La revue de presse du Libre journal de Dominique Paoli sur Radio Courtoisie du 16 mars porte principalement sur le choc du Coronavirus auquel sont confrontées la France et l’Europe.
Œuvre de la nature, indépendant de l’action humaine, le coronavirus ou covid 19, traverse les continents et les frontières et frappe l’être humain dans sa santé, pouvant même dans les cas extrêmes mettre un terme à sa vie.
Au-delà des conséquences humaines, les pires, nul ne peut prévoir quels seront les effets de cette épidémie, devenue pandémie, sur nos sociétés, qu’il s’agisse de l’économie, d’abord, mais aussi des équilibres politiques et, plus profondément, dans la conception que nous avons de la marche de ces sociétés à l’intérieur de celles-ci comme dans leurs relations au monde qui les entoure.
Les progrès gigantesques faits par la médecine au XXè siècle et une hygiène de vie liée au développement technique sans rapport avec ce qu’elle était au début de ce siècle semblaient avoir éloigné cette précarité qui rendait vulnérable à beaucoup d’infections et de maladies. Certes toutes celles-ci ne sont pas éradiquées, loin s’en faut, mais les avancées de la médecine ont été telles que l’espérance de vie a considérablement progressé.
La presse, qu’elle soit audiovisuelle ou écrite, informe, décrypte en continu l’évolution de la maladie et les victimes qu’elle entraîne et le catalogue des décisions prises par les autorités publiques. C’est ce qui intéresse au premier chef le téléspectateur, l’auditeur ou le lecteur, ce qui est normal au vu des circonstances. Il faut remarquer à cet égard, l’excellente synthèse réalisée par Nicolas Faure dans une contribution publiée sur Polémia le 10 mars 2020 : Le Coronavirus est-il vraiment dangereux ? La réponse en 4 points.
Comme le souligne Nicolas Faure dans son quatrième point, il y a lieu de se pencher sur les répercussions immédiates de la pandémie sur l’économie avec ses activités de production mais aussi son univers financier.
Face à L’imprévu dans l’histoire, selon l’expression de Dominique Venner, que constitue ce choc qui s’abat sur les différents pays de l’Asie à l’Océanie et qui leur est dans son origine extérieur à leur fonctionnement, les effets qu’il provoquera seront en partie liés à leur état du moment. Tel un individu gagné par la contagion, l’évolution pourra être substantiellement différente suivant la plus ou moindre grande fragilité du malade.
Pour nos Etats, nos sociétés, si nous retenons la sphère occidentale, selon l’ampleur du phénomène, il est incontestablement fort important à ce jour, l’angoisse qu’il a suscitée et ses effets économiques immédiats, il peut accélérer des évolutions, ouvrir de nouvelles voies, délaissant les précédentes, bousculer les choses. Mais, qui sait ? il ne faut pas écarter l’idée qu’après quelques temps, la vie reprenne son cours avec quelques ajustements. Cette dernière hypothèse n’est probablement pas la plus plausible.
Quel tableau de nos sociétés est-il possible de brosser par rapport à des axes susceptibles de subir les effets du choc en cours ?
L’idéologie dominante
Cette idéologie, exclusive, celle de la société ouverte, celle, à son extrême, où l’homme devient son propre démiurge, décidé à transformer la nature selon ses vœux, se heurte aujourd’hui à une opposition grandissante. En témoigne l’inquiétude exprimée par Nicolas Truong dans deux articles publiés le 6 mars sur le site du journal Le Monde : Des polémistes ancrés bien à droite et hégémoniques sur les chaînes d’info et Il s’érige contre la « dictature » de la « bien-pensance » : l’essor du national-populisme intellectuel et médiatique. Ce dernier article faisait référence à un précédent paru le 9 mai 2019 : « L’allure plaisante de la revue “Eléments” dissimule son réel ancrage à l’extrême droite ».
