menace” (i.e. Iran). Right-wing ideologues like McCarthy supported the invasion of Iraq and McCarthy is himself a leading advocate of setting up a veritable police state in order to deal with the alleged threat of Muslim subversion from within. Yet now the McCarthyites – to re-coin a phrase – find themselves in a conundrum, as the Obama administration plays the Sunni card to the hilt, and allies with the Muslim Brotherhood and its more radical offshoots in Libya and Syria in an effort to hijack the “Arab Spring.” This has culminated in the latest project undertaken by the US and its Gulf allies: the creation of a “Free Syrian Army” in order to carry out regime change in Damascus.
»How do the McCarthyites reconcile their historic support for the War on Terror with the alignment of US and Al-Qaeda on the same side in Syria? The answer is: they can’t…»
Certes, comme on l’a rappelé, la chose avait affleuré lors de l’affaire libyenne, spécifiquement du côté d’Israël et des neocons (voir le 29 mars 2011). Mais cette affaire-là fut prestement bouclée, et les flons flons de la fête parvinrent à dissimuler le plus gros des contradictions catastrophiques de la crise-guerre libyenne. La Syrie étant un morceau autrement plus coriace, autrement plus complexe, où les cocus de la première heure (lisez : Russes et Chinois avec la Libye) entendent ne plus l’être du tout, où le contexte est autrement plus complexe, où la maniaco-dépression des uns et des autres (Qataris, Saoudiens & compagnie) s’étale au grand jour, la contradiction ne peut plus être écartée. Faire gober un soutien très actif à al Qaïda, – quoi que ce soit que recouvre l’étiquette, – à ceux qui épuisent leur encre depuis plus d’une décennie à vouer al Qaïda aux gémonies, c’est une pilule un peu grosse et un peu amère. Alors que la situation ne cesse de s’aggraver en Syrie et que l’on parle, pour ceux qui vont vite en besogne, de situations post-Assad, alors que les signes s’accumulent de la présence des extrémistes islamistes aux postes de commande “rebelles” (voir les précisions d’une NIE à venir, ce 21 juillet 2012), la contradiction commence à atteindre les normes de l’insupportabilité…
Ainsi les meilleures troupes de soutien à l’intervention extérieure des USA et du bloc BAO se trouvent-elles placées soudain dans une situation bien inconfortable. Du coup, c’est Romney, candidat inexistant et par défaut du parti républicain, dont l’équipe de campagne est gavée de neocons et d’une rhétorique maximaliste, qui se trouve sous les feux de ceux qui devraient être ses meilleurs soutiens. Du coup, l’administration Obama va-t-elle commencer à s’interroger à propos de cette hypothèse qu’en dénonçant hystériquement Assad pour s’assurer de n’être pas accusée de “mollesse” par la droite interventionniste, elle pourrait se trouver accusée de soutenir al Qaïda par cette même droite… A quoi sert-il, dans ce cas, de monter tout un show pour la liquidation de ben Laden si l’on en vient à être accusé de favoriser son soi-disant legs ? Tout cela est bien complexe pour des esprits-Système habitués à foncer en aveugle.
On notera également, pour corser l’affaire, que ce malaise des conservateurs interventionnistes US est aussi celui d’Israël, qui est resté très discret durant les nombreux mois de désordre en Syrie, et qui reste toujours aussi divisé et incertain vis-à-vis de cette crise. Israël ne parvient plus à déterminer quel est, pour lui, le danger le plus pressant en Syrie, et il découvre surtout, avec chaque jour qui passe, les nouvelles possibilités d’extension et de confusion de ces dangers. (Le dernier en date est la crainte, un peu vite faite, de voir le gouvernement Syrie transférer des armes chimiques et des armes anti-aériennes au Hezbollah. Cela conduit Barack, le ministre de la défense, à annoncer une mobilisation de l’armée pour préparer une intervention israélienne en Syrie, – ce qui peut conduire surtout à des conséquences en cascade, de la part des Russes, d’autres pays arabes, voire d’islamistes eux-mêmes, très fâcheuses pour Israël.) C’est une autre facette des innombrables contradictions qui affectent tous les aspects de cette aventure syrienne dont on ne parvient pas à mesurer toute la folie tant elle est sans fin, et tous les effets de cette folie, spécifiquement et précisément pour ceux qui l’ont lancée sans savoir pourquoi.
D’où enfin le constat que cette crise syrienne remplit de mieux en mieux le contrat qui la lie à la situation générale : crise qui est la substance même du désordre, née du désordre, productrice du désordre déjà en cours, créatrice de désordres nouveaux. Crise, enfin, qui entre dans la logique formidable de la crise haute déjà en place avec les agitations iraniennes. Avec l’observation de la division qu'elle commence à créer au sein même de la nébuleuse politique interventionniste US, la crise syrienne parvient à sa complète maturité. Elle mérite de figurer dans la panthéon de l’immense courant de déstructuration et de dissolution que la dynamique surpuissance-dissolution du Système impose à l’évolution explosive des relations internationales installées dans une chaîne crisique permanente et ininterrompue.
Mis en ligne le 21 juillet 2012 à 13H17
(plusieurs liens dans le texte original)
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