La maison brûle!
pourquoi je voterai contre le Parti libéral du Québec (PLQ) et dans une moindre mesure contre la Coalition avenir Québec (CAQ)
Tribune libre
Source : http://jeannemar.com/la-maison-brule/
J’ai longtemps cherché de quelle façon j’allais aborder le sujet dont il est question ici. Je suis venu à la conclusion que je ne devais pas chercher à convaincre de voter pour qui que ce soit, mais qu’il serait préférable d’expliquer ce qui motivera mon vote; pourquoi je voterai contre le Parti libéral du Québec (PLQ) et dans une moindre mesure contre la Coalition avenir Québec (CAQ). J’invite, en particulier, les gens qui rejettent le vote stratégique à lire ce texte et à le commenter. Confronter les idées divergentes est la meilleure façon que je connaisse de les faire évoluer. Je ne cherche en rien à discréditer les gens qui votent selon leurs convictions, je le ferai moi-même aux prochaines élections, mais de façon stratégique et voici pourquoi.
Le principe
Voter « stratégique », ça consiste en quoi? Au moment du vote, trois options s’offrent à nous, nous avons le choix entre voter pour un parti ou un candidat, voter contre un parti ou un candidat ou annuler son vote. Le vote stratégique c’est donc, en gros, de voter contre un parti ou un candidat.
La conjoncture
La conjoncture aura rarement été aussi favorable à l’indépendance du Québec, d’un autre côté la situation a rarement été aussi critique. Bien que la plupart des candidats des tiers partis nient complètement que l’heure est grave, la démolition du Québec entamé par le PLQ dépasse toutes les limites connues. Jean Charest et son équipe de vautours risquent d’atteindre leur but, de rendre l’indépendance du Québec inaccessible, s’ils reprennent le pouvoir. D’un autre côté, il y a la CAQ qui refuserait de nous laisser sortir du Canada, si les Québécois jugeaient que la conjoncture est idéale pour que nous puissions enfin nous émanciper.
L’échiquier politique
Tout le monde connait l’expression échiquier politique, plusieurs l’utilisent sans jamais avoir pris le temps d’y penser, cette expression est pourtant très révélatrice. Je suis de ceux qui voient la politique comme une partie d’échec où l’on déplace ces pièces essayant d’anticiper deux coups d’avance les déplacements de la partie adverse. Je crois d’ailleurs que John James (Jean) Charest est probablement un excellent joueur d’échecs, sans quoi il n’aurait jamais pu se maintenir à la tête de l’État du Québec et briguer un quatrième mandat de suite. Le dernier à avoir réussi cet exploit étant Maurice Duplessis, il avait su se maintenir au poste de premier ministre du Québec pendant 15 ans d'affilée, il avait été élu en 1944, 1948, 1952 et 1956 à la tête de l’Union nationale. En 9 ans de pouvoir, M. Charest a égalé ou battu plusieurs records jusque-là détenus par M. Duplessis, espérons seulement qu’il n’égalisera pas celui-ci.
En politique comme aux échecs, pour être certain de ne pas tout perdre, il faut parfois sacrifier la reine afin de sauver le roi. Or, je crois que l’enjeu de cette élection est la survie du Québec que l’on aime. Le sabotage a assez duré, après 9 ans de saccages de nos institutions, de notre économie, de notre environnement, de notre sous-sol, du peu de démocratie que l’on avait, de nos services publics, du bien commun, de notre État providence et ainsi de suite. J’y reviendrai plus en détail plus bas. Une élection qui consacrerait John James premier ministre pour une quatrième fois risquerait bien d’être le coup qui mettrait le Québec échec et mat.
Le devoir de vote
Les discussions sont animées depuis le déclenchement des élections le 1er août dernier, on sent un engouement pour les élections du 4 septembre, le printemps québécois aura au moins eu comme victoire de réintéresser bien des gens à la chose politique. Espérons que les gens se prévaudront de leur droit, ou s’acquitteront de leur devoir, de vote, cette fois-ci, car, rappelons-le, aux élections générales de 2008, un faible 57,33 % des gens avait fait entendre leur voix. Plusieurs rejettent l’idée même du vote, ce rejet s’explique souvent par un désabusement envers la classe politique ou un rejet systématique de tous les candidats. D’autres croient pouvoir changer les choses en boycottant les élections, personnellement je crois que pour faire avancer les choses nous devons les pousser, petit à petit, en votant continuellement pour la moins mauvaise option et en maintenant une pression constante sur nos élus.
