Le prince de Galles est arrivé lundi au Canada pour une visite officielle de 10 jours, accompagné de sa femme, la duchesse de Cornouailles, plus connue par son nom roturier, Camilla Parker-Bowles. Cette visite suscite plus de remous au Canada anglais qu'au Québec, et a même rouvert le débat sur la pertinence de la monarchie.
Bien sûr, au Québec, les purs et durs s'énervent. La Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, avec son habituelle grandiloquence, dit que le prince Charles ne sera pas bienvenu tant que la Couronne ne se sera pas excusée pour «l'ethnocide des francophones d'Amérique». Quand on ne regarde que son nombril, on a tendance à oublier que les excuses des grands empires qui ont dominé la planète pendant des siècles rempliraient des catalogues. Fin de la parenthèse folklorique.
Plutôt que de la rage contre un symbole de l'oppression coloniale, les Québécois francophones normaux ressentent à l'égard de la Couronne britannique l'indifférence que l'on réserve à une institution surannée.
C'est au Canada anglais que l'on s'interroge sur la monarchie. Certains la défendent, comme Conrad Black qui, de sa retraite carcérale, a vanté dans le National Post les vertus de cette excentricité qu'est une monarchie extraterritoriale. Mais de plus en plus de voix la remettent en cause, notamment le chef libéral Michael Ignatieff.
On voudrait profiter du moment où la reine Élisabeth disparaîtra pour couper le lien monarchique. Car si on s'accommode bien de la reine, l'idée que son fils si peu charismatique devienne le roi du Royaume-Uni, et donc du Canada, est nettement moins réjouissante.
Il est vrai que la monarchie est devenue la survivance d'un monde qui n'est plus. Quand j'étais jeune, il était précisé, sur mon premier passeport, qu'un citoyen canadien était un sujet britannique. Et je me souviens, à l'occasion de mon premier voyage au Royaume-Uni, lorsque je faisais la queue aux douanes, dans la file des Britanniques, de ma stupéfaction lorsque le douanier m'a demandé: «How long are you staying home?»
Tout ça, c'est fini. Le Commonwealth est un club, plutôt qu'un bloc économique, depuis que les Britanniques se sont tournés vers l'Europe et que nous avons choisi l'intégration continentale. Les racines britanniques de la population anglo-canadienne s'étiolent. Et le fait d'avoir pour monarque la reine d'un pays étranger n'a plus de sens.
Il est donc logique de tourner la page. Mais le débat est moins simple qu'il n'en a l'air. Parce que l'élimination de la monarchie, aussi souhaitable soit-elle, posera des problèmes politiques et constitutionnels.
Dans notre système politique, avec son parlementarisme britannique, où le premier ministre dispose de pouvoirs considérables - plus qu'un président américain - il faut des contrepoids. Le chef d'État symbolique, la reine, et sa représentante, la gouverneure générale, jouent ce rôle, dans certains moments de crise, pour la formation et la dissolution des gouvernements.
Si on élimine la monarchie, il faudra donc la remplacer. Soit nous doter d'institutions républicaines. Soit moderniser le système actuel, en remplaçant le gouverneur général par un président symbolique qui jouerait essentiellement le même rôle. Plusieurs pays ont des présidents d'apparat sans réels pouvoirs, comme l'Irlande, l'Italie, Israël, l'Allemagne. Est-ce que ça vaut la peine? Oui, parce que ce président pourrait être choisi autrement que par une décision arbitraire du premier ministre et parce qu'il ne représenterait pas un monarque étranger.
Mais on sait à quel point les Canadiens se méfient des aventures constitutionnelles. Surtout s'il y a un référendum en prime. Pour vaincre les résistances, il y aurait une façon simple de poser la question: «Voulez-vous, oui ou non, voir la binette du prince Charles sur vos timbres, vos billets de banque et vos pièces de monnaie?»
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