Le titre de la chronique de Don MacPherson, dans la Gazette de jeudi, dit tout: [Charest’s Contempt for Anglos is Showing->27443], (Le mépris de Charest pour les anglos paraît).
De quoi s’agit-il ? Depuis octobre dernier, les présidents des deux plus importantes commissions scolaires anglophones ont demandé un rendez-vous au Premier ministre. Ils veulent lui parler de l’accès à l’école anglaise. Vous le savez, la Cour suprême a donné un an — jusqu’en octobre prochain — à Québec pour trouver une solution aux «écoles passerelles», qui permettaient à des parents de contourner la loi 101 en «achetant» un an d’enseignement primaire anglophone à leurs enfants. Le gouvernement doit déposer d’ici six semaines un projet de loi à ce sujet.
À l’évidence, ce blogueur estime que ces passerelles doivent être fermées à double tour. Un droit ne s’achète pas. Cependant, le refus du Premier ministre d’ouvrir sa porte aux représentants anglophones est choquant.
Comme l’indique MacPherson:
En tant que présidents des deux plus importantes commissions scolaires anglophones, Angela Mancini et Marcus Tabachnick peuvent être considérés comme les principaux élus de la communauté anglophone du Québec.
En effet. Et un petit rappel historique pour les souverainistes qui liraient ces lignes. À l’automne 1994, Jacques Parizeau avait pris sur lui d’inclure dans le Projet de loi sur la souveraineté du Québec, non seulement les futurs droits constitutionnels des anglo-québécois dans un Québec souverain prévus au programme du PQ, mais une disposition précisant que la communauté anglophone, dans des modalités à définir, aurait droit de veto sur toute modification à ses droits.
Il s’agissait donc d’être plus respectueux de la «société distincte» que représente la communauté anglophone du Québec, que le Canada ne l’avait été envers le Québec. On le sait, les Québécois n’ont pu opposer leur veto au recul de leurs droits linguistiques et d’éducation dans la constitution de 1982.
Comment le veto anglophone aurait-t-il pu s’exercer ? Nous ne l’avions pas explicité, mais il nous paraissait évident qu’il devrait s’agir d’un collège électoral formé des présidents de Commissions scolaires anglophones et de maires des villes bilingues. La représentativité des premiers est la plus forte. Si les souverainistes le savent, comment le chef du PLQ ne le sait-il pas ?
Redonnons la parole à MacPherson:
Charest semble trouver le temps de rencontrer chaque représentant étranger mineur qui passe par le Québec. Mais le bureau du Premier ministre a non seulement ignoré la demande de rencontre des deux présidents de commissions, mais n’a même pas accusé réception de la demande.
Ce n’est pas une bonne façon de traiter les représentants de la minorité historique québécoise. D’autant qu’ils ne réclament pas nécessairement le maintien des écoles passerelles. Le colmatage de ce trou dans la loi 101 les privera d’environ 500 admissions par an, soit, à terme, 2 500 étudiants du secondaire sur 45 000.
Ils s’inquiètent de l’avenir plus global des effectifs scolaires anglophones et proposent de remplacer la source demain tarie des écoles passerelles par une autre. (J’y reviens).
La sécurité linguistique pour tous
D’abord, je me sais iconoclaste sur cette question dans les milieux nationalistes, mais je persiste et signe. La question posée est une vraie question.
Une politique linguistique québécoise réaliste et rassembleuse doit avoir pour objectif d’assurer la sécurité linguistique des francophones — c’est-à-dire de maintenir leur caractère nettement prédominant, y compris sur l’île de Montréal. Il y a, en ce cas, aujourd’hui, réel péril, qui mérite des correctifs majeurs.
Cette politique doit également avoir pour objectif de maintenir la sécurité linguistique des nations autochtones et de notre minorité historique, anglophone.
Et c’est un paradoxe que, d’une part, comme le démontre amplement Charles Castonguay et le récent rapport Curzi, l’anglais ait une force d’attraction plus forte que le français pour provoquer des transferts linguistiques alors que, simultanément, le nombre d’inscrits dans les écoles anglaises est en baisse.
J’établis donc ce principe: si, pour les francophones, il devait y avoir déclin significatif de sa proportion dans la population générale et, pire, risque de minorisation sur l’île de Montréal, il faudrait introduire des correctifs.
De même, si on devait constater un déclin significatif des effectifs scolaires anglophones, de nature à nuire au dynamisme de cette communauté, il faudrait introduire des correctifs.
Quel péril ?
Y a-t-il péril, aujourd’hui, du côté anglophone ? Certainement pas à McGill ou à Concordia, en plein boum, ni chez les Cégeps anglophones, à la force d’attraction montante. Cependant les prévisions d’effectifs scolaires primaires et secondaires disponibles sur le site du ministère de l’Éducation indiquent en effet une baisse marquée.
Les présidents Angela Mancini et Marcus Tabachnick affichent des chiffres préoccupants. Cependant ils témoignent des mêmes conséquences de la dénatalité que les chiffres existants pour l’école française.
Ainsi, de 2002 à 2010, les effectifs anglophones ont chuté de 11% — c’est beaucoup — et les francophones de… 13%. Ce qui fait que la proportion d’élèves anglophones par rapport aux total est restée stable à 12%, soit un peu plus que le poids relatif de la communauté anglophone au Québec. En effet, la proportion d’anglophones au Québec est de 8% pour la langue maternelle et de 11% pour la langue d’usage, cette dernière mesurant la langue parlée à la maison.
Donc, grosso modo, il faudrait s’inquiéter pour la masse critique de la communauté anglophone si ses effectifs scolaires étaient de moins de 10%. Ce n’est pas le cas.
Montréal, un cas à part ?
La situation proprement montréalaise est cependant plus préoccupante. Au primaire, les effectifs francophones ont chuté, de 2002 à 2010, de 16%. Les effectifs anglophones: de 27%.
La proportion anglophone/francophone s’est détériorée, passant de 37% d’anglos en 2002 à 32% en 2010.
Cela me suffit pour accepter la crainte légitime des Commissions scolaires anglophones de Montréal. Cette tendance semble si forte que, pour quiconque croit sincèrement à la préservation du dynamisme de notre minorité nationale — et je suis de ceux là — il vaille la peine de se pencher sérieusement sur la question. (En plus, évidemment, de tout ce qu’il faut faire pour le français.) Je ne conclus pas. Je dis que le cas mérite attention.
Si on constatait qu’il y a vraiment, du moins à Montréal, péril pour l’éducation anglophone, pour sa masse critique, quel remède devrions-nous envisager ? Réouvrir les écoles passerelles ? Pas question !
Les commissions scolaires anglophones évoquent une solution plusieurs fois discutée dans le passé, et toujours rejetée car le besoin ne se faisait pas sentir. Il s’agirait de permettre aux nouveaux immigrants qui proviennent de pays anglophones et dont la langue d’usage est l’anglais (les Américains et Britanniques, par exemple) d’inscrire leurs enfants à l’école anglaise. Il y a plusieurs façons d’en établir les paramètres pour calibrer cet appel d’oxygène sans provoquer de hausse intempestive.
Voilà le genre de choses dont peut parler un Premier ministre québécois avec les représentants de la communauté anglophone seulement si une condition préalable est constatée: que les francophones sachent que ce Premier ministre fait également tout ce qui est nécessaire pour assurer la sécurité linguistique du français.
Peut-être Jean Charest sait-il qu’il ne passe pas ce test.
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