L’argumentaire
Dans les nombreuses discussions que j’ai eues avec les gens de mon entourage, il a souvent été question de vote stratégique. Je vous donne donc ici quelques arguments qui m’ont été donnés, suivis de ma façon de voir les choses.
Le financement public des partis
« Je voterai par convictions afin que le parti que j’aime le plus obtienne du financement public grâce à mon vote. »
La loi régissant le financement des partis politiques1, section VI, article 56, stipule ceci : « L'allocation visée dans l'article 55 se calcule en divisant entre ces partis, proportionnellement au pourcentage des votes valides obtenus par ces derniers aux dernières élections générales, une somme égale au produit obtenu en multipliant le montant de 0,25 $ par le nombre d'électeurs inscrits sur les listes électorales préparées et révisées conformément à la Loi sur les listes électorales (chapitre L-4.1) lors du dernier recensement annuel. » En clair, ça veut dire quoi? Prenons les dernières élections générales comme exemple.
Le nombre d’électeurs inscrits sur la liste électorale était de 5 738 811.
Le pourcentage de vote valide recueilli par Québec solidaire a été de 122 618 soit 3,78 % du vote total.
Le calcul est le suivant. ((5 738 811 * 0,25 $)*0,0378)/122 618 = 0,44 $
Donc, chaque vote attribué à Québec solidaire en 2008 a donné 0,44 $ par année au parti, en terme purement financier évidemment. C'est pourquoi je préfère voter de façon stratégique et faire des dons de 5 $ (par exemple) aux partis que j’aime vraiment.
La caution morale
« En votant contre un parti que je déteste, je me trouve à donner ma caution morale à un parti que je n’aime pas vraiment. »
Bien que cet argument se tienne, je crois qu’il est préférable de voter contre un parti qui ne doit en aucun cas (re)prendre le pouvoir et donner sa caution morale à un parti qui représente nos valeurs en y adhérant, donc en prenant sa carte de membre. Un parti qui obtiendrait un grand nombre de votes, mais qui serait incapable de recruter des membres devrait normalement comprendre le message.
Un parti qui représente mes valeurs
La politique c’est stratégique et mathématique et en votant émotif on risque, la plupart du temps, de se retrouver avec l’option qui se retrouve le plus à l’opposé de ce pour quoi l’on aurait voté. À moins, bien sûr, d’avoir la chance de pouvoir voter de façon stratégique tout en votant selon nos émotions… Ainsi, un électeur votant pour un tiers parti progressiste et indépendantiste risque de se voir représenté par un député fédéraliste de droite.
Les risques inhérents au vote utile
Bien que dans un mode de scrutin uninominal à un tour le vote stratégique soit souvent nécessaire, il existe, toutefois, des risques au vote stratégique. Outre le fait qu’il soit possible de se tromper et d’être amèrement déçu de son vote, le vote stratégique peut aussi s’avérer risqué nous emprisonnant dans une rotation stérile des principaux joueurs ne laissant pas de place aux partis émergents. D’où la nécessité de réformer notre système électoral. Le grand problème ici, c’est que bien que des partis l’ont eu ou l’ont encore dans leur programme, quand vient le temps de voter un projet de loi à l’Assemblée nationale, la plupart des députés votent contre… Nous pourrions, cependant, atteindre ce but avec l’aide des référendums d’initiative populaire (RIP).
Un autre des grands risques à inciter les gens à voter stratégiques est évidemment une recrudescence du cynisme. Depuis longtemps maintenant, nous nous plaignons du désintéressement des « jeunes » à la politique; maintenant que cette tendance semble vouloir enfin s’estomper, inciter ces « jeunes » à voter pour un parti qu’ils n’aiment « pas plus que ça » peut certainement en rendre plusieurs cyniques envers la classe politique.
Les deux grands inconnus
Parmi les deux grands inconnus de cette élection, il y a, bien évidemment, le vote pressenti de la jeunesse québécoise. En effet, notre jeunesse a été sournoisement attaquée par le parti libéral (et aussi par la CAQ qui a adopté la même position que les Libéraux et voté, je le rappelle, pour l’adoption de la loi 12 (projet de loi 78)) et nous pouvons nous attendre, quoique rien ne soit jamais certain, à une participation record de ceux-ci aux élections qui arrivent. Ce vote constitue d’autant plus un inconnu que les 18 à 35 ne sont généralement pas très bien représentés dans les sondages.
