Le Québec a toujours été l’enfant malcommode du Canada.
C’est autour des demandes du Québec qu’ont éclaté les crises constitutionnelles les plus marquantes.
Ce sont les référendums québécois, surtout celui de 1995, qui ont mené le Canada au bord de la crise d’apoplexie.
La prochaine tempête viendra cependant de l’Ouest.
Colère
C’est ce qu’avance l’éminent juriste André Binette, dans un article fascinant paru hier dans L’Aut’Journal.
La colère a conduit les Albertains à ramener au pouvoir le parti conservateur, aujourd’hui dirigé par Jason Kenney.
Ils sont fâchés que le reste du Canada, surtout le Québec et la Colombie-Britannique, ne partage pas leur enthousiasme pour un Canada pétrolier.
Kenney, explique Binette, va déployer une stratégie à deux volets : judiciaire et politique.
Le gouvernement Trudeau avait dit aux provinces : introduisez vous-même une taxe sur le carbone ou je vous l’imposerai.
L’ancien gouvernement albertain du NPD avait introduit la taxe. Kenney veut l’abolir. Trudeau menace d’intervenir.
Sur le plan juridique, Kenney se joindra au gouvernement ontarien de Doug Ford pour contester la constitutionnalité de la position fédérale.
Ils ont, estime Binette, peu de chances de prévaloir puisque les compétences fédérales en matière fiscale sont pratiquement illimitées.
Ils comptent davantage sur la défaite de Trudeau en octobre.
L’Alberta risque aussi de voir les tribunaux invalider sa loi provinciale qui lui permettrait de fermer le robinet de son pétrole du côté ouest pour punir la Colombie-Britannique de refuser le passage d’un oléoduc sur son territoire.
Cette loi sera interprétée par les tribunaux, dit Binette, comme une entrave inconstitutionnelle au commerce interprovincial et international.
Imaginez la rage albertaine. Kenney a alors dit très clairement ce qu’il ferait : il sortira l’arme nucléaire.
Il organisera un référendum, en octobre 2021, sur le régime de la péréquation, intégré dans la constitution canadienne en 1982.
Comme le Québec s’oppose à l’oléoduc d’Énergie Est, Kenney veut faire pression sur les 13 milliards $ de péréquation que le Québec reçoit annuellement.
Beaucoup d’Albertains, dont la province ne reçoit rien à ce chapitre, pensent en effet qu’ils « font vivre le Québec ».
Rappelons cependant que les impôts fédéraux versés par les Québécois financent 20 % de la péréquation et que, si le Québec reçoit le plus gros montant, d’autres provinces moins peuplées reçoivent plus par habitant.
Kenney gagnera facilement son référendum et adoptera une motion exigeant des négociations constitutionnelles.
Ces négociations sont devenues obligatoires, selon la Cour suprême, si une province les exige, depuis le Renvoi sur la sécession du Québec en 1998.
Boîte de Pandore
Si vous ouvrez la Constitution, dit Binette, vous l’ouvrez cependant pour tout le monde : provinces, autochtones, minorités ethniques, etc.
En échange d’une modification désavantageuse pour lui de la péréquation, le Québec devra arriver avec sa liste de demandes constitutionnelles.
On rejouerait dans une version IMAX 3D des films de 1980 et 1990.
Ajoutez à cela les commissions scolaires anglophones du Québec qui invoqueront, devant les tribunaux, les droits des minorités ethniques pour refuser d’appliquer notre loi sur la laïcité.
Gros nuages à l’horizon...