Avant de regarder de près le Discours du Trône lu par la gouverneure générale Michaëlle Jean, ça vaut la peine d’aller regarder le premier discours du Trône que le jeune gouvernement conservateur avait présenté en avril 2006. C’est en comparant les deux documents que l’on réalise à quel point les conservateurs et le premier ministre Stephen Harper ont changé en à peine un an et demi.
Le discours de 2006, c’était un fascicule, un articulet d’à peine six pages, qui ne contenait à peu près rien, sinon la reprise des cinq promesses électorales assez simplettes qui avaient porté les conservateurs au pouvoir, un chèque pour les familles, la baisse de la TPS, la sécurité, un gouvernement plus propre.
Ce que montre ce Discours du Trône, c’est qu’en un an et demi, les conservateurs ont gagné en profondeur, qu’ils ont élargi leurs horizons. Le discours comporte encore cinq points, manifestement un chiffre magique, mais il ne s’agit plus de cinq promesses, mais plutôt de cinq grands axes de politique, l’environnement, le rôle du Canada dans le monde, l’unité nationale, le développement économique.
Ce à quoi on a assisté depuis un an et demi, c’est à la métamorphose d’un parti, qui s’affranchit progressivement de ses racines idéologiques, qui est en train d’abandonner les éléments les plus insupportables de son dogme de sa culture d’origine, pour devenir un parti de gouvernement. Et qui le fait de la seule façon qui permet à un parti de gouverner au Canada, en recherchant l’équilibre du centre. La chenille de droite est en train de se transformer en papillon centriste.
Bien sûr le Discours du Trône est vague et imprécis. Ce sont les règles du genre qui veulent qu’un tel exercice, peu importe le gouvernement, soit pompier et un peu vaseux. Mais c’est ce flou qui permet de créer un terrain d’entente. Et si le discours avait été clair et précis, ceux qui lui reprochent son flou auraient dénoncé son arrogance. Il ne comporte pas non plus grand chose de nouveau. Mais le message qu’il porte est moins dans ses initiatives que dans son équilibre. Dans le fait qu’il ne contient rien de scandaleux ou de choquant pour la plupart des Canadiens et des Québécois.
On le voit avec la question de l’Afghanistan. Les conservateurs n’annoncent pas un retrait des troupes en février 2009, comme le réclamaient les partis d’opposition, mais une stratégie de transition, pour que les efforts ne soient pas réduits à néant. Une position sensée, qui pourrait être consensuelle, d’autant plus que le premier ministre a confié la réflexion sur cet enjeu à un libéral, l’ex-ministre John Manley.
Sur la question nationale, les conservateurs tiennent leur promesse et annoncent leur intention d’encadrer le pouvoir fédéral de dépenser, une ouverture importante, exigée par le Québec depuis des décennies. Mais tout en redonnant ainsi du pouvoir aux provinces, le gouvernement conservateur tente de donner un autre sens à la fédération en souhaitant renforcer l’union économique.
Même en économie, il y a du changement. Les conservateurs, ont l’a peut-être oublié, n’avaient pas vraiment de politique économique, en bon apôtres de la non-intervention. Le gouvernement Harper se transforme là aussi, en remettant à l’honneur son document stratégique pas tellement loin de ce que proposait le gouvernement Martin, et bien sûr, en continuant à baisser les impôts.
Et toujours par souci d’équilibre, un volet sur la sécurité, pour ne pas oublier sa base dont il s’éloigne progressivement.
Les conservateurs déçoivent toujours en environnement. On pourra s’indigner du fait qu’ils affirment que l’atteinte des objectifs de Kyoto est impossible, ce qui est pourtant une évidence. Mais on doit noter que le gouvernement Harper, poussé par l’opinion publique, a fait un bout de chemin en environnement et qu’il n’a sans doute pas terminé son virage.
On spéculera beaucoup dans les chaumières sur la façon dont la Chambre des communes accueillera ce Discours du Trône. Et surtout, sur l’attitude des libéraux, quand on sait que les néo-démocrates et les bloquistes ont déjà annoncé leur intention de s’y opposer. On spéculera sur la façon dont le parti de Stéphane Dion réussira à ne pas renverser le gouvernement sans perdre la face. On spéculera aussi sur le risque, encore présent, que le gouvernement soit renversé.
Mais n’oublions pas que la donne a changé, et que deux éléments nouveaux, que ne décrivent pas les sondages, coloreront le paysage politique canadien. Le premier, c’est que les conservateurs ont réussi à devenir un parti de gouvernement. Le second, c’est qu’à l’heure actuelle, les conservateurs sont les seuls sur ce terrain.
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