L'assaut mené par des étudiants iraniens contre l'ambassade britannique, assaut vraisemblablement orchestré par les autorités, a ceci de particulier et un brin complexe qu'il est le reflet de deux types de rapports de force. Côté cour, il y a évidemment l'affrontement vieux de plusieurs années maintenant entre les Occidentaux et Téhéran sur fond de bombe nucléaire. Côté jardin, il y a ce combat plus musclé que jamais que se livrent le guide suprême Ali Khamenei et le président Mahmoud Ahmadinejad. Autrement dit, qui, en ce qui concerne le sujet du jour, a mis en scène le saccage de l'ambassade? Déclinons.
À la suite du dernier rapport de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) assurant que des scientifiques iraniens planchent sur la confection de l'arme suprême, les membres de l'Union européenne ainsi que les États-Unis ont commandé un chapelet de sanctions économiques. Parmi ces dernières, un pays a décidé une punition supplémentaire en optant pour la rupture totale avec la Banque centrale iranienne. On l'aura deviné, il s'agit du Royaume-Uni.
La décision du premier ministre Dave Cameron a eu pour première conséquence de fortifier le sentiment des Iraniens que le Royaume-Uni, et non les États-Unis, était et demeure le chef de file de la lutte sourde poursuivie afin d'affaiblir la nation perse. Deuxième conséquence? Les parlementaires iraniens ont voté une loi qui va se traduire par une soustraction des relations entre les deux pays. De fait, dans une quinzaine de jours, l'ambassadeur britannique devra plier bagage. Bref, les liens entre Londres et Téhéran sont désormais aussi tendus qu'après la publication des Versets sataniques de Salman Rushdie dans les années 80. Voilà pour les liens avec l'étranger.
Du statut de protégé du guide, Ahmadinejad est passé à celui de paria, ainsi qu'en témoigne l'arrestation récente d'une quarantaine de journalistes travaillant pour un journal qui a osé critiquer deux proches de Khamenei. L'origine du divorce entre ces deux dirigeants a ceci d'extrêmement important qu'elle met en relief la position respective de chacun vis-à-vis des États-Unis. Depuis son accession à la présidence, Ahmadinejad s'est fait le champion d'une négociation directe avec les États-Unis consacrée au nucléaire. Khamenei s'y est opposé avec d'autant plus de brutalité qu'il a pris goût au pouvoir absolu. Après une période de tâtonnements consécutive au premier mandat d'Ahmadinejad, le guide a repris la main en rapatriant les marges de manoeuvre sur lesquelles son ex-protégé avait fait main basse. Il est clair comme de l'eau de roche que l'invasion de l'ambassade découle, en partie il va sans dire, de la lutte sans merci entre ces deux personnalités. Cela étant, il serait hasardeux de dire à qui ce saccage va profiter.
Saccage de l'ambassade britannique
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