Nous vivons, dit-on, à l’heure de l’information instantanée. C’est ce que certains « poètes » qui s’ignorent nomment l’information « en temps réel ». Comme si l’immédiateté des faits avait quelque chose à voir avec leur réalité. En ces temps d’immédiateté de l’information, il aura pourtant fallu une bonne semaine pour apprendre que plus de 500 femmes avaient subi des violences sur la grande place de la gare à Cologne. Le 1er janvier, un rapport de police avait osé conclure à une nuit « globalement calme ». Deux semaines plus tard, le nombre de plaintes atteignait 560, dont 40 % pour tentative de viol ou agression sexuelle. La plupart désignent des hommes d’origine étrangère, probablement maghrébine ou moyen-orientale.
Un vieillard est agressé dans un village perdu et, dans l’instant, sa photo tourne en boucle sur les chaînes d’information continue. Un maire de province lance une baliverne sur Twitter et les radios en rendent compte illico avec moult détails et commentaires inspirés. Mais plus de 500 femmes se font agresser pendant le réveillon du jour de l’An sur une grande place publique d’une métropole européenne où festoient des milliers de personnes, toutes munies de téléphones ultrasophistiqués branchés sur le monde, et on ne l’apprendra que… cinq jours plus tard ! Pas une organisation féministe ou de défense des droits pour sonner l’alarme et s’inquiéter du silence de la police. Serions-nous revenus à l’époque de la diligence et du télégramme ?
À moins que nous soyons à celle du « pas d’amalgame ». Car c’est bien de cela qu’il s’agit. De peur de pointer du doigt des immigrants, de « faire le jeu » des xénophobes et de passer pour raciste, on a minutieusement organisé une conspiration du silence et dissimulé des informations qui étaient d’intérêt public. Jusqu’à ce que la nouvelle éclate au grand jour.
Heureusement, en Allemagne, le black-out n’a tenu que quelques jours. Car en Suède, cette conspiration des bien-pensants aura duré plus d’un an et demi. Dans la foulée des révélations de Cologne, on découvrait en effet qu’en août 2014, à Stockholm, 38 agressions sexuelles, dont 2 viols, s’étaient produites dans des circonstances semblables pendant un festival de musique. La police identifia plusieurs responsables parmi un groupe de réfugiés afghans. Le modus operandi était exactement le même. L’année suivante, la répétition d’événements semblables n’a pas suffi pour casser l’omertà dans ce pays qui se targuait, jusqu’à tout récemment, d’être le plus accueillant d’Europe pour les réfugiés.
Ce silence apparaît aujourd’hui pour ce qu’il est, c’est-à-dire criminel. Si les policiers suédois avaient osé dire la simple vérité, qui sait si leurs collègues allemands n’auraient pas mieux protégé les femmes qui festoyaient le 1er janvier dernier. Sans oublier que, sous prétexte de ne pas faire le jeu de l’extrême droite, nos bonnes âmes lui auront servi sur un plateau d’argent le meilleur des arguments.
Faut-il que nos censeurs modernes soient aveuglés pour avoir aussi peur du mot « islam » que nos curés d’antan avaient peur du mot « sexe » ? Ce n’est pas dénigrer les musulmans — au contraire — que de reconnaître que l’islam a depuis toujours un véritable problème avec les femmes. Un problème de civilisation, aurait dit le regretté orientaliste Abdelwahab Meddeb. Selon lui, la seule solution pour les musulmans reconnaissant l’égalité complète entre hommes et femmes était d’admettre que, sur ce point, toutes les dispositions coraniques et traditionnelles de l’islam étaient « obsolètes ». Meddeb ajoutait d’ailleurs que le voile, toléré (et même célébré) par tant de féministes, était « l’emblème de toutes les dispositions qui avalisent l’inégalité des femmes ». Pour le psychanalyste français Daniel Sibony, l’islam a tellement sublimé la femme idéale qu’il en écrase complètement la « femme réelle ». Contrairement à ce qu’on entend ces jours-ci, il est faux de prétendre que toutes les cultures se valent en matière d’oppression des femmes.
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