Les partisans d'un leadership mondial américain fort sont en train de vivre une mauvaise décennie. L'élection de Donald Trump a clairement été un appel au réveil de l'establishment de la politique étrangère à Washington. À la différence des décennies de consensus bipartite qui positionnaient les États-Unis en «nation indispensable», Trump semble être indifférent à la place de l'Amérique dans le monde.
Ses relations tendues avec les alliés de longue date et ses décisions de se retirer du partenariat transpacifique et du traité climatique de Paris ont poussé ses détracteurs, comme l'ancien conseiller de la sécurité nationale Susan Rice, à affirmer que Trump « détruit le leadership américain sur la scène internationale ».
Les craintes au sujet de Trump, cependant, ne font que faire écho aux préoccupations exprimées autour de l'administration Obama. Les critiques insistaient sur le retrait d'Obama de l'Irak, son incapacité à intervenir dans la guerre civile syrienne et son échec à contrecarrer l’emprise de la Russie sur la Crimée et l'Ukraine comme preuves d'un repli malsain qui a entraîné « le désespoir de nos alliés et la joie de nos ennemis ».
La véritable question, cependant, n'est pas l’incapacité des Etats-Unis à mener, c'est plutôt l'échec du leadership américain. Depuis la fin de la guerre froide, les États-Unis ont exhibé leurs muscles à plusieurs reprises. Le problème est que cela a trop souvent provoqué le ressentiment, le conflit et l'instabilité, exactement le contraire des promesses faites par les promoteurs de l’interventionnisme militaire. La raison fondamentale de cet échec est que les fonctionnaires américains ont trop confiance en leur pouvoir de décréter des résultats à travers le monde, surtout via l’usage de la force militaire.
Les 15 dernières années témoignent largement des dangers du leadership et de l’interventionnisme américain. Après les attentats du 11 septembre, l'Administration Bush a lancé une guerre contre le terrorisme fondée sur une stratégie combinant l'intervention militaire, le changement de régime et la reconstruction d’une nation. L'objectif était de tuer des terroristes à court terme, de détruire leurs organisations à moyen terme et, à plus long terme, de remodeler la politique des nations pour empêcher le terrorisme de se développer.
L'Administration Obama a sensiblement suivi la même voie, se retirant de l’Irak mais poursuivant des changements de régime en Libye, s’étendant en Afghanistan et élargissant la guerre de drones contre les terroristes dans sept pays. Aujourd'hui, l'Administration Trump a commencé à intensifier la lutte contre Daech et Al-Qaeda, habilitant le Pentagone et les militaires à déterminer les niveaux de troupes et à prendre des décisions plus rapides sur le terrain.
Le problème au Moyen-Orient n'a pas été le manque de leadership, mais plutôt l’incapacité à reconnaître que la stratégie américaine a été un échec. Les dirigeants politiques ont exagéré la menace terroriste aux États-Unis et ont ensuite appliqué les mauvais remèdes. L'intervention militaire s'est révélée excellente pour se débarrasser de certains régimes, mais complètement inefficace pour vaincre les organisations terroristes.
Depuis 2001, le nombre de groupes terroristes et de combattants « jihadistes » a grimpé en flèche. Les franchises d'al-Qaïda continuent à fleurir et l'invasion de l'Irak a provoqué par inadvertance le chaos qui a aidé l'Etat islamique à prendre racine. Partout où les États-Unis sont intervenus - soit par drone, soit par invasion -, et ce depuis 2001, l’instabilité et la violence sont plus exacerbées aujourd'hui qu'auparavant.
Avec le jeu de reconstruction des nations, le résultat n’est pas mieux ! Les États-Unis ont consacré des milliards de dollars dans ses efforts de renforcement de la nation en Irak et en Afghanistan, en reconstruisant les infrastructures, en formant la police et les troupes militaires et en fournissant une défense interne contre les terroristes. La dure vérité, cependant, est que ces pays ne sont ni une démocratie qui fonctionne, ni des régimes stables, et ne tiendront pas longtemps sans un soutien extérieur.
Pendant ce temps, l'échec de la guerre contre le terrorisme a coûté une enveloppe astronomique, tant pour les États-Unis que pour le Moyen-Orient. Les États-Unis ont déjà dépensé des milliards de dollars et ont vu 7 000 Américains tués dans les combats, alors que selon les ONG, entre 1,3 million et 2 millions d'Irakiens, d’Afghans et de Pakistanais ont trouvé la mort. Cela sans compter ceux en Libye, au Yémen, en Syrie ou ailleurs, dont les décès sont le résultat de l'intervention des États-Unis et de ses dommages collatéraux.
Malheureusement, malgré cette histoire récente, il y a peu de signes que Washington soit prêt à reconnaître les limites du leadership américain. Bien que l'Administration Trump puisse freiner l'Establishment de la politique étrangère sur certaines questions, il est clair que la dépendance américaine à l'intervention militaire au Moyen-Orient est partie pour durer.
Le leadership américain peut en effet être une intéressant vecteur d’influence pour le bien, mais les États-Unis ne sont ni omnipotents ni irréprochables. Les États-Unis et le monde seraient mieux si les États-Unis dirigeaient moins mais avec plus de sagesse.
A. Trevor Thrall est chercheur senior au département de défense et de politique étrangère du Cato Institute, et professeur associé à l'Université ide George Mason.
Article initialement publié en anglais par le Cato Institute - Traduction réalisée par Libre Afrique – Le 28 juillet 2017.