La santé: ce système qui nous rend malades!

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Médecins spécialistes : un portefeuille à la place du cœur ?

J’attendais pour mon rendez-vous chez le médecin quand elle est sortie de son bureau. Une dame âgée s’essuyant les yeux. Elle venait d’apprendre que les médecins spécialistes qui la traitaient à l’hôpital étaient partis pour le privé.


Des patients vulnérables


– Est-ce que je peux vous aider, Madame ?


– Je ne sais pas quoi faire. Je viens d’apprendre que je ne pourrai plus avoir de soins de mes médecins spécialistes à l’hôpital.


– Et pourquoi ?


– À cause de la réforme Barrette. Je dois maintenant les suivre dans deux cliniques différentes, l’une sur le boulevard Décarie et l’autre à Saint-Laurent. Je n’ai pas d’argent pour aller au privé.


– Avez-vous quelqu’un pour vous y accompagner ?


– J’ai mon fils, mais il est à Trois-Rivières.


– Vous ne pouvez pas y aller dans cet état. Avez-vous une amie ou un voisin que je peux appeler pour vous ?


– Oui, une voisine.


J’appelle la voisine. Elle n’est disponible que dans l’après-midi.


– Si vous voulez m’attendre, après mon rendez-vous chez le médecin, je vous accompagnerai à la première clinique sur Décarie. Après, vous devrez prendre un taxi pour vous rendre à Saint-Laurent pour le deuxième médecin. Votre amie viendra vous chercher là-bas, à 15 h.


En cours de route, l’histoire d’Hélène m’a bouleversée. À la veille de ses 70 ans, elle a des problèmes de santé multiples. Elle était bien servie dans son hôpital, où elle avait ses habitudes et surtout un accès aux soins dont elle avait besoin.


Un portefeuille à la place du cœur


Ses médecins traitants pouvaient consulter son dossier, sa liste de médicaments, ses analyses et ses radiographies. Elle avait confiance en eux et en notre système de santé.


Il a suffi d’une pseudo réforme bureaucratique, imposée par le ministre de la Santé, pour que son univers bascule. Non seulement est-elle condamnée à vivre avec ses maladies, mais désormais, elle doit aussi vivre avec la hantise de ne pas avoir accès aux soins et aux médicaments dont elle a dramatiquement besoin.


Je lui ai parlé, il y a une dizaine de jours, pour savoir comment elle allait. Elle était furieuse d’apprendre que le gouvernement qui la prive de ses médecins spécialistes dans le réseau public et qui la pousse vers le privé est celui-là même qui leur consent de généreuses rémunérations supplémentaires de 2 milliards de dollars.


Le cas d’Hélène n’est pas une exception. Il nous renvoie à cette fameuse notion d’« accès », comme dans « l’accès à un médecin de famille », « l’accès à un traitement », « l’accès à des médicaments », « l’accès aux études dans une faculté de médecine », autant de barrières érigées par ce système pour le verrouiller, alors qu’il avait été conçu, à l’origine, pour être gratuit, universel et accessible.


La dernière colère d’Hélène m’est venue samedi dernier. Elle venait de lire Antoine Robitaille dans Le Journal. Il nous apprenait que la présidente de la Fédération des médecins spécialistes, Mme Diane Francoeur, avait envoyé un bulletin spécial à ses membres pour les déculpabiliser de tant de privilèges indus qu’ils avaient arrachés au gouvernement.


Mme Francoeur avait trouvé une formule juste pour décrire ce scandale qu’elle cherche à étouffer, en disant à ses membres de ne pas croire que les spécialistes se soient « fait greffer un portefeuille à la place du cœur ». À bien y penser, on ne peut pas dire mieux !