Pour un regard différent sur la campagne en cours, Le Devoir a invité le directeur de l’Institut du Nouveau Monde, Michel Venne, à signer chaque samedi d’ici au jour du vote une chronique qui fait place non pas aux évaluations partisanes, mais aux considérations qui guideront l’électeur dans ses choix.
Le citoyen moyen n’existe pas. La nation québécoise est fragmentée, comme le sont toutes les nations modernes. Nos opinions, nos intérêts et nos aspirations s’opposent parfois. Le conflit est normal dans une société. Les campagnes électorales sont des moments où s’expriment ces divergences. Le débat peut être vif. C’est l’art de la guerre qui s’impose.
Il faut seulement se rappeler que l’art de la guerre n’est pas l’art de gouverner. Au terme des hostilités électorales, la plupart d’entre nous espèrent retrouver une paix qui s’articule autour de quelques principes, valeurs et préférences majoritaires, confirmées par le résultat du vote. La victoire doit susciter un ralliement, au moins provisoire.
Ce ralliement se construit généralement autour d’une priorité largement partagée, d’une nécessité collective vitale incarnée par un chef, son équipe et son parti, à un moment précis de l’Histoire.
Cette priorité peut être économique, comme en 2008, alors que nous étions plongés en pleine crise financière mondiale et que nous craignions pour nos emplois, nos maisons et nos fonds de retraite. Elle peut porter sur le désir d’une affirmation nationale ou d’un pays, comme en 1994, quand le PQ de Jacques Parizeau a pris le pouvoir, après dix ans de débats constitutionnels stériles.
Aujourd’hui, de quoi avons-nous majoritairement envie ? Je pense bien humblement que nous avons besoin de retrouver un peu de confiance en nous comme collectivité. Cela implique que nous reprenions confiance dans la politique, car c’est le principal moyen que nous avons pour résoudre ensemble les problèmes qui nous dépassent comme individus et permettre la réalisation de nos aspirations communes.
Le rétablissement de la confiance envers nos institutions démocratiques, envers les hommes et les femmes politiques et envers notre capacité de développer le Québec dans le respect des personnes, des collectivités et des territoires que nous partageons, est à mon avis l’enjeu unique de la présente campagne électorale.
Sans confiance dans la politique, on ne réussit pas le Plan Nord. Sans elle, on ne fait pas l’indépendance non plus. On ne réforme pas l’administration publique ni ne peut construire une société plus égalitaire. Tous les autres objectifs lui sont subordonnés.
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Pour l’édition 2012 de L’état du Québec, un ouvrage de référence que nous publions à l’Institut du Nouveau Monde sur une base annuelle, nous avons commandé un sondage et publié un dossier sur le leadership. Bref, sur ce qui devrait nous rassembler. La réponse est sans équivoque. Pour 80 % des répondants, le Québec vit une crise de leadership.
Les deux qualités les plus recherchées chez un leader, selon notre sondage, sont la compétence et l’honnêteté. Les Québécois cherchent un bon intendant pour le Québec.
Le charisme et l’avant-gardisme sont des qualités qui arrivent loin derrière dans le classement que nous avons obtenu. L’arrogance et le caractère tranchant sont les deux caractéristiques qui déplaisent le plus aux répondants.
Les Québécois n’ont pas soif de réformes ni n’aspirent à être gouvernés par un matamore. Ils veulent simplement une certaine efficacité de la part d’un gouvernement honnête et intègre.
Or, la confiance sur ces deux aspects (efficacité et honnêteté) a été largement émoussée au cours des dernières années. D’un côté, les allégations de corruption, de copinage et de collusion ont ruiné la confiance dans la neutralité de l’État. La corruption est un cancer pour la démocratie qu’on n’a pas le droit de banaliser.
De l’autre côté, la population croit de moins en moins en l’efficacité de nos services publics : on se bat pour une place en garderie, on attend à l’hôpital et on décroche de l’école.
Il n’est pas étonnant de constater que les citoyens recherchent dans le privé des réponses à leurs besoins. Du coup, c’est l’expectative d’égalité des chances qui se fragilise, le chacun pour soi qui s’impose et la capacité de croire en nous, de se faire confiance entre nous, qui s’estompe. De même que la volonté d’agir pour le bien commun.
Une campagne électorale ne règle jamais grand-chose. Mais ce peut être une étape vers un changement. Nous verrons ce que celle-ci nous réserve. J’ose espérer.
Dans l’œil du citoyen
La confiance
Élection Québec 2012 - analyses et sondages
Michel Venne35 articles
Directeur général Institut du Nouveau Monde
Michel Venne est le fondateur et le directeur général de l’Institut du Nouveau Monde. Il est le directeur de L’annuaire du Québec, publié chaque année aux Éditions Fides. Il prononce de nombreuses conférences...
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Directeur général Institut du Nouveau Monde
Michel Venne est le fondateur et le directeur général de l’Institut du Nouveau Monde. Il est le directeur de L’annuaire du Québec, publié chaque année aux Éditions Fides. Il prononce de nombreuses conférences et est l’auteur de nombreux articles scientifiques. Il est membre du Chantier sur la démocratie à la Ville de Montréal, membre du comité scientifique sur l’appréciation de la performance du système de santé créé par le Commissaire à la santé et au bien-être du Québec, membre du conseil d’orientation du Centre de collaboration nationale sur les politiques publiques favorables à la santé, membre du conseil d’orientation du projet de recherche conjoint Queen’s-UQAM sur l’ethnicité et la gouvernance démocratique.
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