C’est fou ce que les commérages injustifiés ou les apparences traitresses peuvent causer de tort aux meilleures réputations comme aux personnalités publiques les plus admirables et attachantes. Prenons le cas d’Adil Charkaoui, par exemple. Figurez-vous que trois voisins d’Imad Eddine Rafai, l’un des six jeunes ayant quitté le Canada en janvier pour joindre un groupe islamiste en Syrie, auraient prétendu avoir vu le porte-parole du Collectif québécois contre l’Islamophobie entrer et sortir à plus d’une reprise du logement du jeune homme entre juillet et décembre 2014.
C’est le Journal de Montréal qui a eu vent de cette rumeur sans doute exagérée, peut-être même forgée de toute pièce, avant de tenter de joindre le militant islamique qui n’a pu s’expliquer de façon adéquate, occupé qu’il était à conduire au moment de l’appel. M Charkaoui a dû poursuivre son parcours routier très longtemps à partir de ce moment, puisqu’il n’a jamais rappelé les journalistes malgré « de multiples messages précis lui demandant de réagir à ces renseignements. »
Tout le monde sait que le fait de conduire de façon prolongée peut entrainer des conséquences funestes, comme de la fatigue accumulée, des problèmes de vision ou des troubles de la mémoire. Voilà sans doute la raison pour laquelle M Charkaoui ne s’est pas rappelé, le 27 février, d’avoir rencontré l’un ou l’autre des jeunes partis pour la Syrie, incluant ledit Imad Eddine Rafai. La mémoire lui était par contre revenue pour Bilel Zouaidia, sans doute parce que ce dernier avait suivi les cours d’arabe et d’études coraniques de son École des compagnons.
Un soudain flashback devait par ailleurs lui rappeler Mohamed Rifaat, photographié à ses côtés lors d’activités de son Centre communautaire islamique de l’est. Un article de La Presse avait sans doute contribué à ce regain mnémonique. Interrogé par les journalistes du quotidien de la rue St-Jacques, le musulman marocain avait sans doute dû à nouveau succomber au démon de la route puisqu'il ne semble pas avoir été en mesure de leur retourner leurs appels.
Trou de mémoire ?
Si l’on en croit un témoin présumé, M Charkaoui souffrirait d’importants déficits au plan des souvenirs puisqu’il aurait eu l’habitude de rencontrer Imad Eddine Rafai de jour, en l’absence de son père. Sans doute trouvait-il en pareilles rencontres un havre de paix, loin de ses habitudes routières prolongées. Si le témoin dit vrai, les absences de mémoire de M Charkaoui seraient grandes puisque les visites se seraient déroulées à l’été et à l’automne 2014, soit tout récemment.
Un fâcheux concours de circonstances, relevant sans doute de la plus pure coïncidence, aurait fait en sorte qu’une étonnante métamorphose s’est précisément opérée à cette époque chez le jeune homme, qui s’est laissé pousser une barbe typique en plus de porter une longue tunique claire, semblable à celles arborées par les adeptes de l’islam fondamentaliste.
Pour ajouter à une polissonne fatalité, c’est vers le 16 janvier, donc peu après les visites répétées de M Charkaoui, que le jeune homme se serait envolé, de concert avec trois autres hommes et deux jeunes femmes d’origines marocaine et algérienne, dans le but de joindre les rangs des djihadistes en Syrie. Gageons que le porte-parole du Collectif québécois contre l’Islamophobie n’a rien pu faire pour le dissuader d’un projet aussi téméraire qu’inquiétant, malgré tout l’ascendant qu’on serait porté à lui prêter.
Quand le mauvais sort s’acharne…
Cette malencontreuse révélation ne pouvait plus mal tomber, au moment où le militant islamique réprouvé se sentait déjà si tristement ostracisé. Est-il nécessaire de rappeler la décision des collèges de Maisonneuve et de Rosemont de suspendre la location de leurs locaux à l’organisation de ce fin démocrate, sous prétexte que son site héberge des liens de propagande djihadiste? Comment ne pas voir en M Charkaoui un martyre de la liberté d’expression, une victime de l’islamophobie ? Lui y parvient si aisément.
J’ai déjà fait état dans une chronique précédente d’autres incidents fâcheux qui jalonnent le parcours du combattant de ce farouche défenseur de la tolérance. Malgré son humanisme percutant, des voix parmi la communauté musulmane s’élèvent pour lui demander de ne plus parler en leur nom tandis qu’un ancien supporter le désavoue publiquement.
Il n’est pas jusqu’à Françoise David, à la perspicacité visionnaire, qui soutenait si ardemment M Charkaoui en 2009, mais qui rase désormais les murs aussi prudemment de nos jours.
Quel sort attend M Charkaoui et celui de la minorité dans la minorité qu’il défend ? C’est en retenant notre souffle que nous découvrirons sans doute dans les jours et les mois qui viennent le dénouement d’une question qui va bien au-delà de la personnalité même, si attachante soit-elle, de cet homme d’idées indubitablement compatibles avec notre gauche progressiste. À travers Adil Charkaoui, c’est une question de liberté d’expression et de respect de la personne qui se joue et où l’intérêt public et la sauvegarde de nos libertés doivent finir par l’emporter.
Il ne faudrait pas trop attendre avant de s'en rendre compte...
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