Si l’on admet que le fanatisme est une folie religieuse comme le concevait Voltaire, alors oui indubitablement Michael Zehaf-Bibeau est un fou. Certes, de nos jours, cette façon un peu expéditive de traiter la question peut paraître, à première vue, fort réconfortante, surtout pour ceux parmi nous qui ne soupçonnaient pas même l’existence du phénomène de l’islamisme made in Canada et n’imaginaient aucunement sa bestialité et l’étendue de son ampleur.
Le Canada frappé par des actes de terrorisme, vous voulez rire ou quoi?
Par des gens de la place, vous rigolez?
Projeté brutalement dans une autre dimension, il est apaisant d’entendre cette voix au loin qui se rapproche petit à petit de nous, nous convaincre que finalement cet homme qui commet l’odieux – celui d’enlever la vie à un autre homme au nom de sa religion – n’est plus tout à fait un homme puisque rongé par la folie.
La folie étant ce fossé abyssal qui sépare les uns des autres, les « normaux » des « anormaux ».
Cet homme, ce soldat et ce fou d’Allah appartient à une catégorie. Parce que nous aimons croire que quelles que soient les situations, les hommes ne sont jamais capables du pire bien que nous sachions depuis belle lurette que les religions ne protègent aucunement de la barbarie.
Qu’importe!
Et lorsque quelques illuminés franchissent cette frontière, survient alors le réflexe de les retourner à leur état d’animal, de loups, encore mieux de « loups solitaires » de façon à ne pas rendre imputable les autres, les « hommes normaux », de ce tourbillon prenant soin ainsi de brouiller les liens entre le soi-disant « solitaire » et la meute.
Plus que toute autre considération, cette histoire de maladie mentale et « de loup solitaire » est là pour nous rassurer nous. Nous qui devons trouver un sens à l’innommable. Nous qui faisons tout pour éviter d’appuyer là où ça fait mal. Nous qui regardons partout ailleurs sauf là…
…Où ça crève les yeux.
A supposer que le « solitaire » soit fou, sa folie en dit long sur la maladie de la meute. Elle est en quelque sorte l’arbre qui cache la forêt. Tant il est vrai que le groupe nourrit, provoque et renforce la pathologie du loup.
« Que répondre à un homme qui vous dit qu’il aime mieux obéir à Dieu qu’aux hommes et qui, en conséquence, est sûr de mériter le ciel en vous égorgeant ? », s’interrogeait Voltaire.
Mais attention à ne pas trop simplifier. Car ce type aussi dément soit-il n’a pas tiré sur le premier passant et n’a pas pris la direction d’un centre d’achat pour vider son fusil.
Il a scrupuleusement choisi ses cibles : des soldats et une institution politique, le Parlement. Qu’est-ce que cela nous apprend? Qu’il a fait preuve de suffisamment de discernement pour donner un sens à son geste. Remarquez, que l’on s’éloigne de la folie pour enjamber le politique.
L’histoire de Michael Zehaf-Bibeau n’est pas un fait divers, elle s’inscrit dans un ensemble plus global marqué par le sceau du djihad au nom d’Allah.
Allah désigne ici une cause politique. Tout suit d’un coup de force. Le Coran sert de fondation à cet édifice de destruction. On en fait un catalogue d’interdits, de récriminations selon le cheikh soufi Bentounès et d’appels aux meurtres qui résonnent tambour battant dans plusieurs mosquées devenus des casernes de recrutement.
À vrai dire le politique finit par éclipser le religieux. Tant les questions théologiques n’intéressent pas grand monde sauf à confondre les questions de pouvoir avec des préoccupations spirituelles.
Tenez, qu’est-ce qui constituent le alpha et l’oméga de leur idéologie? La détestation, la haine et la diabolisation de l’Occident coupable du mal-être musulman.
Quel est le noyau central de leurs actions? Le djihad armé, le terrorisme et l’assassinat politique.
Que combattent-ils ? La démocratie, la raison, la culture, les arts et l’humanisme. Ce qui a fait en quelque sorte, autrefois, la fierté de l’Orient lorsque ses peuples de Bagdad à Cordoue en passant par Damas ne craignaient ni les philosophes, ni les savants, ni les poètes. À cette époque-là, les questionnements philosophiques étaient encore possibles. C’était bien avant que les clercs et les prêcheurs de la haine ne l’emportent sur les penseurs.
Je cherche encore une once de spiritualité dans ce projet et je n’en trouve point.
Voilà dans quelle galère nous nous trouvons aujourd’hui.
Pour s’en sortir beaucoup prétendent qu’il faut plus d’islam, un « vrai islam », un « authentique islam ». Dans cette surenchère des islams, nul ne sait à quoi correspondent le « vrai » et le « faux ». C’est selon.
L’érudit tunisien Abdelwahab Meddeb parle lui sans gêne de la « maladie de l’islam » c’est-à-dire de l’intégrisme qui nous bouffe de l’intérieur.
Je dis seulement que le jour où les musulmans parleront d’une voix un peu plus forte pour affirmer que rien ne justifie le crime d’un autre homme, alors là, peut-être, le changement poindra à l’horizon.
Je dis seulement que le jour ou le juif, l’homosexuel et la femme seront considérés comme n’importe quel musulman, on fera bouger des lignes.
Pour le moment, nous assistons au Québec à une agitation post-Michael Zehaf-Bibeau purement stérile mettant en scène des soi-disant leaders musulmans autoproclamés qui ne pipent mot sur la maladie de l’islam, l’intégrisme.
Vous devinez, il n’est question encore une fois que de simple verbiage et d’aveuglement.
A mon grand regret.
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