Je cite un extrait de l'article de mon collègue Francis Vailles publié dans La Presse de mardi: «En mars dernier, Francesco Bruno a été accusé au criminel pour avoir fabriqué (des) factures pour les entreprises de M. (Tony) Accurso et pour d'autres. Selon les mandats de perquisition, Francesco Bruno et deux employés de Revenu Canada auraient notamment caché 1,7 million dans des paradis fiscaux en lien avec ces activités. Ils auraient utilisé un compte aux Bahamas géré par Martin Tremblay, ce financier québécois emprisonné pour blanchiment d'argent.»
Arrêtons-nous un instant. Deux employés du fisc qui cachent 1,7 million avec un présumé fraudeur fiscal? D'où vient cet argent? Ce n'est quand même pas banal!
Ce n'est pas une nouvelle fraîche, mais on n'en a pas saisi l'importance tout de suite. Déjà, en 2009, le ministre Jean-Pierre Blackburn avait annoncé la suspension de quatre employés de l'Agence du revenu du Canada (ARC), soupçonnés de corruption. Ils ont été congédiés depuis et, un an et demi plus tard, on attend toujours les accusations criminelles.
Des sources nous disent que ces quatre-là n'étaient pas les seuls au bureau montréalais. Mais hier, la porte-parole de l'Agence n'a jamais été capable de me dire si d'autres personnes ont été suspendues ou congédiées depuis.
On parle d'une demi-douzaine de personnes. Ce n'est pas une pomme pourrie: c'est un panier! On parle d'une déviance majeure. Combien d'individus et de sociétés en ont profité? Pendant combien de temps?
Impossible pourtant de savoir ce qui se passe ou ce qui s'est passé.
L'été dernier, à l'occasion d'une perquisition, on a appris que deux chefs d'équipe de l'ARC, Adriano Furgiuele et Antonio Girardi, étaient actionnaires d'une firme (Delvex) qui produisait de faux documents pour aider à obtenir des crédits d'impôt pour recherche et développement. Des sociétés de Tony Accurso en ont profité. Entre 2005 et 2007, Simard-Beaudry a ainsi obtenu des crédits d'impôt de près de 1 million de dollars. Le mandat de perquisition suggère que Lisa Accurso, qui a remplacé son père à la tête de Simard-Beaudry et de Construction Louisbourg, suivait de près ce dossier.
Ce dossier, nous dit une source, est pourtant «insignifiant» par rapport au degré de corruption qu'on a découvert à l'Agence.
Un exemple de ce que la GRC a découvert, d'après un mandat de perquisition de l'été dernier?: le chef d'équipe Adriano Furgiuele a participé à la falsification d'une vérification fiscale au profit de B.T. Céramique, propriété du fameux Francesco Bruno. Bruno est le cousin de cet ex-employé de l'ARC.
Y avait-il vraiment des employés du fisc qui vendaient une sorte d'«assurance», en faisant des vérifications bidon suivies d'avis de cotisation minimes pour couvrir leur opération?
Pour l'instant, aucune déclaration officielle n'a fait le point sur le degré de pourriture du bureau montréalais de cette agence. Mais en mettant ensemble les nouvelles des derniers mois, il y a de quoi s'inquiéter.
Le cash, toujours le cash
Au sujet de la fraude de Simard-Beaudry et de Louisbourg, on n'a vu que la partie fiscale de l'affaire: les entreprises de Tony Accurso envoient des chèques à des sociétés bidon, qui délivrent des reçus comme si elles avaient fait du travail de sous-traitance. Ça permet de déduire de fausses dépenses.
Mais que font les sociétés bidon de Francesco Bruno avec l'argent? Elles le remettent aux entreprises de Tony Accurso, puisque c'étaient des factures bidon. Pour ne pas laisser de traces, l'argent n'est pas remis par chèque, mais cash. Où va tout cet argent? Ça fait quand même quelques valises, 3,9 millions en cinq ans, seulement pour les sociétés de Francesco Bruno...
Qu'ont fait les gens de Simard-Beaudry et de Construction Louisbourg avec ces millions de dollars? Francis Vailles répond à la question ce matin: c'est allé en salaires dans les chantiers... et en «dépenses personnelles». Dépenses de quelles personnes, et pour quoi faire au juste? Le fisc ne s'en soucie pas tellement et n'a qu'à percevoir l'impôt éludé.
Simard-Beaudry et Louisbourg n'ont donc pas fini de payer: après le fisc fédéral, ce sera Revenu Québec, puis la TPS et la TVQ. Et avec une menace de suspension de permis à la clé, l'année qui vient paraît bien incertaine pour ces géants de la construction.
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