Quand c’est fini, ça recommence. La première manche électorale étant jouée avec la désignation d’Emmanuel Macron comme nouveau président, la France repart en campagne vers les urnes pour recomposer son Assemblée nationale.
Le pays balkanisé, éclaté, négocie avec de très profondes divisions, qui donnent moins l‘impression d’une lassitude que d’une incomplétude démocratique. Le journal Le Monde diagnostiquait lundi en éditorial une « incapacité croissante à consentir les compromis qui permettent de fonctionner ensemble ».
Le vote à la présidentielle témoigne de cette rupture fondamentale : au second tour, le tiers des adultes n’ont pas voté ou l’ont fait en blanc ; au premier, la moitié des votants ont opté pour un parti extrémiste de droite ou de gauche.
Au bout du compte, plus du tiers des électeurs du centriste Macron l’ont choisi par défaut, pour faire barrage à Marine Le Pen. La candidate du Front national a tout de même fait le plein de plus de 10 millions de voix. Cette politique anti, cette stratégie du castor, où les électeurs érigent des digues contre le tiers réputé populiste, démagogue et xénophobe, ne fait qu’accentuer l’impression de blocage.
Le nouveau président campé au centre avec son mouvement En marche ! (rebaptisé lundi La République en marche) promet du positif. Il veut canaliser les frustrations et résoudre la crise sociale en expansion tout en redonnant de l’espoir au pays en déprime. Il aura vite l’occasion de passer de la parole aux gestes après son entrée officielle en fonction le dimanche 14 mai.
Quel exécutif ?
Emmanuel Macron va alors dévoiler la composition de son premier cabinet. Cette étape décisive va influer sur le reste de la campagne législative en cours en marquant la capacité de rassemblement, mais aussi de renouvellement de la classe dirigeante du pays. Le président français, comme son homologue américain, compose son cabinet avec qui bon lui semble, y compris des élus s’il le souhaite. Ce qui explique la formation de l’exécutif entre le deuxième tour du week-end dernier et les législatives du mois prochain.
M. Macron a souligné en entrevue que son premier ministre ne devait pas être « porteur d’un agenda personnel », ce qui semble exclure bien des ténors des partis à la gauche ou à la droite immédiate du centre. Il a aussi dit, dès avant le deuxième tour, avoir arrêté et informé son choix.
Quelques noms circulent : Richard Ferrand, secrétaire général d’En marche ! ; Édouard Philippe, député-maire du Havre, républicain de tendance Juppé, et Jean-Louis Borloo, centriste retiré de la vie politique. Le président pourrait aussi choisir une femme, pour bien marquer sa volonté de casser le moule. On entend les noms d’Anne-Marie Idrac (libérale, Européenne et directrice de l’aéroport de Toulouse-Blagnac) et Sylvie Goulard (députée européenne du Mouvement démocrate). Les rumeurs vont aussi vers de plus vieux de la vieille (François Bayrou, Jean-Yves Le Drian, Gérard Collomb), même s’ils n’incarnent pas vraiment le renouveau réputé essentiel.
Quelles législatives ?
Les sondeurs français, contrairement aux nôtres en Amérique du Nord, ne se sont pas trompés ces dernières années dans leurs projections. Ils donnent maintenant au mouvement La République en marche autour de 25 % des voix au premier tour des législatives, environ 22 % aux Républicains et au Front national, pour laisser 15 % à la gauche radicale et moins de 10 % au Parti socialiste.
Le système électoral des législatives complexifie toutefois le jeu des prévisions. Au total, 577 postes sont à pourvoir. Les sièges sont liés à des circonscriptions. La majorité absolue (et au moins 25 % des voix exprimées) permettra l’élection au premier tour le 11 juin. Le dimanche suivant, le 18 juin, le vote départagera à la majorité simple les candidats restants. Il faudra au moins 12,5 % des voix au premier tour pour passer au second tour.
Voici quelques enjeux pour les formations en lice.
La République en marche va dévoiler sa liste jeudi, y compris pour le représentant des Français d’Amérique du Nord. La formation toute neuve affirme aussi qu’une moitié des inscrits seront des nouveaux venus en politique active. Des tractations se font avec d’anciens élus socialistes ou libéraux pour les convaincre de se présenter comme centristes afin de former une majorité opérante.
Un choix équilibré sera déterminant pour afficher la capacité de gouverner et la volonté de changement de l’option centriste.
Le Front national n’a pas remporté la présidence, mais demeure une force politique pesant de plus en plus lourd sur l’échiquier politique de la République. Forte de ses 10,6 millions de voix cumulées au deuxième tour de la présidentielle, la formation peut prétendre au leadership de l’opposition. Marine Le Pen réunit son état-major ce mardi à Paris. Elle dit souhaiter une « transformation profonde » de son mouvement pour élargir sa base et activer des stratégies d’alliances. Un changement de nom est même envisagé d’ici la fin de l’année.
La droite traditionnelle des Républicains a vu son poulain, François Fillon, rater le second tour en raison de très gênantes affaires d’emplois fictifs. Elle pense tout de même gagner l’hémicycle et imposer une cohabitation, qui lui permettrait de puiser sélectivement dans le programme d’En marche ! tout en imposant certains de ses choix propres.
Le Parti socialiste pulvérisé au premier tour, plombé par le quinquennat du président Hollande, a peu de chance de se relever.
Les Insoumis de Jean-Luc Mélenchon étaient sept millions au premier tour. Cette masse sera-t-elle solidaire au « troisième tour » ? La division des gauches, des écolos aux radicaux, ne lui profitera pas nécessairement.
Quels thèmes ?
Reste à voir sur quelles bases se joueront les législatives. Voici des points d’ancrage possibles des débats à venir dans le prochain mois et au-delà :
Le chômage est devenu un mal français. Le président Hollande y a brisé sa réputation. Le taux des sans-emploi dépasse toujours les 10 % alors qu’il se maintient sous les 4 % en Allemagne et autour de 8 % dans toute l’Union.
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