Cela fait 78 jours que la Belgique est un pays sans tête, sans gouvernement. En effet, si les chrétiens-démocrates flamands (CD&V) dirigés par Yves Leterme ont hérité du plus grand nombre de sièges lors des législatives du 10 juin dernier, ils ne sont pas parvenus à s'entendre avec des partis tiers pour former le cabinet. Pourtant, Dieu sait combien de tentatives ont été menées par le grand chef du CD&V auprès des adversaires d'hier et des ennemis de demain pour composer un gouvernement qui se tienne.
Mais voilà: le scrutin proportionnel plurinominal favorisant la dispersion des voix, l'éclatement politique, personne ne veut s'entendre avec personne. À cause de quoi? De la ferme volonté manifestée par les Flamands d'obtenir davantage de pouvoirs et celle, tout aussi prononcée, des Wallons, francophones, de s'opposer à une autre ronde de négociations qui se traduirait par une énième soustraction d'administrations ou de dossiers dévolus à l'État central. En clair, les Wallons veulent le maintien d'un système fédéral, les Flamands souhaitant l'émergence d'une confédération.
À l'origine de cette crise, on retrouve cette montée en puissance du nationalisme flamand, voire de l'extrême droite. À coups de vociférations sur le mode «les Wallons sont des paresseux à qui profite économiquement la répartition des richesses inhérentes au fédéralisme», les leaders des diverses formations brunes ont fini par convaincre un nombre appréciable de Flamands qu'il était de nouveau temps de se battre pour rapatrier davantage de pouvoirs. S'ils obtiennent ce qu'ils souhaitent, alors l'unité de la Belgique sera réduite à deux entités: le roi et l'armée. Car les Flamands, renforcés notamment par l'affaissement des socialistes au niveau national, veulent beaucoup, exigent énormément.
Qu'on y pense: après avoir constamment refusé d'effectuer des transferts interrégionaux, les Flamands entendent mettre la main sur la gestion de l'emploi, celle de la fiscalité, l'exercice de la justice et l'éclatement de l'arrondissement Bruxelles-Hal-Vilvorde. Parce qu'il bouleverserait le statut de la capitale, ce dernier élément est au centre, dit-on, du combat qui oppose les deux camps.
Révélateur de la gravité de la crise actuelle, le roi Albert II a mis la main à la pâte à plus d'une reprise pour trouver une issue. Il a nommé un médiateur une fois. Puis une deuxième fois. Il a rencontré tout ce que le pays compte de personnalités politiques influentes. En vain, pour l'instant du moins. La Belgique étant, selon les observateurs d'un jeu au demeurant «compliqué complexe», plus fragile que lors de la crise linguistique du début des années 60, il semble que les Flamands n'entendent pas lâcher prise. D'autant moins que le nombre d'entre eux qui rêvent désormais d'indépendance est plus élevé que jamais.
L'ambition des leaders des partis flamands étant l'autonomie complète, il faut s'attendre à ce que la crise actuelle perdure pendant des semaines, voire des mois. En un mot, les rapports de force qui se poursuivent entre Wallons et Flamands sont si empreints de repli sur soi qu'il serait étonnant que la Belgique demeure en l'état.
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