La soif du pouvoir de François Legault

comment comprendre son parcours labyrinthique qui brille par l’absence totale de constance.

Élection Québec 2012 - analyses et sondages


« Si je retourne en politique, ce sera comme chef, » aurait dit François Legault. Et ce n’était pas pour être chef du Parti Québécois, ni chef de la Coalition avenir Québec, mais bien « cheuf » du Québec. Du moment où on se rend compte que pour lui être « cheuf » l’emporte sur le reste, il devient très facile de comprendre son parcours.
En ce sens, d’ailleurs, François Legault se distingue nettement des politiciens qui ont dirigé le Québec depuis au moins 1960. Chacun des premiers ministres depuis Jean Lesage a été guidé par « une certaine idée du Québec. » Cette idée du Québec, différente pour chacun, donnait de la forme aux politiques qu’ils mettaient en œuvre.
Pour Jean Lesage, c’était « maître chez nous », Daniel Johnson, « égalité ou indépendance », Robert Bourassa, première mouture, « souveraineté culturelle », René Lévesque, « souveraineté-association », Robert Bourassa, deuxième mouture, « Meech et Québec, société distincte », Jacques Parizeau, « la souveraineté », Lucien Bouchard et Bernard Landry, toujours « la souveraineté » mais avec moins de clarté, et Jean Charest, « le fédéralisme asymétrique » mais qui tire sur l’État canadien unitaire.
Contrairement à tous ces premiers ministres qui avait chacun leur « certaine idée du Québec » et une certaine constance (sauf Lucien Bouchard), on dirait que François Legault n’est guidé que par « une certaine idée de lui-même ». Sinon, comment comprendre son parcours labyrinthique qui brille par l’absence totale de constance.
Qu’il nous a donc cassé les oreilles avec son Finances d’un Québec souverain publié en 2005. Il sillonnait le Québec en 2005, visant, pas très discrètement, la direction du Parti Québécois et en essayant de convaincre tout le monde qu’il était homme de gauche et digne héritier de Jacques Parizeau. Mais juin 2005, coup de théâtre : après avoir miné le leadership de Bernard Landry pendant plusieurs mois, il « choke » et annonce qu’il ne sera pas candidat à la direction du Parti Québécois. Un premier doute s’installe sur ses convictions et sur son « idée du Québec ».
Son Finances d’un Québec souverain, quoique intéressant, manquait quelque chose, soit une analyse du fonctionnement de l’économie canadienne. Il demeurait dans les limites de la gestion de l’État – pour ne pas dire, avec le recul, du carré de sable – n’abordant aucunement la question fondamentale du fonctionnement de l’économie canadienne, laquelle répond surtout aux besoins et aux aspirations de Toronto et, de plus en plus, de l’Ouest canadien. On notera que ses nouveaux vieux amis, dont Charles Sirois, s’accommodent très bien de ce fonctionnement où ils font figure de minoritaires éternels mais heureux et prospères. Le document de Legault ne touchait pas à ce problème, son auteur non plus, ni dans ses discours militants ni dans ses interventions médiatiques. Donc, un deuxième doute s’installe sur la profondeur de son engagement.
C’est ainsi que, lors d’une rencontre en 2006, j’ai suggéré à François Legault de lire le livre de Jane Jacobs, La question du séparatisme, Le combat du Québec pour la souveraineté (qui vient de paraître enfin en français ). Ce livre, mieux que tout autre, démontre à quel point la souveraineté est nécessaire si Montréal et le Québec ne veulent pas sombrer dans un provincialisme économique et politique débilitant. J'ai même donné à M. Legault une photocopie de la version anglaise du livre, qui n’était plus disponible même dans les bibliothèques, en espérant qu’il embrasse plus large quand il parlait de l’économie d’un Québec souverain. Quelle a été la réaction du futur chef de la CAQ? « La photocopie n’est pas bonne! » Jamais un mot dans ses discours.

On connaît la suite. Tout ce qu’il a dit pendant toutes ces années a pris le bord. Là, il voterait non, il ne veut pas « une grosse chicane constitutionnelle ». Mais il veut une chicane avec les syndicats. Il veut une chicane avec les étudiants. Et il recrute n’importe qui, lesquels disent n’importe quoi.
Selon l’adage, Qui se ressemble, s’assemble. Dans le cas de la CAQ, la ressemblance entre le chef qui veut être « cheuf » et ses deux plus grosses prises, c’est bel et bien cette soif du pouvoir.
Jacques Duchesneau, ancien chef de police qui a échoué lamentablement dans sa campagne pour la mairie de Montréal, n’a même pas mis 24 heures pour montrer à quel point il prendrait des raccourcis pour avoir le pouvoir en déclarant que c’est lui qui nommerait des ministres – le gars n’a jamais été élu à quelque poste que ce soit. Et Gaétan Barrette? Dans toutes ses entrevues depuis des années, il ne cesse de prétendre que si c’était lui le ministre de la Santé, il ferait ceci et cela. Donc, pas de surprise quand son organisation a récemment annoncé sa présence à une assemblée en précisant que c’était lui le chef.
Quand la soif du pouvoir l’emporte sur toute vision sur l’avenir du Québec, on peut s’attendre à n’importe quoi. Surtout au Québec où le pouvoir réel, comme ne le cessait de dire l’ancien François, ne se trouve pas à l’Assemblée nationale du Québec mais à Ottawa.


