L'Europe en récession

La peste austérité

Géopolitique — Union européenne

Le rendez-vous annoncé vient de s'avérer: l'Europe est en récession. D'accord, c'est officieux et non pas officiel. Reste que les chiffres communiqués ces jours-ci par Eurostat laissent entrevoir une autre contraction du PIB ce trimestre, après celle observée au terme du précédent. Signe particulier? Cette récession est une contradiction de la théorie économique: on y entre alors que le taux de chômage est déjà élevé. On tient à le répéter: dans un contexte normal, on entre en récession lorsqu'il y a eu surchauffe de l'économie. Lorsque le taux de chômage est bas, lorsqu'il y a poussée inflationniste sur les prix et les salaires. Il est extrêmement rare que la lèpre économique s'installe et s'étende quand le nombre de sans-emploi avoisine les 11 %, comme c'est le cas aujourd'hui dans la zone euro. Une moyenne qui cache le 23 % de l'Espagne, le 20 % de la Grèce et autres. Une moyenne qui fait paravent au décalage qu'il y a entre les pays du nord et du sud. Et encore là, le nord... Prenons l'Allemagne. De prime abord, la situation en cette matière est aussi lisse et harmonieuse, symboliquement causant, qu'un village de Haute-Bavière. En effet, sur la vitrine de ce pays, il est écrit que le taux de chômage se situe à 7,8 %. Mais lorsqu'on lève le voile de l'opacité, on réalise que la situation est plus grave, car à l'instar de Tony Blair en son temps, le gouvernement de Merkel est passé maître dans le maquillage des chiffres. À preuve... À preuve, après une enquête menée l'automne dernier par le journal Die Welt, le ministre allemand du Travail a été dans l'obligation de faire un acte de contrition: 57 % (!) des seniors au chômage ont été gommés des statistiques. L'épidémie de chômage partiel n'est pas prise en compte, alors qu'elle touche au-delà de 26 % des salariés. Quoi d'autre? La nation de Karl Marx a «inventé» une nouvelle classe sociale: les travailleurs pauvres. Soit ces travailleurs qui perçoivent un salaire mensuel de 470 $. Tenez-vous bien, ils représentent 20 % de la population active. Le contre-pied que l'Europe vient d'accomplir aux dépens, si l'on ose dire, de la théorie économique a été concocté avec le recours généralisé aux plans d'austérité. On le sait, dans la foulée des décotes décrétées par les agences de notation, la médecine de cheval a été imposée de l'Irlande au Portugal en passant par l'Espagne, de la Grèce à la France en passant par l'Italie, afin de satisfaire à tous égards les créanciers. Le temps de le dire, le maître mot des politiciens s'est formulé ainsi: rembourser tout de suite. Même un pays comme le Royaume-Uni, qui dispose toujours de ses leviers monétaires, a opté pour l'austérité tous azimuts. Cette obsession pour l'austérité sans plan de croissance, cette inclination pour l'austérité absolue qui trouve son origine en Allemagne annonce des lendemains désenchantés. En effet, les cures imposées au plus grand nombre des individus s'est traduit naturellement par une diminution des échanges commerciaux entre membres de l'Union européenne, et pas seulement de la zone euro. De fait, on s'attend que les nations du centre de l'Europe et de l'est soient égratignées, pour rester très modéré, dans le courant de la présente année. Déjà, les finances de la Hongrie sont dans un état, pour le dire en termes polis, tristounet. Le Vieux Continent en est là parce qu'il observe avec fanatisme toutes les obligations inhérentes à l'austérité, mais aussi parce que les concepteurs de la monnaie unique ont bâclé le travail. Dans une très longue analyse du sujet parue récemment dans le New York Times, le prix Nobel d'économie Paul Krugman raconte que dans les années 1990, des économistes rattachées à la Commission européenne avaient signé des commentaires dans lesquels il faisaient l'inventaire des pour et des contre l'euro. Le tout augmenté des gestes politiques que la création de la monnaie unique imposait, notamment l'intégration fiscale et la coordination des politiques économiques. Et alors? Ces travaux ont été volontairement écartés au profit des commentaires strictement favorables. Autrement dit, les élus ont nourri une vision romantique de l'euro. Ils ont péché par romantisme, au lieu de donner prise au principe tout simple, tout bête qu'on appelle le principe de réalité.



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