La fascination américaine des Jeunes libéraux

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Les jeunes ne voient pas que ce qu'ils prennent pour la lumière au bout du tunnel est le phare du train lancé sur nous à grande vitesse

Avant d’entrer dans le vif du sujet, laissez-moi d’abord vous remercier de m’avoir suivi dans ce blogue et de continuer à le faire. C’est un grand privilège que de pouvoir partager mes opinions avec vous dans les pages de ce journal. Plus que cela, vous avez par vos échanges fait évoluer les débats de manière très constructive. Souvent, vos commentaires apportent des précisions, des faits, des éclairages qui montrent toute la pertinence d’un blogue. Par vos remarques, vous avez aussi fait évoluer ma propre analyse dans bien des domaines.
L’actualité internationale devient de plus en plus incontournable. Le confort de notre coin de Terre est tributaire de ce qui se passe dans le monde. Le conflit en Ukraine a des répercussions sur les ventes de nos producteurs de porcs; les conflits au Moyens-Orient influencent les prix du pétrole que nous consommons; le traité de libre-échange avec l’Europe pourrait bouleverser le marché du travail; la diffusion du virus Ébola nous rappelle que les microbes ne connaissent pas de frontières; la course aux ressources naturelles, en particulier en Asie de l’Est, menace de transformer le Canada en économie de rente, les avancées des diverses formes de fondamentalisme religieux menacent nos démocraties…
On pourrait ajouter à cette liste bien d’autres sujets : le traité de libre-échange transpacifique, la course à l’armement en Asie de l’Est, la faillite anticipée du Vénézuela, le blocage du gouvernement américain, etc. Tous ont un impact sur notre vie. Plus que jamais l’actualité internationale s’immisce dans notre vie. Nous aurons de multiples occasions, hélas, de discuter de ces problèmes.
La fascination
Un des sujets qui me frappe le plus à ce retour de vacances est la fascination américaine de la majorité des Jeunes libéraux. Je ne cherche pas à leur jeter la pierre de manière polémiste. Tous les jeunes libéraux n’ont pas voté de la même manière ce week-end, et qui puis est, cette fascination pour les États-Unis est partagée par une bonne partie de la population québécoise. Tant qu’à exprimer des précautions, ajoutons que je ne suis pas non plus anti-américain. Les États-Unis demeurent certainement un grand pays plein de potentiel.
La politique américaine dérive vers la droite au moins depuis les années Reagan. Le désengagement de l’État et la célébration du néolibéralisme sont devenus le credo de bien des Américains. Or, ne voilà-t-il pas que les Jeunes libéraux épousent sans gêne ce courant de pensée dans au moins deux domaines : celui de l’éducation et celui de la vente d’alcool.
Pourtant, s’il existe deux domaines où le néolibéralisme a montré ses limites, pour ne pas dire sa faillite, ce sont bien ces deux là.
Un mauvais modèle d’éducation
Le système éducatif américain est un des pires de tous ceux des pays industrialisés. Les études, implacablement, le démontrent les unes après les autres. Or, le modèle de réforme de l’éducation auquel aspirent les Jeunes libéraux est celui des États-Unis. Aux États-Unis, les études pré-universitaires durent 12 ans. Ensuite, les étudiants se dirigent vers les universités, où ils étudient 4 ans pour obtenir un baccalauréat (à des coûts prohibitifs), ou encore ils entrent dans des collèges communautaires qui dispensent, entre autres, une formation professionnelle.
C’est donc une transformation des cegeps en collèges communautaires que souhaitent les Jeunes libéraux. Mais ces collèges communautaires ne sont pas gratuits. Moins chers que les universités, ces collèges communautaires exigent des frais de scolarité de quelques milliers de dollars par an. Or, nos cegeps sont gratuits (ou presque), pendant les trois années de formation que requièrent les diplômes d’études collégiaux professionnels.
Les Jeunes libéraux voudraient-ils que les collèges communautaires qu’ils cherchent à implanter soient gratuits? On peut en douter. Faire payer davantage les étudiants qui se destinent au secteur professionnel ne semble pas être une manière très satisfaisante d’en augmenter le nombre, comme plusieurs jeunes libéraux en font le vœux.
Bien d’autres arguments plaident en faveur des cegeps et M. Couillard en a lui-même avancé plusieurs.
Privatiser la Société des Alcools?
L’autre question où la fascination des Jeunes libéraux pour le modèle américain ressort est celle de la privatisation de la Société des Alcools. Cette société parapublique permet au gouvernement de renflouer ses coffres non seulement en imposant une taxe élevée sur les produits de l’alcool, mais aussi en redistribuant une partie des profits en salaires relativement élevés aux employés de la société d’État. Or, le modèle américain fonctionne moins bien que le modèle québécois, tant du point-de-vue du consommateur que de celui des retombées fiscales.
Le modèle américain – qui est aussi celui de bien d’autres pays- ne permet pas d’avoir la diversité et la qualité de produits que l’on trouve dans les magasins de la Société des Alcool du Québec. Même les Français nous envient la diversité de choix que nous retrouvons dans nos magasins de vente d’alcool. Pour se convaincre de ce qui arriverait à long terme à des magasins privatisés, il suffit de se rendre aux États-Unis. Là-bas, ce sont les super-marchés qui offrent la plus vaste gamme de produits alcoolisés. Les prix sont meilleurs qu’au Québec.
Cependant, les conditions de conservation des produits sont médiocres, il n’y a pas de conseillers et le choix restreint, en raison des quasi monopoles de distribution des distributeurs américains, peu intéressés à promouvoir les produits étrangers. Quant aux quelques magasins spécialisés dans la vente de boissons alcoolisées, ils offrent pour la plupart un choix médiocre et ils sont difficiles à trouver hors de grandes villes. Est-ce bien ce que nous voulons?
Ajoutons que la Société des alcools, par les salaires qu’elle paie à ses employés, contribue au développement des régions. Comment en effet, des employés au salaire minimum (ce que finiraient par payer des magasins privatisés à leurs employés), comment donc, de tels employés pourraient-ils s’acheter des maisons? Des loisirs? Des produits haut-de-gamme? Comment pourraient-ils payer des impôts? Il est loin d’être sûr que l’économie générale du Québec y gagnerait. C’est aussi ce changement que générerait la privatisation de la Société des Alcools.
L’herbe semble toujours plus verte dans la cour du voisin. Elle l’est réellement dans certains domaines aux États-Unis. Mais certainement pas dans ceux qui fascinent les Jeunes libéraux ainsi que bien d’autres Québécois.


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