Les jeunes d’aujourd’hui ignorent ce qu’était l’éducation au temps de l’eau bénite au Québec alors que les interdits et la censure étaient la règle. Pour l’avoir décrite dans quelques ouvrages, j’avoue que j’ai manqué de lucidité et de prudence en prétendant que cette époque s’était achevée avec la Révolution tranquille. Or, je constate que la censure est revenue sous des dehors laïques.
Aujourd’hui, les jeunes sont élevés dans le relativisme religieux. Toutes les religions, leur a-t-on appris, s’égalent, y compris celles qui sont considérées comme les plus fondamentalistes, telles les sectes. Dans l’optique que tout serait égal à tout, comment comprendre ce qui est bien ou mal, vrai ou faux ?
La rectitude politique impose alors sa loi. Les jeunes, en particulier, ne sont pas formés pour développer leur esprit critique face aux diverses religions. Au contraire. Des professeurs mal préparés ou incultes ont tendance à amener leurs élèves à croire que toutes les critiques à l’endroit de l’islam, par exemple, révèlent un manque d’ouverture. Ainsi, à leurs yeux, l’opposition aux accommodements culturels devient une expression d’intolérance, voire de racisme.
Relativisme culturel
Il est frappant de constater que le relativisme dans lequel baignent les générations éduquées sans culture religieuse et sans histoire des religions rend les jeunes perméables à la rectitude politique, cette façon pernicieuse d’imposer la nouvelle morale. Comme l’ancienne, elle est aussi faite de beaux sentiments mêlés d’hypocrisie et elle fait fi de la liberté d’expression.
Un sondage récent, aux États-Unis, indique qu’une proportion inquiétante des jeunes ne croit plus à la démocratie. Ces jeunes sont donc les héritiers de ceux qui applaudissent Donald Trump, ses errances liberticides et son dédain de la tradition démocratique. Les jeunes libéraux du PLQ qui étaient réunis durant le week-end et qui ont concocté des propositions sur l’appropriation culturelle sont bien la preuve des changements des mentalités quant à la liberté d’expression et de création.
Ces enfants de la politique du marketing et des apparences tombent dans le clientélisme politique pratiqué par le gouvernement dont ils se réclament. Un Robert Lepage est certainement coupable à leurs yeux de racisme anti-autochtone, étant non seulement blanc, mais ouvertement souverainiste, ce « détail » qu’on a évacué de la quasi-totalité des milliers de commentaires qui ont en quelque sorte paralysé les médias sociaux et traditionnels durant cet été de canicule météorologique et culturelle.
Ouverture d’esprit
Que les jeunes échappent à la dichotomie entre le bon et le méchant, qui a pesé lourd sur le Québec de jadis, est un progrès, ne le nions pas. Qu’ils soient plus ouverts, moins portés à juger leur prochain, pour user du vocabulaire religieux, nous devons nous en réjouir.
Mais que la majorité d’entre eux estiment que la liberté de création est un caprice des artistes qui s’en réclament et bafoueraient ainsi les droits des autochtones démontre la confusion de leur esprit.
Rien n’est plus inquiétant pour l’avenir que ce cocktail explosif du triomphe de la rectitude politique et de la mise en tutelle de la liberté artistique.