La boîte noire - plus un clin d'oeil à la chanson québécoise

Chronique d'André Savard

On ne sait pas au juste ce qui est en question dans le projet de hausse des tarifs d’électricité. Un jour, on nous dit que ce sera une peccadille, une histoire d’une cinquantaine de dollars par année, peut-être même seulement vingt-cinq. Le lendemain, on lance l’idée en l’air : fin des tarifs préférentiels accordés aux Québécois. Désormais, ils rejoindront les autres nord-américains et paieront à parité comme les Albertains payent à la pompe à essence leur pétrole.
Jean Charest ajoute que les hausses de tarifs ont ce grand mérite de ne pas échapper au libre arbitre individuel contrairement aux impôts qui obligent le contribuable. On choisit de consommer de l’électricité, de l’eau alors qu’on ne choisit pas de payer des impôts, insiste Charest. Si ce n’est pas Charest, c’est une figure respectée de la haute finance qui répète le message en faisant semblant d’ignorer superbement que l’électricité fait partie des frais fixes auxquels on n’échappe pas. Une consommation plus restreinte peut moduler les frais fixes à la marge mais dans l’ensemble eau et chauffage ne sont pas consommés par caprice. Si leur coût augmente, on s’appauvrit.
Il peut sembler superfétatoire d’écrire une chronique là-dessus. On dira que c’est une évidence. Seulement, Jean Charest a décidé d’ignorer l’évidence. Il a le droit de dire aux Québécois qu’ils ne payent pas assez pour leurs services et pour leur patrimoine d’électricité. Oui il a le droit mais voilà : Il se sert du contexte pour faire tourner une véritable boîte noire que personne ne devrait endosser avant d’en avoir vu le contenu.
Ce n’est pas seulement d’augmentation des tarifs dont on parle. On parle d’abandonner la notion de bloc patrimonial en ce qui a trait à l’électricité. Des analystes se rangeant dans la filière de Charest accusent les Québécois de se défiler. On sous-entend que les Québécois auraient vécu à rabais, hormis les forts payeurs d’impôts. Ce serait d’ailleurs parce qu’eux, les bons payeurs d’impôts, n’auraient jamais eu le loisir d’échapper aux paiements exagérés que Charest aurait senti l’urgence de baisser les impôts.
Est-ce alors surprenant que le public en général ait l’impression de se faire baratiner? La fameuse révolution culturelle, pour employer les mots du ministre Bachand, ressemble à une mise en condition dont le but est d’exonérer les plus riches.
Le grand tournant annoncé par le gouvernement n’est pas clair. Il n’y a pas de plan et les prétendus experts semblent avoir trouvé leur emploi dans l’exécution d’un projet qui se réclame du principe du consommateur-payeur nord-américain plutôt que dans l’antique régime fiscal hérité dit-on d’un modèle trop ancien.
Dans un sujet comme l’augmentation des frais fixes pour tous, le clair-obscur n’est pas de mise. Jean Charest devrait comprendre que les citoyens ne sont pas tous membres du parti Libéral. Ils n’ont pas un double salaire caché comme lui. Ils n’ont pas la possibilité de décrocher des subsides parce qu’ils ont une garderie privée ou parce qu’ils sont fournisseurs de services dans le domaine des infrastructures.
La plupart des gens doivent budgéter, au cas où on ne le saurait pas. C’est d’engagements à long terme et d’un aperçu concret des effets sur un budget personnel dont les Québécois ont besoin. Leur dire : on va vous augmenter fort peu considérant le rattrapage à faire par rapport aux Albertains, aux Manitobains, aux Californiens et aux citoyens de Nouvelle-Angleterre, c’est leur dire : Vous trouvez la pilule trop amère? Attendez un peu. Bientôt la société québécoise devrait se soumettre aux règles de l’Amérique du Nord.
On sait la complaisance des sociétés nord-américaines par rapport aux plus riches. C’est plutôt sain de voir les Québécois sourciller quand ils se font dire qu’ils vont jouer selon les règles telles qu’elles se jouent et que finalement ils les joueraient s’ils étaient partout ailleurs, que ce soit au Canada ou aux U.S.A.
La chanson québécoise
Avez-vous fréquenté la chanson québécoise récemment? Je ne suis pas un amateur du médium en général. Souvent, la chanson me paraît une formule qui se prête trop peu aux développements mélodiques, prisonnières des percussions, une battue trop répétitive qui annoncent des leitmotivs débiles.
Il y avait bien quelques exceptions dans le passé, des météores comme Paul Piché et Vigneault, pareils à des monuments au milieu d’un champ d’inepties. Il en va tout autrement avec la nouvelle génération. Elle écrit bien car elle sait mettre à profit le caractère cristallin de la phonétique française pour construire une prosodie percutante.
Cœur de pirate, Tricot Machine, Perrault, Pierre Lapointe, et Alfa Rococo, notamment, un de mes groupes favoris, sont parmi ce qui arrive de mieux au Québec depuis quelques années. Au moins ça ne va pas mal partout.
Comme le chante Alfa Rococo, « le plafond est bas » et comme le demande Pierre Lapointe : « Qu’en est-il de la chance? L’aurait-on oublié? »
André Savard


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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    24 mars 2010

    L'augmentation des tarifs d'électricité servira à l'Hydro Québec pour payer les pénalités sur un contrat à long terme passé avec TransCanada Energy (Calgary), propriétaire de la central au gaz de Bécancour:
    "Hydro-Québec aura des surplus d'électricité sur les bras pendant encore 10 ans. La société d'État prévoit donc continuer de verser d'ici là 150 millions de dollars par année à TransCanada Energy pour maintenir sa centrale de Bécancour à l'arrêt.
    Cette facture de près de 2 milliards peut paraître élevée, mais il s'agit de la solution la moins coûteuse pour éliminer une partie des surplus, a plaidé hier André Boulanger, président d'Hydro-Québec Distribution."
    (...)
    Hydro-Québec demande une augmentation de ses tarifs de 0,2% à partir du 1er avril 2010. Cette augmentation s'explique en partie par les sommes versées à TransCanada
    http://lapresseaffaires.cyberpresse.ca/economie/energie-et-ressources/200912/08/01-928899-hydro-quebec-des-erreurs-de-prevision-qui-coutent-cher.php
    ..................................
    Rappelons qu'à l'époque le gouvernement Charest avait 12 centrales au gaz dans ses cartons. Heureusement que les citoyens ont sorti contre le Suroit pour bloquer les visée de la filière gaz qui contrôlait et contrôle encore l'Hydro Québec.
    JCPomerleau