Il faut observer qu’outre les brèches qui paraissent s’ouvrir dans cette forteresse intellectuelle qui s’est édifiée durant ces dernières décennies, l’influence du Monde est certainement moindre qu’elle ne fut. Les journalistes de ce quotidien sont maintenant peu présents dans les débats offerts par les chaînes d’information en continue.
Ces articles ont suscité la réaction d’Edouard Husson dans une publication du 12 mars du site Atlantico : “Au secours, la droite revient !” : panique chez les bobos, un virus pire que le Coronavirus les cloue d’angoisse. L’auteur écrit notamment : Le Monde ne semble pas se rendre compte de l’inadéquation de tels articles avec les enjeux du moment. On aurait attendu du quotidien fondé par Hubert Beuve-Méry qu’il martèle sans relâche sur l’amateurisme de l’équipe gouvernementale en termes de réforme des retraites ou sur le 49.3 de complaisance ! Mais non, on préfère passer son temps à pourchasser un épouvantail à bobos. Et je suis un lecteur peu recommandable de ne pas prendre au sérieux la vigilance de notre quotidien du soir !
Il est plausible de penser que la crise en cours qui ébranle nos sociétés dont l’issue est encore inconnue marquera la psychologie collective et le rapport à l’existence. Un cycle intellectuel s’achève probablement même si sa fin n’est pas encore immédiate. Dès avant la crise sanitaire les prémices étaient déjà présentes. Pour autant, il serait présomptueux d’imaginer que ce qui naîtra ira nécessairement dans le sens souhaité par certains.
L’économie
A l’inverse de la crise financière de 2007-2008, endogène au système économique, cette crise sanitaire lui est exogène, ce qui modifie forcément l’approche.
Nicolas Baverez dans un article d’Atlantico du 12 mars 2020, Le Coronavirus sera-t-il à l’UE et l’Occident ce que Tchernobyl fut pour l’URSS ? observe que nos économies subissent un quadruple choc touchant l’offre, la demande, le crédit et le pétrole. Face à cette situation, il souligne que, s’agissant de l’Union européenne, l’arsenal des mesures prises à la suite de la crise financière est totalement inadapté.
Comme pour la maladie où l’état préalable du patient est essentiel par rapport à l’évolution de celle-ci, les conséquences des mesures prises pour juguler l’épidémie seront d’autant plus graves que la situation économique qui prévalait était altérée.
Au sein de la zone euro, la croissance est atone. Plusieurs analystes s’interrogent sur l’évolution du modèle économique allemand fondé sur l’exportation. Dans une note du 14 janvier 2020, le service des Etudes économiques du Crédit agricole fixait dans une projection le taux de croissance du PIB de l’Allemagne pour 2020 à 0,8%, ce taux était estimé à 1,2% pour la France. De plus, il a été observé pour cette dernière que la croissance de la productivité avait été quasiment nulle en 2019.
Ceci dans un contexte monétaire exceptionnellement expansionniste. Le 3 mars 2020, la Réserve fédérale a annoncé une baisse d’un demi-point de son taux directeur qui se situe dorénavant entre 1% et 1,25%. Dans les jours qui ont suivi le taux des obligations du Trésor américain s’est abaissé au-dessous de 1%. Dans la zone Euro, le taux directeur fixé par la Banque centrale européenne est maintenu à 0%. Parallèlement, les dépôts des banques commerciales auprès de l’Institut d’émission subissent un taux négatif de -0,50%.
Face à la crise sanitaire qui s’aggrave au fil des jours, les déclarations, le 12 mars, de Christine Lagarde, présidente de la BCE ont été fort mal perçues dans un contexte d’effondrement des marchés financiers : « La réponse doit d’abord être budgétaire. Il ne faut pas s’attendre à ce que les banques centrales soient la première ligne de défense ». Excluant toute action qui viserait à réduire l’écart entre les taux d’émission des Etats membres de la zone euro, l’effet a été une brusque montée des taux italiens de 1,1% le 11 mars à 1,8% le 13 mars.
