La dernière interview de René Lévesque

Chronique de José Fontaine


La mise en ligne progressive des archives TOUDI (et de nouvelles collaborations), me permet de réaliser un vieux rêve, celle de pouvoir faire lire la dernière interview de René Lévesque avant sa mort. A l’endroit que je viens d’indiquer, on peut également prendre connaissance de quelques uns des articles sur le Québec rédigés dans TOUDI de 1987 à aujourd’hui.
L’article de 1987 (avant l’interview), et celui de 1988 (les funérailles de René Lévesque), ont été écrits par un (alors) jeune journaliste d’une grande finesse abasourdi par la trajectoire historique du Québec, puis par celle du plus « grand » des Québécois. Il ne cache d’ailleurs pas ses sympathies social-démocrates ni un certain scepticisme très wallon à l’égard du nationalisme.
Il y a quelques jours, j’ai tenté de dire la suite de l’histoire que l’on ne connaissait fatalement pas en 1988, le Lac Meech, le référendum de 1995, Jacques Parizeau, la vie qui continue, sans cependant insister sur les tout derniers développements (ainsi la reconnaissance du Québec comme nation), sauf sur la remontée d’un PQ qui paraît justement increvable. Et je rappellerais aussi ici qu’il y eut chez nous en 1946 (l’année de ma naissance), une revue Québec-Wallonie qui certes n’a paru que deux fois, mais dont le souci était déjà la Francophonie (qui ne portait pas encore ce nom et le mot « Québec » n’était pas alors aussi fortement mis en avant). Cette remontée dans les archives de la revue que je dirige depuis 22 ans est une remontée dans ma propre vie. Mais aussi dans celle du Québec. Il y a là comme le fil d’une histoire (la mienne, celle de la Wallonie…) enfoui et qu’on déterre. Mais il y a aussi celle du Québec. Le fil d’une histoire nous mène, croit-on, aux origines. Et si le même fil ne nous conduisait pas surtout à ce qui est à venir ?
Il me semble que oui. Un jour du début des années 70, je revenais en omnibus vers ma ville quasi natale, Dinant (la ville martyre de 1914) : j’étais assis en face d’une jeune fille qui était allée au Québec. Elle me dit l’enthousiasme que lui inspirait la montée québécoise. Comme d’habitude, quand je suis dans cette situation, je proposai à mon interlocutrice de prendre conscience que les choses ne sont jamais loin de nous, s’agirait-il même de l’Infini. Et que donc, ici en Wallonie... « Non », me répondit-elle, « en Europe, nous sommes si vieux ! » J’ai bien compris le sens de sa réponse . A moi aussi, le Québec apparaissait comme la jeunesse du Monde. C’est-à-dire comme un goût d’Infini, au sens où Bernard Stiegler (pourtant un athée), dit que pour dire « nous », nous avons besoin d’un avenir infini puisque de toute façon on ne peut se proposer d’aimer qu’inconditionnellement ou infiniment. Se le proposer ne signifie pas qu’on le réalise, mais c’est le sens du saut que nous faisons jusqu’à l’Autre « jusqu’à se perdre ».
Sur VIGILE, il y a ce grand territoire du Québec qui lui sert de logo : ce grand vaisseau, je ne conçois pas qu’il sillonne une autre mer que celle de l’Espérance, non pas cette espérance dont Spinoza (si bien compris par Andrée Ferretti dans Bénédicte sous enquête), dit qu’elle est la représentation de quelque chose que nous ne pouvons pas. Mais le vaisseau qui porte l’Espérance conduit à sa réalisation (il me semble que je sais ce dont je parle...).
Le Québec est « une force qui va ».
Son tort, c’est d’en douter.

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José Fontaine355 articles

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Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur et Mirwart) et directeur de la revue TOUDI (fondée en 1986), revue annuelle de 1987 à 1995 (huit numéros parus), puis mensuelle de 1997 à 2004, aujourd'hui trimestrielle (en tout 71 numéros parus). A paru aussi de 1992 à 1996 le mensuel République que j'ai également dirigé et qui a finalement fusionné avec TOUDI en 1997.

Esprit et insoumission ne font qu'un, et dès lors, j'essaye de dire avec Marie dans le "Magnificat", qui veut dire " impatience de la liberté": Mon âme magnifie le Seigneur, car il dépose les Puissants de leur trône. J'essaye...





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