Les expatriés canadiens auraient toujours dû garder leur droit de vote, de l’avis de la Cour suprême du Canada.
L’ancien gouvernement Harper avait décidé d’utiliser une loi datant de 1993 pour refuser le droit de vote aux citoyens canadiens ayant quitté le pays depuis plus de cinq ans.
Deux Canadiens, privés de ce droit aux élections fédérales de 2011, se sont tournés vers les tribunaux pour s’en plaindre. Mais alors que leur aventure judiciaire était sur le point d’aboutir, le gouvernement Trudeau, en adoptant sa loi de réforme électorale le mois dernier, a redonné le droit de vote à tous les citoyens canadiens vivant à l’étranger.
La Loi C-76 a reçu la sanction royale le 13 décembre, au dernier jour avant les vacances de fin d’année.
Tout de même, dans un jugement de cinq contre deux, le plus haut tribunal du pays juge que la privation du droit de vote appliquée par l’ancien gouvernement conservateur était inconstitutionnelle. Le jugement pourrait donc servir de mise en garde pour tout gouvernement futur qui voudrait à nouveau ôter aux expatriés leur droit de vote.
Le juge en chef Richard Wagner a rédigé le jugement de la majorité.
« Toute restriction du droit de vote [...] ne saurait être tolérée sans justification impérieuse », écrit-il dans son tout premier paragraphe.
C’est l’article 3 de la Charte canadienne des droits et libertés qui est en cause. Alors que les procureurs fédéraux admettaient qu’il était violé, ils arguaient que cela était justifié pour « maintenir l’équité du système électoral à l’égard des Canadiens résidents » ; un argument que la Cour suprême rejette.
« Le [procureur général du Canada] a été incapable d’indiquer ne serait-ce qu’une plainte formulée concernant le vote par des non-résidents. L’absence de preuve ou de raisonnement logique indiquant un problème précis pour lequel un redressement est nécessaire affaiblit l’argument selon lequel la restriction du droit de vote de non-résidents a un lien rationnel avec le maintien de l’équité électorale », fait valoir le juge Wagner.
Le juge conclut que de « priver certains citoyens du droit de vote frappe non seulement au coeur de leurs droits fondamentaux, mais se fait aussi au détriment de leur dignité et de leur valeur intrinsèques ».
Le juge ontarien de première instance qui avait aussi donné raison aux expatriés avait souligné qu’en 2009, environ 2,8 millions de Canadiens vivaient à l’étranger depuis au moins un an et plus d’un million d’entre eux avaient perdu leur droit de vote en vertu de la loi appliquée par le gouvernement conservateur.
Les deux Canadiens, Gillian Frank et Jamie Duong, qui ont porté cette cause devant la cour vivent aux États-Unis et disent avoir l’intention de revenir au Canada s’ils peuvent y trouver du travail. La famille de M. Duong vit toujours à Montréal, où il est né.