Les dernières décisions annoncées par le Premier ministre Edouard Philippe, le 14 mars au soir vont entraîner la mise au chômage partiel de deux millions de salariés selon les chiffres donnés par le Ministre du travail Muriel Pénicaud. A trois reprises dans son allocution du 12 mars, Emmanuel Macron a prononcé l’expression quoi qu’il en coûte : La santé n’a pas de prix. Le Gouvernement mobilisera tous les moyens financiers nécessaires pour porter assistance, pour prendre en charge les malades, pour sauver des vies quoi qu’il en coûte… Aussi, tout sera mis en œuvre pour protéger nos salariés et pour protéger nos entreprises quoi qu’il en coûte, là aussi… L’ensemble des gouvernements européens doit prendre les décisions de soutien de l’activité puis de relance quoi qu’il en coûte. L’heure n’est plus aux réformes et à l’adaptation de l’économie française à la mondialisation mais à la nécessité de faire face à un chômage de masse due à une crise sanitaire dont nul ne sait à quel moment son évolution permettra une reprise du travail progressive. Plus la crise sera longue plus les restrictions de circulation seront importantes plus les effets seront conséquents, laissant envisager malgré les aides accordées la disparition d’un nombre non négligeable d’entreprises particulièrement parmi les plus petites.
Financées par le budget de l’Etat, ces mesures nécessiteront pour celui-ci de recourir à l’emprunt. Dans une première phase, une augmentation de l’impôt limiterait la demande et donc l’effet d’un maintien ou d’une relance de celle-ci. La Banque centrale européenne pour maintenir des taux bas, indispensables pour les Etats les plus en difficultés devra procéder à des achats massifs sur le marché. Il faut rappeler que la BCE, contrairement à la Réserve fédérale américaine ne peut pas acquérir directement les titres émis par les Etats.
L’une des questions que posent les politiques budgétaires et monétaires qui devront être menées au sein de la zone euro est leur compatibilité avec le maintien de celle-ci. Le choc que subissent les économies étant d’ordre extérieur à celles-ci et dû à une crise qui atteint la santé des populations voire à leur vie, il ne sera pas possible d’invoquer par tel ou tel Etat vis-à-vis de tel autre un manque de rigueur dans la gestion économique du pays. Mais la solidarité aura ses limites comme le montrent les actuels réactions des Etats de l’Union européenne les uns par rapport aux autres. Tout dépendra de l’étendue du sinistre économique et des masses financières nécessaires au relèvement, d’autant plus importantes que les taux de croissance observés ces dernières années ne laissent pas présager un redressement rapide.
Structurellement cette crise sanitaire révèle des failles économiques profondes liées à une dépendance excessive vis-à-vis de pays non européens et d’abord de la Chine, dans un contexte où une vision très libérale marque une défiance à l’égard de l’Etat et de son rôle. Le Président de la République était, pour le moins rattaché à cette vision. Or dans son allocution du 12 mars à l’adresse des Français, il a dit : il nous faudra demain tirer les leçons du moment que nous traversons, interroger le modèle de développement dans lequel s’est engagé notre monde depuis des décennies et qui dévoile ses failles au grand jour, interroger les faiblesses de nos démocraties. Puis il a précisé : Ce que révèle d’ores et déjà cette pandémie, c’est que la santé gratuite sans condition de revenu, de parcours ou de profession, notre Etat-providence ne sont pas des coûts ou des charges mais des biens précieux, des atouts indispensables quand le destin frappe. Assistons-nous à une rupture inverse du tournant de la rigueur de mars 1983, date à laquelle François Mitterrand rompit avec le programme électoral qui lui avait permis d’accéder au pouvoir ? Le relèvement exigera de nombreux mois et la réflexion qui devra être faite et les propositions qui devront être formulées, qui nécessiteront pour beaucoup d’entre elles un accord des partenaires européens loin d’être acquis, ne pourront réellement émerger que dans l’année qui précédera la prochaine élection présidentielle c’est-à-dire qu’elles se confondront rapidement avec un programme de campagne.
