Richard Gervais, Pierre de Bellefeuille, Claude G. Charron, María Teresa Pérez-Hudon
_ Membres du Cercle Godin-Miron
_ Le Devoir mercredi 4 février 2004
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La promesse d'un référendum repousse sans cesse une échéance que le PQ tarde lui-même à préparer
L'automne dernier, le conseil national du Parti québécois inaugurait la «saison des idées». S'il se borne à «réactualiser l'argumentaire» sans mettre au rancart l'obligation de référendum, ce remue-méninges aura plutôt inauguré le déclin historique de ce parti comme véhicule de l'indépendance.
Pour revitaliser le parti, un «grand coup de barre s'impose», disait Bernard Landry dans Le Devoir (18 octobre 2003). On remettrait tout sur la table, sauf la souveraineté et l'orientation social-démocrate. À ces intouchables, toutefois, Landry ajouta bientôt l'étapisme. Du coup, il rivait son parti à l'obligation de référendum et prétendait en même temps garder des suggestions d'«élection référendaire» montant de la base.
Les conditions démocratiques pour la tenue d'un référendum n'existent pas. Et ce, à cause de l'ingérence d'un État tiers, massive et agressive (manifestation «on vous aime»), manoeuvrière et frauduleuse (votes états-uniens, naturalisations hâtives, financement du camp d'une des parties, qui plus est hors norme), juridique et législative (pourvoi en Cour suprême, Clarity Bill).
Nos référendums reposaient sur l'idée que le peuple québécois décide en droit et librement de son destin politique, conformément aux règles établies par son assemblée nationale. En 1980 et davantage encore en 1995, l'État canadien choisit de faire obstacle à l'expression souveraine du peuple consulté et de nier l'autorité de son assemblée nationale. Il y a eu violation par le Canada de la souveraineté populaire du Québec, principe même de la démocratie.
Aujourd'hui, la loi C-20 sur la «clarté», balisant effrontément nos consultations référendaires et gênant l'expression libre de la volonté du peuple, constitue déjà une immixtion antidémocratique du gouvernement canadien et un affront à notre assemblée nationale. Ottawa se comporte comme si la responsabilité du destin national des Québécois lui appartenait.
En 1995 surtout, le PQ a commis l'erreur historique de reconnaître le résultat du référendum comme si l'ours canadien n'y avait pas mis ses grosses pattes. Ne répétons pas cette erreur en nous embarquant dans le même exercice comme si de rien n'était.
Légitimité d'agir
Par l'obligation de référendum, le Québec donne «sportivement» à l'adversaire canadien une deuxième occasion de le vaincre. Cette pseudo-obligation offre au PQ la possibilité d'abuser de la patience de ses électeurs en repoussant sans cesse une échéance qu'il tarde lui-même à préparer. La promesse d'un référendum renvoie à un moment mythique tous les affrontements parlementaires ou extraparlementaires que le parti est trop lâche pour organiser maintenant contre la mainmise canadienne.
C'est cette logique qui permet au PQ d'exercer des mandats législatifs successifs sans mener de véritable politique indépendantiste et en allant jusqu'à prétendre qu'il serait antidémocratique d'utiliser le pouvoir gouvernemental pour réaliser son programme souverainiste ! Comme si la lutte gouvernementale pour l'indépendance n'était légitime qu'après un référendum victorieux !
La stratégie référendaire est sous-tendue par la fausse idée selon laquelle l'abolition de notre dépendance politique n'est pas une visée légitime en soi, sans référendum. Pourtant, dans un régime parlementaire britannique comme le nôtre, la conquête électorale du pouvoir confère à un parti la légitimité de réaliser son programme. Partant, un parti souverainiste élu a le droit, et le devoir, de réaliser la souveraineté sans référendum. À condition toutefois qu'il n'ait pas mis l'obligation référendaire dans son programme !
