(Québec) Célébration, commémoration, reconstitution, rappel et quoi encore! Les nuances se suivent, les contorsions intellectuelles et historiques également, sur la bataille des plaines d'Abraham. Ceux qui se méfient du but du machin peuvent se conforter, l'idée vient des commandites et vise à convaincre les Québécois des bienfaits du fédéralisme. Alors, un peu de background, comme on dit à Ottawa. Peu importe le choix des mots pour décrire l'événement, le 250e anniversaire de la défaite des Français souffre d'un vice fondamental : une odeur de scandale flotte dans l'air.
Le Bloc québécois a convoqué le patron de la Commission des champs de bataille, André Juneau, devant le comité parlementaire sur le patrimoine, question de lui extorquer la vérité vraie. À ma surprise, j'avoue, les conservateurs ont approuvé, et M. Juneau devra s'expliquer le 25 de ce mois.
L'affaire, comme on peut le constater, est vraiment mal partie. Quand le Bloc québécois a sorti des oubliettes un document incriminant contre M. Juneau, la semaine dernière, ma mémoire n'a fait qu'un tour. Un coup de sonde, et voilà que je retrouve un papier que j'avais écrit en couvrant l'enquête du juge Gomery, le 18 mars 2005.
En ouverture, « les plaines d'Abraham se sont retrouvées au coeur du dispositif de visibilité du gouvernement fédéral en 1998-1999, gracieuseté de commandites de près d'un million de dollars du ministère des Travaux publics ». Une partie de cet argent avait vite rejoint la caisse électorale du Parti libéral, qui, évidemment, ne veut pas réveiller le passé.
La politisation des Plaines ne faisait aucun doute, selon le plan d'action déposé devant le juge Gomery par le relationniste Louis Thiboutot. Le même homme a travaillé comme consultant en communication pour le Parti conservateur aux élections d'octobre dernier, mais cela ne compte plus, me semble-t-il. Le parc « que tout le monde aime à Québec », disait-il, s'était transformé en « un prétexte très intéressant pour développer le rayonnement du gouvernement du Canada dans la région de Québec, et ce, en douceur ».
Il fallait utiliser « délicatement le parc pour convaincre les gens de Québec que le gouvernement du Canada n'était pas un mauvais garçon, mais un acteur présent, politiquement et économiquement, dans la région », ajoutait M. Thiboutot dans son témoignage. « Le parc est voisin du bunker du premier ministre du Québec, une de ses entrées principales est face au parlement », disait-il en évoquant le contexte hautement politique de cette initiative.
Il avait quand même un certain flair, faut-il reconnaître. Le plan de communication évoquait en effet « la susceptibilité de la région de Québec » et la nécessité « d'éviter de donner une image trop agressive (et) de véhiculer un message pouvant avoir l'effet contraire à celui recherché ». Là, c'est réussi!
Parmi les commandites retenues pour les Plaines, à l'époque, notons – tiens, tiens! –la reconstitution d'une bataille militaire, 80 heures de patrouille à cheval de la GRC (à 120 $ l'heure), le Championnat canadien des hommes forts, 1000 frisbees et 200 parasols. En somme, un beau ramassis des insanités des commandites qui ont fait à la fois rire et pleurer le Québec pendant les longs mois des audiences de l'enquête Gomery.
Quant à M. Juneau, qui, il y a 10 ans, accusait le gouvernement péquiste d'utiliser la Commission de la capitale nationale pour « amenuiser les initiatives fédérales », le passé le rattrape. L'ancien président de cette commission, Pierre Boucher, demande maintenant à Ottawa de céder les Plaines soit à la Ville de Québec, soit à la... Commission de la capitale nationale. Revanchard, va!
La bataille des Plaines commanditée
La politisation des Plaines ne faisait aucun doute, selon le plan d'action déposé devant le juge Gomery par le relationniste Louis Thiboutot.
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