La Grèce victime d’une nouvelle poussée migratoire
A l’instigation du président turc Recep Erdogan, une masse d’individus venus de bien d’autres pays que la Syrie (Afghanistan, Pakistan…) qui ne sauraient donc prétendre être des réfugiés tente par la force de pénétrer sur le territoire grecque et d’acquérir ainsi des droits dans les pays de l’Union européenne qui seraient disposés à les accueillir. Dans un article fort bien argumenté publié par Polémia, le 7 mars 2020, La Grèce et l’Europe face au chantage migratoire d’Erdogan, Françoise Monestier qui dispose d’une parfaite connaissance de la géographie des lieux (Kastanies est une de ces villes frontalières très laides, à une portée d’arbalète de la Turquie et de la Bulgarie toute proche. On pourrait se croire dans une ville communiste des années cinquante. Une vieille mosquée désaffectée domine la ville traversée par l’Evros, ce fleuve que tant de clandestins tentent de traverser. Sur place, les habitants refusent évidemment cette invasion pure et simple…) explique ce que subissent ces malheureux grecs qui vivent à proximité de la frontière turque. Elle souligne aussi l’action délétère des ONG.
Le 17 mars prochain, Angela Merkel et Emmanuel Macron devraient rencontrer Recep Erdogan à Istanbul pour tenter de résoudre cette nouvelle crise migratoire. En premier lieu, dans les circonstances présentes, il paraîtrait pour le moins inopportun que le Président de la République s’éloigne du territoire. Secondement, il serait particulièrement choquant, devant l’ampleur des difficultés économiques qui s’annoncent, que la moindre concession financière puisse être faite à la Turquie.
Cours du pétrole et nouvelle guerre du Pétrole
Le 6 mars dernier s’est réunie à Vienne l’OPEP+, c’est-à-dire les quatorze pays membres de l’OPEP auxquels se joignent depuis 2016 dix autres Etats (Russie, Mexique, Kazakhstan, Azerbaïdjan, Bahreïn, Brunei, Malaisie, Oman, Soudan et Soudan du sud). L’ensemble de ces pays représente environ la moitié de la production mondiale. La crise du Covid 19 qui a entraîné l’arrêt d’une partie des activités industrielles de la Chine a conduit celle-ci à réduire ses achats de pétrole dont elle est le premier importateur mondial. Ceci a eu pour conséquence une baisse des cours.
A ce premier élément induit par l’épidémie planétaire, s’en est ajouté un second qui tient au refus de la Russie de limiter sa production pour enrayer la chute des cours. Comme l’explique fort bien Jacques Sapir dans un article paru le 12 mars sur Figarovox : Jacques Sapir : Derrière le Coronavirus, la guerre du pétrole ? La décision russe de sacrifier l’accord avec l’Arabie saoudite serait une réponse à la politique énergétique américaine. Avec la découverte du pétrole de schiste, les Etats-Unis sont devenus le premier producteur mondial (12 millions de barils/jour).
Jacques Sapir précise : La Russie vise deux objectifs. Le premier est de mettre les producteurs américains en difficulté (en fait amener certains d’entre eux à la faillite). Mais, on ne peut exclure un autre objectif de la stratégie russe. L’Arabie saoudite, s’est lancée dès dimanche dans une politique très agressive de guerre des prix en réduisant massivement les prix de son brut… En contraignant l’Arabie Saoudite à chercher des fonds par l’accroissement des volumes de production, les dirigeants russes veulent créer des problèmes insupportables pour Mohammed Ben Salman.
Michel Leblay et Laurent Artur du Plessis
16/03/2020