Bien des souverainistes «lucides» sont convaincus que la seule façon de gagner un référendum serait de le faire précéder d'un nouveau «beau risque» qui aboutirait au même résultat que toutes les tentatives précédentes de renouvellement du fédéralisme.
Par exemple, Lucien Bouchard en serait arrivé à cette conclusion. Bien sûr, l'ancien premier ministre a fait ses adieux à la politique, mais cela ne lui interdit pas d'avoir une idée de ce qu'il ferait s'il était à la place d'André Boisclair ou s'il se retrouvait à la tête d'un autre parti que le PQ.
C'est probablement ce qu'il pensait déjà en février 2000, même s'il avait écarté du revers de la main la «sortie de secours» que proposait Jean-François Lisée. À trois mois d'un congrès du PQ, ce n'était pas le moment de flirter avec l'hérésie. En réalité, M. Bouchard s'était sans doute dit dès le soir des élections du 30 novembre 1998 qu'une ultime «dernière chance» vouée à l'échec constituait un passage obligé.
En son for intérieur, c'est peut-être ce que croit aussi André Boisclair, malgré les nuages d'encens dont il a enveloppé le programme du PQ dès le jour où il a décidé d'en devenir le chef. Jeudi, à l'issue du caucus de son parti, il a d'ailleurs rappelé le souvenir de René Lévesque et du «beau risque».
Bien entendu, il se défendra avec la dernière énergie d'avoir lui-même des pensées aussi coupables. Il en va de sa tête. Déjà, au printemps dernier, il avait fait sourciller les «purs et durs» en déclarant qu'il n'était pas un «kamikaze» qui tiendrait un référendum coûte que coûte simplement pour respecter la lettre du programme adopté au congrès de juin 2005.
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Le chef péquiste ne les rassurera sûrement pas en se débarrassant de tout le fatras documentaire grâce auquel les délégués avaient voulu s'assurer que les prochaines élections aient un caractère quasi référendaire : projet de constitution d'un Québec souverain, budget de l'an 1, etc.
On pourra toujours se poser de nouveau la question de leur utilité pédagogique s'il doit y avoir un autre référendum, mais M. Boisclair a bien raison de ne pas vouloir traîner ces boulets au cours de la prochaine campagne électorale.
Après les avoir vus s'indigner de la «radicalisation» du PQ, il est assez savoureux d'entendre aujourd'hui le ministre responsable des Affaires intergouvernementales, Benoît Pelletier, ainsi que Mario Dumont reprocher à M. Boisclair de se distancier du programme de son parti. Un manquement à son «devoir de transparence», a déclaré le premier. Un «aveu de faiblesse», a renchéri le second.
Leur frustration à l'idée de perdre d'aussi beaux arguments électoraux est compréhensible. Quelle déveine s'il fallait que les militants péquistes cessent soudainement de se mettre eux-mêmes des bâtons dans les roues !
M. Boisclair fait le pari que les «grands objectifs» prévaudront sur «l'analyse fine du texte». L'histoire du PQ depuis ses origines atteste toutefois qu'un exégète sommeille en tout bon militant. Chaque fois qu'un chef péquiste a voulu faire ce que M. Boisclair appelle une «lecture réaliste de la situation politique», il s'est attiré de gros problèmes.
Selon M. Boisclair, il n'appartient pas au PQ de rédiger une constitution. Là encore, il a raison, mais les militants péquistes ont toujours pensé qu'ils savaient mieux que personne ce qui est bon pour le Québec. Je veux bien croire que le PQ a changé depuis un an, mais à ce point ?
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Puisque M. Boisclair ne peut pas refaire lui-même le coup du «beau risque», pourquoi ne pas demander à Jean Charest de reprendre le rôle de Robert Bourassa dans une nouvelle version de l'accord du Lac-Meech ? Après tout, peu importe le scénario, l'important est d'amener le Canada anglais à opposer une nouvelle fin de non-recevoir aux demandes du Québec.
À tous égards, Benoît Pelletier serait très bien dans le rôle de Gil Rémillard. Le rapport du comité qu'il a présidé en 2001 pourrait facilement constituer la base d'un nouveau discours du Mont-Gabriel. D'ailleurs, toutes les clauses de Meech s'y trouvent reformulées d'une manière ou d'une autre. Pour plus de vérité, on pourrait même demander au sénateur Jean-Claude Rivest de jouer son propre personnage.
M. Pelletier s'est immédiatement récrié à cette suggestion. Il n'est pas question que les libéraux laissent le PQ renverser le fardeau de la preuve en présentant eux-mêmes des demandes constitutionnelles.
«Le présent contexte sociopolitique ne semble pas se prêter à une réouverture majeure du dossier constitutionnel, et ce, ni au Québec, ni dans les autres provinces, ni dans l'ordre fédéral de gouvernement. Il faudrait être aveugle pour ne pas s'en rendre compte», écrivait M. Pelletier dans son rapport de 2001.
À en juger par les cris d'orfraie qui ont accueilli les propos de Michael Ignatieff, selon qui il serait temps de réexaminer le dossier, rien n'a changé depuis cinq ans, si ce n'est que le Québec exigerait maintenant d'être reconnu comme «nation» et non comme une simple «société distincte».
On peut très bien comprendre que M. Pelletier n'ait pas envie de rouvrir la boîte de Pandore. Les discussions sur le déséquilibre fiscal sont déjà assez difficiles. Et puis Jean Charest n'a sûrement pas oublié la façon dont Jean Chrétien lui avait scié les jambes, au début de la campagne électorale de 1998, en déclarant que le Canada n'était pas un magasin général.
M. Pelletier a beau dire que le renouvellement du fédéralisme est une question ouverte, le statu quo demeure jusqu'à nouvel ordre la seule solution de rechange à la souveraineté.
mdavid@ledevoir.com
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