Une semaine après le PQ, c’était au tour de QS de réaffirmer en congrès sa foi dans l’indépendance du Québec. Dans cette course aux électeurs souverainistes, les solidaires ont cependant pris une longueur d’avance. Contrairement à leurs homologues péquistes, qui se sont contentés d’une déclaration de principes, ils ont abordé les choses concrètes, comme la création d’une armée ou d’une agence de renseignements.
À QS, on n’aime pas être accusé de tiédeur sur la question nationale. Gabriel Nadeau-Dubois soutient n’avoir jamais rencontré de fédéralistes dans son parti. À les entendre scander « On veut un pays », ceux qui étaient présents à Longueuil samedi étaient indéniablement souverainistes. Ce sont plutôt les électeurs solidaires qui le sont moins. D’un sondage à l’autre, environ 40 % d’entre eux disent qu’ils voteraient Non s’il y avait un autre référendum, et ils sont nombreux à avoir appuyé le NPD plutôt que le Bloc québécois à la dernière élection fédérale.
QS propose toujours un « projet de société » résolument de gauche, mais il est vrai qu’il y a plus d’accent sur l’indépendance dans le discours solidaire depuis que Manon Massé et Gabriel Nadeau-Dubois sont devenus les porte-parole, et la fusion avec Option nationale a clairement eu un effet d’entraînement. Cela s’est traduit en fin de semaine par l’adoption d’une démarche qui s’apparente beaucoup à une élection référendaire, à moins de refuser d’appeler un chat un chat.
Le programme de QS prévoyait déjà que l’élection d’un gouvernement solidaire serait suivie de celle d’une Assemblée constituante chargée de rédiger la Constitution d’un Québec souverain, qui ferait ensuite l’objet d’un référendum. L’indépendance ne serait proclamée qu’après l’approbation de cette Constitution par la population.
Cette démarche demeure la même, à cette différence que, durant la période de transition entre son élection et la tenue d’un référendum, un gouvernement solidaire se sentirait autorisé à se comporter comme un État déjà souverain et à prendre des initiatives allant à l’encontre de la Constitution canadienne.
Cette approche dite des « gestes de rupture » n’est pas nouvelle. Le directeur de l’Action nationale, Robert Laplante, en avait lancé l’idée au milieu des années 2000 et Jacques Parizeau l’avait lui-même reprise à son compte. Après plusieurs mois de débat, le PQ l’avait officiellement rejetée au congrès de juin 2005.
Au congrès de QS, certains ont bien tenté de s’opposer à une démarche qu’ils jugent antidémocratique et qui risque de rebuter ceux dont l’indépendance n’était pas la priorité quand ils ont adhéré à QS. Les amendements empreints d’une certaine retenue ont toutefois été rejetés de façon systématique. La grande majorité des délégués étaient manifestement d’accord avec l’ancien chef d’ON, aujourd’hui député solidaire de Jean-Lesage, Sol Zanetti, selon lequel la Constitution canadienne n’a aucun fondement démocratique, puisqu’elle n’a jamais été soumise à la population.
Il est sans doute vrai qu’au lendemain de l’élection d’un gouvernement solidaire, Ottawa utiliserait tous les moyens possibles pour saboter le travail de l’Assemblée constituante, mais il est loin d’être certain que les Québécois seraient disposés pour autant à plonger dans le chaos constitutionnel et à se laisser enfermer dans une sorte de « cage à homard » 2.0 sans avoir eu l’occasion de dire s’ils veulent l’indépendance ou non.
Le contraste entre l’intrépidité des militants de QS et la prudence manifestée par les délégués au congrès de « refondation » du PQ était frappant. Tout en affirmant que leur action politique « se concentrera sur la formation d’un pays », les péquistes ont refusé de s’engager à proposer une « voie d’accession » dans un premier mandat.
La nature même de cette « voie d’accession » demeure imprécise. L’entente sur une « feuille de route » commune signée en mai 2017 par le PQ, QS, ON et le Bloc québécois, avant d’être reniée par QS, prévoyait bien la « mise en place » d’une Assemblée constituante, selon des modalités qui restaient à définir, de même que la tenue d’un référendum qui permettrait de se prononcer à la fois sur le statut politique du Québec et sur la Constitution d’un État indépendant élaborée par l’Assemblée constituante. Il n’y avait cependant aucune référence à des « gestes de rupture ».
Bien entendu, rien n’empêche le PQ de reprendre le débat d’il y a quinze ans, mais il a bien d’autres chats à fouetter pour le moment. De toute manière, rien n’indique que les Québécois aient présentement la moindre envie de participer à cette course à l’indépendance.