La résistance légale à la loi 101

Chronique d'André Savard

Il est plutôt paradoxal de se voir commander par une cour de justice un mode de contournement de la loi qui ne soit pas drastique pour les uns ni pour les autres. Dans la même veine, nous pourrions imaginer des panneaux de signalisation à portée variable pour ceux qui croient avoir droit de passage aux intersections.
Finalement, on ne sait plus ce que vaut la loi 101. Stéphane Dion dira peut-être que cette loi aura servi à civiliser le fédéralisme canadien, véritable rouleau compresseur anglais. Et les activistes canadiens diront que c’est une loi valable si elle n’altère pas la liberté de choix.
Officiellement on aime la loi 101 et on veut en protéger les acquis mais son application intégrale se rangerait dans la logique du « tout ou rien », la nostalgie. Désormais la loi devrait s’ouvrir à la modernité, à l’entrecroisement, à la troisième voie. Comme d’habitude, les Québécois se font baratiner à bloc et se font prêcher la modernité, ce mot qui sert de déguisement commode à chaque avancée du système canadien.
Quand des cerveaux ont recommandé que la loi 101 s’applique même dans des institutions qui veulent bafouer la loi, les écoles passerelles, la nouvelle a fait la une. Quelle surprise! C’est qu’au Québec, d’habitude, une loi ne doit pas porter préjudice aux « valeurs communes » et se déclarer d’emblée transformable afin de jouir du consensus canadien qui seul la rendra viable. Entendre soudain que la loi s’applique! Quelle trouvaille! Il faudra en délibérer! C’est trop incongru!
Cela risque de faire mal paraître le Québec a-t-on dit. En effet, le Fédéral commande la « diversité » et les «valeurs communes ». À l’étranger, on comprendra qu’une barricade n’ayant que deux côtés, le Québec prend nécessairement le contre-pied de la « diversité » et des « valeurs communes ».
On prétend que l’enjeu ne porte pas sur l’abolition de la loi 101. On veut juste camper son rôle au Canada comme étant une loi régionale vouée à apporter des nuances subalternes à la loi des langues officielles. Dans la province du Québec, on devrait pouvoir avoir accès à l’école anglaise moyennant un stage payé dans une école anglaise. Cela fera la différence avec les autres provinces où on peut fréquenter l’école anglaise directement sans payer.
Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que ce principe une fois admis, c’est l’éventail de choix ouvert par la loi sur les langues officielles du Canada qui se dépliera au Québec. On dit que les écoles passerelles ne touchent que des clients marginaux. Il n’y a cependant aucune raison, le principe une fois admis, que le droit de transgression s’exerce à la marge dans un cercle fermé.
Un moment ou l’autre, ce cercle s’élargira. Les écoles passerelles, c’est une façon d’organiser une régulation linguistique et de mettre la loi 101 en parallèle pour la doubler. Pour rendre cela acceptable, on dit qu’il y a peu de gens qui peuvent s’offrir le luxe d’échapper aux contrôles régionaux. Ce serait les sommes d’argent à débourser qui limiteraient les possibilités d’accroissement des écoles passerelles.
Donc, inutile de s’embêter. Ceux qui se veulent rassurants oublient de mentionner qu’on décrète comme légitimement légal de se soustraire au pouvoir de la loi! Le concept même de poches de résistance légales à la loi 101 pave le chemin de son escamotage de plus en plus généralisé.
Nous sommes dans une étape d’un processus depuis longtemps entamé. Des têtes d’affiches fédéralistes font mine de se rallier à la loi 101 alors même que s’effectue sa désactivation en douceur. On ne peut pas imaginer qu’une formule de contournement de la loi commandée et encadrée par l’appareil judiciaire canadien demeure un tropisme. Les écoles passerelles, c’est le génie canadien sorti de la bouteille. Il signifie que, dans le cadre national, une régulation linguistique peut et doit faire contrepoids à la trop puissante loi 101.
André Savard


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3 commentaires

  • Gilles Bousquet Répondre

    10 mars 2010

    Nous, Québécois francophones, sont les principaux artisans de nos actuelles difficultés. Faudrait juste commencer par arrêter de voter pour le PLQ...genre. Ensuite, devenir optimistes, vu que ça rend plus heureux que d'être pessimistes, sauf quand nous sommes masochistes.
    C'est la grâce que je nous souhaite.

  • Archives de Vigile Répondre

    10 mars 2010

    À notre révolution tranquille entamée dans les années soixante et jamais achevée, les fédéralistes y répondent en tentant de nous achever par l'assimilation tranquille. C'est toujours le même vieux plan de Lord Durham qui se poursuit... Il n'y a aucun avenir pour le Québec dans leur canada.
    Non au génocide en douce; l'indépendance au plus sacrant!
    Vive le Québec libre!!!
    Jacques L. (Trois-Rivières)

  • Archives de Vigile Répondre

    9 mars 2010

    Monsieur Savard
    Le peuple québécois est-il à ce point colonisé et à genoux pour ne pas s'apercevoir que les autorités fédérales et ses collabos de politiciens à Québec sont en train de l'assimiler en douce en charcutant la loi 101 de 1977 qui nous servait de rempart contre l'anglicisation? Et toute cette immigration massive malgré un taux de chômage de plus de 8%, ce que je considère être criminel, va nous diluer encore de plus en plus comme peuple et nuire à notre cohésion sociale. Tout est bien planifié pour nous empêcher de faire l'indépendance et pour nous soumettre au multiculturalisme "CANADIAN"; c'est tellement évident. Et le bon peuple habitué comme toujours à obéir, à ne pas faire de vague, se soumet à l'inévitable comme durant le temps de la grande noirceur. Et nos politiciens du PQ et du Bloc ne réagissent même pas au lieu d'être sur le front, aux barricades, pour dénoncer ce génocide en douce. Avons-nous abdiqué comme peuple? Se poser la question, c'est y répondre non? Quand je pense à tous ces colons, ces découvreurs de la Nouvelle-France qui ont trimé dur pour nous donner ce pays en devenir, c'est désolant à faire pleurer. J'espère que le peuple québécois saura se réveiller avant qu'il ne soit trop tard parce que l'assimilation, c'est irréversible.
    André Gignac le 9 mars 2010