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6 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    11 août 2012

    J'ai toujours pensée que les lecteurs de vigile étaient pour l'indépendance et le plus tôt possible.Je vois que,encore une fois ce sera les indépendantistes qui vont se diviser et laisser passer un autre parti. Je crois que vous ne la voulez pas tant que ça l'indépendance.
    Si on a pas encore notre Pays ce n'est pas la fautes des Anglais,des Ethnies,non ce sont les francophones qui ne s'entendent pas et qui tirent toujours dans le sens inverse.
    Je crois que ce qui fait qu'à chaque fois on perd des gens qui n'on plus espoir d'y arriver avec des Québécois français qui ne savent jamais ce qu'ils veulent et j'en fais parti.Pour moi c'est la dernière chance.Nous sommes en ce moment à la troisième période.A nous de choisir.

  • Archives de Vigile Répondre

    10 août 2012

    Il semble de plus en plus évident que monsieur Legault et la CAQ vont former le prochain gouvernement.
    Dire que le PQ avait monsieur Legault dans ses rangs. Ils doivent regretter de l'avoir laissé partir. Avec lui, ils auraient repris le pouvoir.
    Car, il ne faut pas s'en cacher, une autre défaite du PQ et c'en est fait de ce parti qui va disparaître comme l'Union Nationale jadis.
    Monsieur Legault a les bons mots qui sont de la musique aux oreilles des Québécois: création de richesse, entrepreneurship, etc...
    Ces mots allument davantage les Québécois des années 2000 que les mots "souveraineté" ou "bien commun"...

  • Jean Lespérance Répondre

    10 août 2012

    Je ne sais pas où vous sentez la soif du pouvoir chez François Legault, moi je crois plutôt qu'il n'en a aucune.
    Quand il était à la tête d'Air Transat et que Charest l'a gavé en lui donnant plus de 100 millions, l'argent a pris le dessus et les convictions politiques ont pris le bord.
    Quand Air Transat est devenu Transat, toutes les informations concernant les subventions ont disparu, de sorte que le monde ne voit pas de liens entre Charest et lui.
    Un, il parle sans convictions profondes et ne semble pas avoir de plans bien définis dans sa tête. On est venu le chercher pour construire un cheval de Troie en cas de déconfiture du Parti Libéral. Le Parti Libéral doit avoir un moyen de refaire surface en cas de déconfiture.
    Il me fait penser à Camille Samson, grand parleur, petit faiseur qui raisonne comme un tambour. Son cas ressemble aussi à Ignatieff que Paul Martin est allé chercher parce que les autres étaient brûlés par le scandale des commandites.
    On va chercher une figure nouvelle et on lui donne de l'argent mais ça ne veut pas dire que la figure nouvelle sait où elle s'en va. Habitué à une structure de compagnie,
    il semble perdu dans une structure politique. Il ne possède ni le langage ni l'allure d'un politicien.
    Les médias contrôlés ont beau lui forger une image, l'image ne tient pas si elle ne s'apparente pas à la réalité, ce qui fut le cas d'Ignatieff et qui est le cas de François Legault.
    Le meilleur conseil que je pourrais lui donner: sort de la politique et retourne dans le domaine des affaires car en politique il ne se rend pas service à lui-même ni à la population.
    En politique, on doit avoir de la constance et de la consistance, je ne vois en lui rien de cela.

  • Jean-Claude Pomerleau Répondre

    9 août 2012

    M Philpot
    En complément d'information, au cas ou vous l'auriez pas lu :
    http://www.vigile.net/La-trahison-de-Francois-Legault
    JCPomerleau

  • Archives de Vigile Répondre

    9 août 2012

    Monsieur Philpot,
    Je suis d'accord avec votre appréciation de monsieur Legault et de son parti. Cependant, il n'y a rien que l'on puisse faire si la riche élite capitaliste de la finance et des affaires a décidé que c'est monsieur Legault et son parti qui formeront le prochain gouvernement.
    À l'aide des médias aux ordres, ils réussissent toujours à convaincre les électeurs.
    Mais c'est certain que l'élection de la CAQ sera une bonne nouvelle pour la riche élite financière et d'affaires mais une bien mauvaise nouvelle pour les plus démunis de la société (une autre mauvaise nouvelle pour eux qui sont pourtant des habitués des mauvaises nouvelles).

  • Archives de Vigile Répondre

    9 août 2012

    François Legault: une girouette, une poule mouillée avide de pouvoir, un politicien de bas étage sans charisme, ni envergure. Voilà, tout est dit!
    Jacques L. (Trois-Rivières)