Extrait d'une critique de livre parue dans « Le Devoir »

« La mère patrie » : fiels d’un nostalgique

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Tribune libre

D'Anne-Frédérique Hébert-Dolbec

« Le premier essai de fiction de Maxime Blanchard, Le Québec n’existe pas (Varia, 2017), mettait en scène un narrateur nostalgique et amer qui s’attaquait, dans une suite de notes éparses et fielleuses, à un Québec enfermé dans sa mollesse et ses contradictions, condamné à disparaître dans une indifférence générale entretenue par la mondialisation, le multiculturalisme et le néocolonialisme.


La nouvelle offrande de l’auteur, qui est également professeur de littérature et de langue française à la City University of New York, baigne dans les mêmes eaux. Le protagoniste, passé de Éric Langevin à Jérôme Dagenais, pose un regard toujours aussi acide sur la situation culturelle et politique du Québec, s’accrochant aux parcelles grandioses et aux beautés oubliées de l’histoire pour pleurer un passé qui n’émeut plus personne et les convictions et communautés qui lui ont fait croire à la possibilité d’un pays.


Convaincu qu’il est condamné à vivre dans l’époque la plus insipide et la plus " idiote " de l’histoire, Jérôme Dagenais, alter ego de l’écrivain, ne fait pas dans la dentelle pour décrire ses contemporains, en particulier cette jeunesse qui " n’a pas de vécu qui vaille ", " n’a emmagasiné ni noblesse ni ampleur ", " s’insurge contre l’islamophobie et le validisme ", " s’offusque du mot “patrimoine” ", insère " partout des traumavertissements ", et pour qui l’existence se résume à l’écran d’un téléphone.


En entrevue au Devoir en 2017, Maxime Blanchard disait s’attendre à se faire traiter " de radical, de raciste, d’inconscient " après la parution de son premier ouvrage. Ce ne sont pourtant pas les mots qui viennent spontanément en tête en parcourant La mère patrie. Il faut dire que depuis 2017, ce type d’opinions polarisantes n’a fait que se multiplier dans les médias.


(...) Car, écrit-il, " à Berne, à Montreux, à Delémont, il n’aurait pas observé, impuissant et furieux, ceux de sa race se lover dans l’obsolescence. Il aurait pu devenir Joël Dicker, écrivain à succès que ne terrorisent pas l’assimilation de son peuple et l’effacement de sa culture. […] Il n’aurait pas épuisé son talent et son énergie à haïr son pays ".


Porté par un souffle élégiaque et une verve corrosive qui n’est pas sans rappeler Pierre Falardeau, l’ouvrage aux airs de pamphlet se lit tout de même d’une traite, traversé d’une charge émotive communicative et par l’habileté de son auteur à pointer quelques culs-de-sac et à soulever avec acuité les contradictions de ses contemporains. " Ils ont manifesté contre la guerre à Gaza. Ils sont rentrés chez eux en Uber. Ils ont manifesté contre le profilage racial. Ils ont acheté des chaussures sur Amazon. Ils ont manifesté contre l’expulsion des sans-papiers. Ils ont loué un appartement sur Airbnb. Ils ont manifesté contre un oléoduc. Ils se sont fait livrer une pizza par DoorDash. " (...)


La mère patrie, Maxime Blanchard, VLB éditeur, Montréal, 2024, 240 pages. »


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