C’est un véritable Voltaire qui s’éteint dans le monde musulman. Abdelwahab Meddeb, né à Tunis en 1946 écrivain, poète, islamologue et professeur de littérature comparée à la Sorbonne, à Paris, incarnait à lui seul la posture de l’intellectuel engagé et critique.
Engagé dans le processus de démocratisation de la Tunisie notamment ainsi que dans le rapprochement entre l’Orient et l’Occident.
Critique, vis-à-vis de l’islam entre autres.
Amoureux de l’Orient mais rétif à toute complaisance à son égard. Car il savait qu’il planait au-dessus de lui cette menace à conjurer. Celle d’un islam qui se fourvoie dans l’intégrisme: l’islamisme. C’est ce qu’il nomme « la maladie de l’islam » (Paris, Seuil, 2002), titre qu’il a d’ailleurs donné à l’un de ses essais les plus célèbres.
« Les musulmans actuels correspondent à la parabole biblique et coranique de ceux qui ont des yeux et qui ne voient pas, de ceux qui ont des oreilles et n’entendent pas et il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. L’un des pays musulmans censé être le défenseur de l’islam de la manière la plus forte, l’Arabie Saoudite, a sur son drapeau la profession de foi islamique, avec des lettres tellement allongées qu’elles deviennent des lances agressives, et en dessous le glaive. Pour construire un monde en commun dans le respect de la diversité, il faut un dialogue, qui ne doit pas être de complaisance. La question de la violence de l’islam est une vraie question. » Entrevue dans Libération
Quelles sont donc les raisons de cette violence ? En quoi la Lettre (Coran et Tradition) a pu permettre une lecture de l’islam qui conduise au djihad ?
Pour répondre à ces interrogations, Meddeb remonte aux sources premières. Lui qui a grandi en Tunisie dans une famille traditionnelle et pieuse et a appris le Coran sous l’autorité de son père, théologien tout comme son grand-père.
Sa conclusion est limpide. L’islamisme est, certes, la maladie de l’islam, mais les germes sont dans le texte coranique lui-même, insiste-t-il.
Pour autant, il considère que l’intégrisme n’est pas une fatalité pour les sociétés musulmanes et que la démocratie est un bon remède aux régimes autoritaires et totalitaires. C’est pourquoi il soutient la Révolution tunisienne, dès ses premiers balbutiements en décembre 2010.
Chacun de ses livres est une véritable révolution, un incendie, un brûlot, une pulvérisation de la référence islamique ambiante, du politiquement correcte et de la complaisance. Sa plume est un acte de feu qui électrise aussi bien l’Orient que l’Occident à qui il donne, chacun à son tour, des leçons d’histoire.
Il enflamme l’islam en l’accusant de s’enfermer dans une gangue d’archaïsmes. Il vilipende l’Occident qui nie l’héritage de Bagdad et de Cordoue qui a contribué à la formation de l’Europe des Lumières. Ce lien de l’islam avec l’hellénisme connaît son point de synthèse dans le personnage le plus connu en Occident, le philosophe andalou du XIIe siècle, Averroès.
Héritier de cette école rationaliste, c’est au lance-flammes qu’il s’oppose naturellement et brillamment à Tariq Ramadan, le petit-fils du fondateur de la Confrérie des Frères musulmans, qui défend, lui, une lecture littéraliste du Coran et qui a justifié, à plusieurs reprises, la violence des islamistes.
En ces temps de grandes confusions idéologiques et de questionnement au sujet de l’islam, les livres de Abdelwahab Meddeb sont des incontournables. Dans les mille et une étoiles de ma bibliothèque, ils vont continuer de briller.
Car les Lumières ne s’éteignent jamais!
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