Le deuxième inconnu est la division du vote fédéraliste. Autant l’offre indépendantiste que l’offre fédéraliste n’ont jamais été si grandes. Avec 18 partis politiques dont 6 majeurs (Parti Québécois, Option Nationale, Coalition avenir Québec, Parti libéral du Québec, Québec solidaire et le Parti vert du Québec), il n’est pas impossible que les votes qui sont généralement attribués au PLQ ne soient pas favorables au parti qui n’a désormais de libéral que le nom. Cela est sans compter que les deux empires médiatiques semblent avoir pris parti pour la CAQ. Ceci était prévisible venant de Quebecor, mais l’Empire Gesca, qui détient entre autres La Presse et Le Soleil, semble aussi avoir délaissé partiellement le PLQ afin d’appuyer la CAQ. Il faut dire que c’est Lucien Bouchard, bon ami du magnat de La Presse, Paul Démarais, qui est à l’origine de la création de la CAQ.2
Les grands enjeux
L’île d’Anticosti
Les gens qui cherchent l’information vraiment et qui n’attendent pas que nos grands médias la leur servent sur un plateau d’argent savent que le seul pétrole de l’île d’Anticosti est évalué à une valeur actuelle d’environ 4000 milliards de dollars (4 trillions $) et que le parti libéral l’a cédé, sans en avoir obtenu le mandat, à des compagnies privées alors que ce pétrole appartient à tous les Québécois. Le pétrole du Québec a été nationalisé dans les années 60. Daniel Breton a d’ailleurs qualifié cette dépossession des Québécois de vol du siècle et a porté plainte3, contre Jean Charest et son gouvernement, à la sureté du Québec pour vol de nos ressources. Bien évidemment, nos bien-pensants médias n’ont pas jugé pertinent de relayer l’information de façon adéquate. Nous en avons entendu parler le jour même, et le lendemain, le peuple qui se souvient avait oublié.
Nous pouvons être pour ou être contre l’exploitation du pétrole d’Anticosti, mais une chose est certaine, si nous prenons le risque de l’exploiter, c’est tout le Québec qui doit en bénéficier… Si les libéraux sont réélus, nous n’aurons droit ni au beurre ni à l’argent du beurre. Ce dossier est à mon avis le principal enjeu de cette campagne électorale.
Les accords de libre-échange Canada-Europe
Les accords de libre-échange Canada-Europe représentent aussi un des enjeux critiques de cette élection. La teneur de ces accords est tenue secrète, mais l’information dont nous disposons nous laisse présager du pire. Le gouvernement Harper aurait trouvé la manière de modifier l’esprit la Constitution, sans y toucher directement. Le Québec se trouverait en fait contraint de respecter des traités internationaux qu’il ne pourrait modifier, car seul le Canada aurait l’autorité de le faire. Il n’est pas très difficile à comprendre que le Québec a énormément à perdre dans ce dossier.
Je vous recommande de lire un texte4 qu’a publié Richard Le Hir sur le site vigile.net à ce sujet.
Le Plan Nord
Une des plus grandes magouilles du PLQ et de son chef Johnny James est sans aucun doute le Plan Nord. Si l’on résume ce plan maléfique, on pourrait dire que le PLQ désire utiliser des fonds publics afin de permettre à des entreprises privées, le plus souvent étrangères, d’extraire nos ressources non renouvelables tout en saccageant notre environnement. Et ils osent appeler ça du développement durable! Bien que le seul argument qui puisse justifier la mise sur pied d’un si grand projet qui rapportera si peu au Québécois, si gain il y a (et j’en doute), soit bien évidemment la création d’emplois, mais là encore, le bât blesse. Plusieurs avancent que parmi les 50 000 emplois qu’il prétend créer par année une grande partie de ceux-ci découlerait en fait de la mise en chantier, ce qui ne durera évidemment pas très longtemps. D’ailleurs, les emplois créés par un tel plan ne peuvent durer puisqu’ils découlent de l’exploitation de ressources non renouvelables.
Le site vigile.net regorge d’information pertinente sur ce sujet, pour le moins, controversé.
Vers la privatisation d’Hydro Québec
Autant l’élection du PLQ que celle de la CAQ sont inquiétantes en ce qui a trait à la privatisation d’Hydro Québec (HQ). Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si La Presse a offert une couverture médiatique très favorable à la CAQ, estimant que son pion Charest était brûlé, la machine de propagande de l’oncle Paul a vite fait de se trouver un plan B. La tentative d’acquisition d’Énergie Nouveau-Brunswick par HQ suivait d’ailleurs la logique de la privatisation, nous devons une fière chandelle à la province voisine, qui s’est opposée au projet, sans qui la privatisation de notre principal actif aurait été plus que probable.