Le PQ, en se fixant lui-même cette obligation que ni notre droit parlementaire ni la démocratie en général ne lui imposent, donne l'impression de douter lui-même de la légitimité intrinsèque de sa cause et instille chez tout le monde le doute en ce qui a trait à son droit, en tant que parti élu, de procéder à l'indépendance.
Élection référendaire
Pour faire pièce à l'étapisme, certains proposent l'«élection référendaire». Équivoque, la notion a le défaut de renvoyer au genre référendum et d'en charrier les exigences.
Une «élection référendaire» porte en principe sur un seul enjeu, ce qui tend déjà à la contradiction. Lors d'élections, le citoyen choisit des personnes (représentant un programme de parti aux multiples facettes), il ne se prononce pas sur une question. Sans parler du fait que, contrairement au référendum, les élections mettent d'ordinaire plus de deux parties en présence.
Dans nos référendums sur la souveraineté, la moitié des voix plus une vaut la victoire à l'un des deux camps. Préconiser l'«élection référendaire» laisse entendre que le PQ devrait l'emporter à la majorité absolue des voix (coalisées ou pas) pour que soit légitime sa démarche souverainiste, condition, encore une fois, que notre droit n'impose nullement.
Si, par «élection référendaire», on entend une élection ayant l'indépendance pour enjeu, l'adjectif est alors trompeur, singulièrement dans notre contexte. Une «élection référendaire» est plus que cela, comme les gens le comprendront spontanément. Déjà, ses promoteurs insistent souvent sur le réquisit de la majorité absolue, par pur réflexe issu de 30 ans d'orthodoxie référendaire. De tous les partis en lice, le parti indépendantiste serait le seul à se soumettre à cette sur-exigence, les autres pouvant à bon droit se satisfaire de la majorité relative pour réaliser leur programme !
Prochain scrutin : sur l'indépendance
Parlons donc sans équivoque d'élections pour ou sur l'indépendance. Que le PQ obtienne une majorité de sièges et son gouvernement aura toute légitimité pour procéder à l'indépendance. Qu'il mette fièrement la souveraineté à son programme électoral (non comme lointaine caution dans son programme de parti) et il pourra cette fois stigmatiser avec succès l'«agenda caché», en fait pas montrable, de l'adversaire «libéral» consistant à maintenir le Québec sous la tutelle d'un autre État -- et à le déconstruire, comme il fait maintenant. Que le Parti québécois, au prochain scrutin, brigue le pouvoir sur une plate-forme souverainiste dans le but explicite de faire l'indépendance au cours de son mandat. La conjoncture devrait d'ailleurs l'y inciter.
N'est-ce pas faute d'une telle plate-forme que ce parti a perdu les dernières élections ? Et est-ce en installant à Québec une bande de provinciaux consentants que nous allons récupérer, disons pour la santé, les impôts qu'Ottawa nous arrache en vertu précisément de notre statut de provinciaux ? Le gouvernement de Jean Charest est en train de s'aliéner des pans entiers de la population québécoise et de dresser contre lui, sans doute pour longtemps, le mouvement syndical et populaire.
Des électeurs socialisants pourront être tentés de préférer l'Union des forces progressistes ou le mouvement D'abord solidaires devenu parti politique. Mais au Québec, se couper du mouvement national revient à se couper du peuple et de l'électorat. Ces partis ne sauraient échapper à la marginalité en séparant leur combat social du combat général pour l'affranchissement politique.
De son côté, le PQ a beau accorder la priorité à la question nationale, il ne saurait la régler en méprisant les syndicats ou les organisations communautaires. Au prochain rendez-vous électoral, en 2007, ce parti sera vraisemblablement le plus apte à renverser le gouvernement Charest. Encore faut-il qu'il défende son projet d'indépendance dans l'arène publique et sache, sous cette bannière, rassembler toutes les forces de la nation.
La souveraineté, enjeu du prochain scrutin
- Foin de l'obligation de référendum !
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