Avant-hier, le journaliste et écrivain américain Tom Wolfe est mort à 88 ans.
Figure marquante du « nouveau journalisme » (style journalistique qui consiste à écrire des reportages en utilisant des procédés littéraires propres à la fiction – longues descriptions des décors et des vêtements, dialogues, etc.), l’auteur du célèbre Bûcher des vanités adorait se moquer des travers de son époque. Parmi ses cibles préférées : la gauche caviar.
LE CHIC RADICAL
Dans Radical Chic, un de mes livres cultes (traduit sous le titre Le gauchisme de Park Avenue), Wolfe décrit dans le menu détail une soirée surréaliste à laquelle il a été convié en 1970. Le grand chef d’orchestre Leonard Bernstein décide d’organiser un souper-bénéfice pour les Black Panthers dans son luxueux condo d’Upper East Side à New York.
Il invite tout le gratin de la gauche multimillionnaire, des gens bourrés aux as qui adorent discuter des bienfaits de la révolution socialiste en sirotant du champagne frais et en mangeant des petits fours au foie gras, pendant que leur chauffeur les attend, en bas, dans leur Bentley. Mais quelques heures avant d’organiser sa soirée en l’honneur des Panthers, horreur ! le maestro se rend compte que son majordome et ses servantes sont noirs !
Ciel d’Afrique et patte de gazelle ! Mais comment amasser de l’argent contre le racisme systémique en buvant du Dom Pérignon servi par des Noirs ! Vite, il faut trouver des servantes blanches ! Mais où, grands dieux ? Où trouve-t-on des servantes blanches dans la haute société new-yorkaise ? Pas de chance, il va falloir se contenter d’embaucher des Latinos à la peau pâle...
FANNY ARDANT ET MOI
Satire cinglante de l’hypocrisie des bourgeois de gauche, Radical Chic est une œuvre brillante, jouissive, acidulée. Imaginez ce que Tom Wolfe aurait pu faire avec Alexandre Taillefer : un multimillionnaire qui se dit socialiste et qui vante les positions progressistes de Philippe Couillard ! Ça serait du bonbon...
Il y a quelques années, pour l’émission Les Francs-Tireurs, j’ai interviewé la grande actrice française Fanny Ardant. Elle avait exigé que l’on fasse l’entrevue dans le salon de l’hôtel Lutetia, l’un des établissements les plus prout-prout de Paris.
Assise les jambes croisées sur un sofa hyper luxueux, après s’être fait maquiller pendant une heure, la diva m’a parlé de l’importance d’accueillir à bras ouverts les gitans et les romanichels qui, un peu partout en France, quêtent au coin des rues.
« Vous qui avez sûrement une grande maison, lui dis-je, vous en avez accueilli combien chez vous ? Vous leur permettez d’installer leurs roulottes dans votre cour ? »
J’ai crû qu’elle allait me péter une crise cardiaque devant la caméra. Mais comment un péquenot du Québec pouvait parler ainsi à cette Grande Tragédienne Française ?
LES PRÉCIEUX RIDICULES
Voilà pourquoi j’ai toujours adoré Tom Wolfe, depuis que je l’ai découvert, ado : comme lui, je ne trouve rien de plus ridicule ni de plus grotesque que la gauche caviar. Des choyés du système qui font la leçon au bon peuple du haut de leurs privilèges, qui dénoncent le racisme, mais qui vivent dans des quartiers cossus hyper homogènes.
Qui font étalage de leurs bons sentiments en buvant du bon vin à la télé.