Les dérives autoritaires
Le gouvernement voyou de John James n’a pas hésité à utiliser son bras armé qu’est la police et à bafouer nos droits reconnus dans la constitution du Canada, dans la Charte des droits et libertés de la personne du Québec et les traités internationaux que nous avons signés, en créant le conflit étudiant de toutes pièces et en le maintenant savamment afin de se donner une image forte, incarnant l’ordre et l’autorité. Bien que M. Charest avait qualifié de grotesque les allégations selon lesquels il s’était « magasiné » un conflit par calcul électoral il s’est avéré que ces allégations étaient fondées. En effet, ce n’est pas un hasard si la date de retour en classe était prévue en plein milieu de campagne électorale, nous l’ignorions alors, mais lui le savait très certainement. Il n’avait cependant pas prévu que les étudiants allaient lui enlever sa seule planche de salut en rentrant calmement à leurs cours sans scandales et sans casse. Bien que certains ont vu d’un bon œil le fait que le gouvernement ne pliait pas devant les étudiants, il n’en reste pas moins que les droits et libertés fondamentaux des Québécois n’avaient pas été aussi compromis depuis la tristement célèbre loi de mesures de guerre de Pierre Eliott Trudeau et Robert Bourassa. Il faut tout autant s’inquiéter de la CAQ qui a aussi voté pour l’instauration de l’inique loi 12 (mieux connue sous le nom de loi 78 qui était en fait le nom du projet de loi avant qu’il soit adopté).
Le français en péril
Bien que Jean Charest nous dit que tout va bien dans le meilleur des mondes en ce qui a trait à la situation du français au Québec, son gouvernement a tout fait afin de nous angliciser le plus rapidement possible. Avec l’enseignement de l’anglais dès la première année, l’enseignement intensif de l’anglais en 6e année, la loi 115 qui permet les écoles passerelles et son laxisme patent pour faire respecter la loi 101. La situation est critique, le français est passé sous la barre de 50 % dans la métropole. Et l’anglosphixie se répand à travers le Québec.
L’accès à l’éducation
Comment passer outre l’enjeu qu’est l’accès à l’éducation? Bien que celui-ci n’ait pas d’impact direct sur notre sacro-sainte économie, les répercussions indirectes sont immenses. Un pays éduqué est un pays riche, libéraux et caquistes semblent, toutefois, ignorer ce fait avéré. Le meilleur investissement que puisse faire une nation est d’éduquer son peuple. L’éducation est le principal générateur d’une économie saine, d’une population en meilleure santé et plus apte à trouver des solutions aux défis qu’elle rencontre. Nous devons nous méfier de ceux qui voient une menace dans l’éducation du peuple, car l’éducation est la plus grande force émancipatrice et ceux qui la craignent cherchent assurément à nous maintenir dans notre asservissement.
Mon plaidoyer
Il me parait évident qu’il y a, en ce moment, péril en la demeure au Québec. Pendant que la maison brûle, plusieurs se demandent de quelle couleur devrait être la tapisserie. Je crois qu’il y a urgence d’agir et que nous devrions voter stratégique même s’il faut que nous nous bouchions le nez au moment du vote. Il est impératif de sortir les libéraux et si possible de bloquer la CAQ, il en va de l’avenir du Québec. Pour l’instant une seule certitude, l’élection du 4 septembre prochain sera historique, nous sommes à la croisée des chemins et il se pourrait fort bien que si les libéraux réussissent à se faufiler, nous franchisions le point de non-retour. Si tel est le cas, le sort du Québec sera scellé et les perspectives d’avenir seront extrêmement sombres.
Personnellement, à ces élections, je voterai selon mes convictions, je voterai donc stratégique.
Je vous propose de jeter un coup d’œil au document en lien qui a été publié par le site Too close to call auquel j’ai ajouté les deux premiers onglets. Vous pourrez toujours vous en servir afin de voter stratégique si vous décidez de voter ainsi.
De la droite réactionnaire...
Jean Némar
1. ↑ http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/...
2. ↑ http://jeannemar.com/lucien-bouchard-pirate-quebecois/
3. ↑ http://www.youtube.com/watch?v=oaG4i4P0H9I
4. ↑ http://www.vigile.net/Libre-echange-Canada-Europe
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