ANALYSE – En coulisses, les stratèges libéraux et conservateurs disaient miser beaucoup sur le débat de jeudi soir pour convaincre les électeurs québécois de revenir vers eux.
On promettait des attaques plus ciblées à l’endroit du chef du Bloc québécois, en brandissant le spectre de Stephen Harper ou celui de la séparation du Québec.
La première salve plutôt timide a été lancée par le chef libéral une dizaine de minutes après le début de la joute. Un appel subtil à ceux qui flirtent avec le Bloc québécois, en soulignant que pour lutter contre le changement climatique, il fallait faire partie du gouvernement.
Puis, une heure plus tard, quelques étincelles. Un tir groupé contre Yves-François Blanchet. Avec plusieurs députés bloquistes, on ne peut (rien) faire, parce que Justin Trudeau va rester premier ministre
, a affirmé le chef conservateur Andrew Scheer.
Maintenant que le Bloc veut reprendre une place et vouer les Québécois encore une fois à l’opposition, les Québécois doivent réfléchir très, très clairement
, a renchéri Justin Trudeau.
Jagmeet Singh, lui, s’en est pris à la façon dont la formation souverainiste semble s’approprier la province. Monsieur Blanchet a dit "voter pour le Bloc, c’est voter pour le Québec et ça m'achale un peu", a dit le chef du NPD. Vous n'avez pas le monopole sur le Québec.
Ne cherchez pas les autres attaques, il n’y en a pas eu. Sinon quelques petites références ici et là. Dans l’ensemble, les chefs ont opté pour la prudence, certains diraient même la réserve.
Justin Trudeau a encore une fois tapé sur Doug Ford, Andrew Scheer a tapé sur Justin Trudeau, et Jagmeet Singh a fait des blagues sur son turban et a rappelé qu’il partageait les valeurs des Québécois et des Canadiens progressistes.
Des chefs qui ont choisi de ne pas en découdre
Et Yves-François Blanchet? Il est resté au-dessus de la mêlée, intervenant avec calme, expliquant avec détails son offre, ses propositions. Avec un message pour ceux qui se souviennent des bonnes années du Bloc. L’importance de défendre les intérêts des Québécois. Si c’est bon pour le Québec, c’est oui, disait Gilles Duceppe, sinon, c’est non.
On dit souvent "voter pour le Bloc, c’est voter pour les libéraux, voter pour le Bloc, c’est pour les conservateurs", a indiqué M. Blanchet. Voter pour le Bloc, c’est voter pour le Québec.
Il ressort gagnant de la soirée, devant des adversaires qui ont fait bonne figure, mais qui semblent avoir choisi de ne pas se battre.
Depuis quelques jours, les libéraux et les conservateurs sont sur le terrain au Québec. Ils sondent les électeurs pour comprendre la portée de ce qui se passe et trouver la recette qui leur permettrait, en 10 jours, de reprendre le contrôle d’une campagne qui est en train de leur glisser entre les doigts.
Pendant la campagne électorale de 2015, un stratège libéral dans l’avion de campagne entre Vancouver et Toronto m'avait parlé de « l’effet boule de neige ». Quand un parti prend quelques points d’avance, m’avait-il expliqué, la boule se met à dévaler toute seule dans les bonnes circonstances, elle grossit et devient impossible à arrêter. C’est vrai pour le gagnant, mais c’est également vrai pour le perdant, m’avait-il souligné, après avoir vécu les deux types de campagnes.
La boule de neige du Bloc québécois a-t-elle commencé à dévaler la pente? Jeudi soir, les autres partis ne semblent pas avoir réussi à l’arrêter.