«Cette violence me plait [...] Elle montre que des Palestiniens résistent au Hamas», confiait il y a quelques mois un responsable américain à Alvaro de Soto, coordinateur spécial des Nations unies pour le processus de paix au Proche-Orient, selon son «Rapport de fin de mission» confidentiel divulgué au Guardian la semaine dernière. C'est tout à fait conforme à ce que la politique étrangère des États-Unis nous a donné à voir à l'époque.
Elle consistait en effet à bloquer toute coopération internationale avec le précaire gouvernement de coalition palestinien, laborieusement formé avec un an de retard et réunissant des éléments du Hamas et du Fatah. Elle consistait aussi à préparer les milices du Fatah à une épreuve de force avec le Hamas.
L'affrontement a eu lieu la semaine dernière dans la bande de Gaza et c'est le Hamas qui l'a emporté. En moins d'une semaine, au prix d'une centaine de morts, il a éliminé quasiment tous les bastions du Fatah dans la bande de Gaza. La question qui se pose est donc la suivante : les États-Unis et leur allié israélien ont-ils simplement fait preuve de naïveté en boycottant le Hamas et en soutenant le Fatah, ou leur vrai objectif a-t-il toujours été de diviser les Palestiniens ?
La confrontation couvait depuis longtemps
Dans un sens, cette confrontation couvait depuis des années. La bande de Gaza est en effet une prison à ciel ouvert surpeuplée, où les conditions de vie sont encore bien pire qu'en Cisjordanie. Elle a par conséquent toujours été un terreau fertile pour l'extrémisme. Mais cet affrontement a amené un changement de taille : là où hier la seule «Autorité palestinienne» cherchait à fonder un État indépendant en Cisjordanie et sur la bande de Gaza, c'est-à-dire les «morceaux» de l'ancienne Palestine qui n'avaient pas été intégrés à Israël après la guerre de 1948, on trouve aujourd'hui deux pouvoirs rivaux aux objectifs très différents.
La Cisjordanie continue d'être administrée par les institutions traditionnelles établies pendant plus de 40 ans par feu Yasser Arafat : le Fatah, l'Organisation de libération de la Palestine et l'«Autorité palestinienne», un proto-gouvernement de l'État palestinien indépendant envisagé par les accords de paix d'Oslo de 1993. L'Autorité palestinienne, actuellement dirigée par le président Mahmoud Abbas, reste attachée à la solution des «deux États», selon laquelle Israël et un État palestinien se partagent les territoires de l'ancienne Palestine.
Une organisation islamiste qui rejette la paix avec Israël
La bande de Gaza, en revanche, est désormais aux mains du Hamas, une organisation islamiste qui rejette la paix avec l'État hébreu. Sa vision est celle d'une Palestine réunie sous la loi islamique, un pays dans lequel les Arabes palestiniens représenteraient la nette majorité (il y a actuellement 5,5 millions de Juifs et 4,5 millions d'Arabes dans les territoires sous contrôle israélien, mais des millions de réfugiés palestiniens vivent dans les pays voisins). Le Hamas affirme que les Juifs nés là resteraient les bienvenus, mais que l'État d'Israël devrait disparaître.
L'État d'Israël ne va évidemment pas disparaître. Il dispose de l'armée de loin la plus puissante de la région, du soutien inconditionnel des États-Unis et de quantité d'armes nucléaires. Cet événement marque en tout cas la fin définitive du «processus de paix» engagé voilà 14ans. Les Israéliens rejettent la faute sur les Palestiniens et, à l'inverse, les Palestiniens rejettent la faute sur les Israéliens (les deux camps ont raison). Cependant, la région traversera encore de nombreuses années de violence avant que des pourparlers de paix sérieux ne reprennent. Qui plus est, une nouvelle guerre israélo-arabe n'est pas impossible.
La dernière sortie avant le désastre a probablement été dépassée il y a 17mois, quand les Palestiniens ont élu un gouvernement incarné par le Hamas à l'occasion d'une élection libre et régulière. Israël et l'Occident ont alors refusé d'avoir de quelconques relations avec lui. Le but était de pousser le Fatah et l'Autorité Palestinienne à refuser les résultats de l'élection et à se battre contre le Hamas dans une guerre civile ouverte. Cela a en fait surtout appauvri et radicalisé la population, notamment dans la bande de Gaza. La guerre civile a fini par arriver, comme prévu.
Les Israéliens qui, il y a dix ans, commençaient à dire qu'il n'y avait vraiment «personne avec qui négocier du côté palestinien», se voient aujourd'hui donner raison sur ce point. Jeudi 14 juin au soir, Mahmoud Abbas a limogé le gouvernement d'union dirigé par le Hamas qui avait été formé, il y a trois mois, pour tenter de rouvrir les canaux de communication avec les Israéliens et l'Occident. Il a décrété l'état d'urgence et promis la tenue de nouvelles élections. Si elles devaient effectivement avoir lieu, le Hamas gagnerait à nouveau, de sorte qu'il n'y en aura probablement pas.
Les seuls perdants, ce sont les dix millions de personnes, Juifs, Musulmans et Chrétiens, qui vivent entre le Jourdain et la mer. Ils sont condamnés à vivre une nouvelle guerre.
*L'auteur est un journaliste canadien, basé à Londres
ANALYSE
La République islamique de Gaza - La fin définitive du processus de paix
Proche-Orient : mensonges, désastre et cynisme
Gwynne Dyer21 articles
Journaliste indépendant L'auteur est un Canadien, basé à Londres. Ses articles sont publiés dans 45 pays. Son dernier livre, {Futur Imparfait}, est publié au Canada aux Éditions Lanctôt.
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