Le moins que l'on puisse dire, c'est que le projet de port méthanier de Rabaska réunit tous les gros poissons de l'économie du Québec. Pas vraiment étonnant que Québec se sente poussé dans le dos...
Le controversé projet de Lévis abrite une brochette de gens d'affaires influents qui, au besoin, trouvent une oreille attentive au bureau du premier ministre Jean Charest.
Que l'on pense à Paul Desmarais fils de Power Corporation, à Henri Massé et Yvon Bolduc de la FTQ et de son Fonds de solidarité, à Alban D'Amours du Mouvement Desjardins, à Henri- Paul Rousseau de la Caisse de dépôt et de placement, à Jacques Lamarre de SNC-Lavalin, tous ont des intérêts directs dans le projet de port méthanier de Rabaska, puisqu'ils sont actionnaires de Gaz Métro, un des trois joueurs du projet.
Fusion avec la France
Power Corporation est doublement impliquée depuis que le président français Nicolas Sarkozy, ami intime de la famille Desmarais, a permis la fusion de leur entreprise Suez, où siège Paul Desmarais fils, avec la société d'État Gaz de France, un des trois partenaires du projet Rabaska avec Gaz Métro et Enbridge.
Les Desmarais se trouvent maintenant en position de force dans le dossier avec des participations à la fois dans Gaz Métro et la future entreprise Suez-Gaz de France, en cours de fusion.
Réduire les gaz à effet de serre?
Un autre joueur qu'il faut mettre en contexte est Henri Massé, président de la FTQ. Le 28 septembre, dans une lettre conjointe avec l'écologiste Steven Guilbault publiée uniquement dans les journaux Gesca, il a défendu l'utilisation du gaz naturel au Québec comme un moyen de réduire les gaz à effet de serre en le substituant au mazout.
Une telle déclaration ne peut être compréhensible sans savoir que le Fonds de solidarité de la FTQ est le plus gros actionnaire privé québécois dans Gaz Métro et qu'il a lui aussi un intérêt financier direct dans le projet de port méthanier.
C'est en sachant que tous ces gens d'influence tournent autour de Rabaska qu'il faut s'interroger sur la décision du ministre des Ressources naturelles, Claude Béchard, d'écarter du processus d'examen la Commission de protection du territoire agricole. Le gouvernement a-t-il cédé aux pressions de Québec Inc., qui ne veut plus d'autres délais avant d'obtenir toutes les autorisations requises? Plusieurs le soupçonnent.
Projet détourné
Martine Mercier, viceprésidente de l'Union des producteurs agricoles, dénonce la décision du gouvernement d'écarter la CPTAQ. Malgré que les promoteurs «détiennent clairement un pouvoir d'influence», l'exercice était «essentiel», dit-elle.
Jocelyn Desjardins de Greenpeace reproche de plus au gouvernement Charest de ne pas avoir commandé une étude approfondie à la Régie de l'énergie pour connaître les besoins futurs du Québec en gaz naturel. Il estime lui aussi que le gouvernement a «cédé aux pressions» de groupe qui ont «historiquement toujours eu beaucoup d'influence» sur les gouvernements québécois.
Trois fois la demande du Québec
Si, comme cela semble maintenant inévitable, le gouvernement de Jean Charest donne son aval au projet Rabaska, le Québec se retrouvera théoriquement avec des sources d'approvisionnement en gaz naturel totalisant trois fois ses besoins actuels, si on inclut l'apport de l'Alberta, présentement le seul fournisseur.
Les deux projets de port méthanier de gaz naturel liquéfié (GNL), à Cacouna et Lévis, auront chacun des capacités quotidiennes tournant autour de 500 millions de pieds cubes, produisant chacun autant de gaz naturel que nous en fournit l'Alberta.
Pour Tom Mulcair, l'ancien ministre de l'Environnement du Québec et maintenant député néo-démocrate, dont l'opposition au port méthanier de Rabaska lui a valu d'être évincé de son poste (avec le dossier d'Orford), la réponse est claire.
«Il est clair que Rabaska est pour approvisionner le marché du Nord- Est américain, et rien d'autre.» Et cela se fait, ajoute-t-il, aux dépens d'un principe central de la loi sur le développement durable, dont il est l'instigateur, celui d'obtenir un appui du milieu.
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Jeux de pouvoir
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