Durant la crise sanitaire, les entreprises françaises ont, jusque-là, limité la casse, du fait du chômage partiel pour 12,8 millions de salariés, du report de charge et des prêts garantis par l’État. Mais ces dispositifs d’aide vont peu à peu prendre fin, l’économie française va sortir du coma dans lequel elle a été artificiellement plongée. Les patrons ne pourront bientôt compter que sur les seuls revenus générés par leur activité pour payer leurs employés et leurs charges. Or, la production reprend lentement, mais ce réveil est freiné par les indispensables mesures sanitaires. La productivité va s’effondrer et pour un long moment.
Uber et Airbnb annoncent des licenciements massifs, Alinéa et Conforama sont au bord du dépôt de bilan, rappelle Le Figaro. 22 % des entreprises envisageraient de se séparer d’une partie de leurs collaborateurs. C’est le cas de 40 % des sociétés engagées dans l’événementiel, la restauration ou l’hôtellerie, de 30 % dans la mobilité ou le transport de personnes, 20 % dans la logistique et les services aux entreprises, la distribution, les commerces de gros, les ressources humaines, les formations ou les industries agroalimentaires, ainsi que 10 % dans les grandes surfaces. Ce sont d’abord les plus précaires qui seront orientés vers Pôle emploi, les CDD, les derniers engagés, ceux qui étaient en période d’essai. En outre, selon Capital, un tiers des patrons redoutent une défaillance de leurs fournisseurs stratégiques, les plongeant eux-mêmes dans des difficultés inextricables. Malheureusement, quand une entreprise fait faillite, elle entraîne d’autres sociétés dans sa chute.
Outre les grands groupes, nombre de commerçants, de restaurateurs, d’artisans, privés d’activité et donc de revenus pendant plus de deux mois, sont dans une situation désespérée. Même si les restaurants rouvrent après le 2 juin 2020, leurs exploitants ne retrouveront pas leur chiffre d’affaires d’avant crise. Beaucoup feront faillite, les autres devront se séparer d’un ou plusieurs collaborateurs.
Certains secteurs, comme l’automobile, étaient déjà en difficulté avant le grand confinement. Renault, en particulier, envisagerait de fermer trois sites de production en France. L’économie est cyclique, elle était en expansion depuis dix ans, une période d’une longueur inhabituelle, puisque les crises surgissent en moyenne tous les sept ans. Beaucoup d’entreprises étaient fragiles, au début de l’année 2020, et même sans Covid-19, nous serions tôt ou tard entrés en récession. Tout au plus l’ampleur du coup de tabac aurait été sans doute plus modérée.
Une vague de chômage va donc s’abattre sur la France et les 7,8 % actuels seront bientôt un lointain souvenir. Or, la crainte diffuse d’être licencié joue contre l’économie : par peur de l’avenir, on restreint ses dépenses, provoquant une baisse importante de consommation et, donc, in fine, un chômage accru. Jamais les dépôts sur le Livret A n’ont été aussi importants qu’en avril 2020, souligne Le Point. On retrouve cette situation paradoxale pendant la grande dépression de 1932, en Allemagne : une épargne abondante, une consommation en déroute.
Heureusement, le pouvoir va ouvrir les vannes du crédit et injecter autour de deux cents milliards dans l’économie française. Sans doute va-t-on maintenir le chômage partiel encore quelques mois pour les secteurs les plus fragiles. Cela évitera le pire, mais la note sera salée.