En réponse à: À quand le Québec dans la rue ?

La méfiance des ethnies. Écrit par Claude Masson

Écrit par Claude Masson

Tribune libre

Je tiens à rectifier le tir. Nosco voit de l'italien dans sa soupe «Minestrone» celle «au pois» n'est pas piqué des vers non plus.
La méfiance des ethnies
Écrit par Claude Masson
Les Chinois sont mécontents : « Les médias parlent de nous quand les cuisines de nos restaurants sont montrées du doigt en raison de leur malpropreté. »
Les Italiens sont frustrés : « Lorsqu'il est question de pègre ou de mafia, ce sont toujours les Italiens qui sont montrés du doigt. »
Les Jamaïcains sont en colère : « Quand il y a des bagarres entre Noirs et Blancs, c'est toujours nous autres qui sommes visés. »
En clair, lorsque les médias parlent des ethnies, ils en parlent en mal, négativement. C'est la perception assez répandue qu'ont plusieurs des membres des communautés culturelles de Montréal, qui font l'objet de reportages à la télévision, à la radio ou dans les journaux.
Récemment, dans La Presse, le Congrès national des Italo-Canadiens du Québec soulignait la publication d'articles qui font souvent croire que la pègre est une marque de commerce typiquement italienne. « La pègre n'a pas de race, ni de couleur, ni de religion. Ce sont les criminels qui font la pègre et non leurs origines », de rappeler le président de ce conseil, M. Nick Pierni. Il ajoutait : « Si les journalistes consacraient autant d'espace et d'importance à l'apport économique, social et culturel que la communauté italienne du Québec a donné et donne à ce grand pays, on parlerait bien de nous quotidiennement. » Et vlan !
Les communautés culturelles n'ont pas tout à fait tort. Au contraire. Les mauvais coups de certains des leurs sont plus souvent mis en évidence que les bons coups de la majorité. Plusieurs raisons expliquent - sans toutefois les justifier - les agissements des médias dans la « couverture » des ethnies.
Les préjugés sont tenaces. Même si toute personne de bonne volonté veut combattre le racisme, le sexisme, la discrimination sous toutes ses formes, les préjugés n'ont pas complètement disparu face aux minorités visibles, de la part des Québécois d'origine et de race blanche. Or, une très grande majorité de journalistes dans la plupart des médias sont des Québécois - francophones ou anglophones - de race blanche. Ils transportent donc avec eux un degré plus ou moins élevé de préjugés, de racisme, de pensées ou d'agissements discriminatoires. La perfection n'est pas de ce monde !
Les perceptions historiques, sinon archaïques, qu'ont les responsables des médias et les reporters face à certaines communautés culturelles ont la vie dure, même si elles ne reflètent pas toujours la réalité d'aujourd'hui. Parler des Italiens et de la mafia, des Chinois et de la malpropreté, des Jamaïcains comme des fauteurs de troubles est presque naturel. Il est difficile de se départir de notre vision ancestrale.
La méconnaissance importante de ce qui se fait et se vit à l'intérieur des communautés ethniques constitue une difficulté majeure pour permettre une présence plus significative et plus réelle de ces communautés dans les médias. Divers rapprochements ont été effectués. Diverses tentatives ont été entreprises afin de mieux décrire la vie des communautés ethniques dans les médias écrits et parlés de langue française ou de langue anglaise, mais ce n'est assurément pas suffisant. La Presse a déjà réalisé plusieurs projets, notamment sous la plume d'André Luchaire, Lily Tasso, Gérald LeBlanc, Richard Hétu et de quelques autres, mais il y manque la continuité.
En plus de reportages spécifiques sur telle ou telle communauté, à l'occasion d'un événement, d'une fête, d'une manifestation, d'un projet à caractère social, économique, sportif ou autre, il nous faut réussir à intégrer la réalité de toutes les communautés culturelles dans la « couverture » quotidienne de ce qui se vit à Montréal et au Québec.
Nous sommes conscients, à La Presse, que nous devons accentuer nos efforts, que nous devons inventer de nouvelles méthodes de travail afin de mieux cerner et de mieux décrire ce qui se passe dans les diverses communautés culturelles qui habitent la ville, la région, la province.
L'établissement de relations plus étroites et plus suivies avec les communautés nous permettra d'améliorer du même coup le lectorat chez les minorités visibles, qui représentent l'un des segments de la population qui croît le plus rapidement.
Source : Claude Masson : « La méfiance des ethnies », La Presse, Éditorial, le samedi 25 mai 1996. [Reproduit avec permission.
Claude Masson est éditeur adjoint au journal La Presse->http://www.emiliegamelin.qc.ca/masson1.html].


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