Alors qu’en France les presses ne cessent de publier des ouvrages non conformistes traitant des enjeux actuels, au Québec, nous sommes relativement peu gâtés dans ce domaine. Les chroniqueurs traitant des enjeux de société ont malheureusement trop souvent la même saveur, ils mettent leur plume au service de la pensée dominante, professant un progressisme multiculturaliste ce qui leur permettra d’entrer dans le très peu élitiste cercle des bien-pensants, où tous discutent âprement de leur adhésion à la foi de la diversité et du vivre-ensemble. Alors, lorsqu’un Québécois se lance et ose écrire un ouvrage allant contre le courant, on ne peut que l’encourager et s’intéresser à son œuvre. Et c’est le cas de Sylvain Gauthier, qui vient de signer son premier essai titré « L’Occident dans la soupe chaude » avec comme sous-titre explicatif « Quand une civilisation se suicide par le multiculturalisme ».
Si nous sommes les premiers à en parler, ce n’est pas que Gauthier soit un adhérant de la Fédération des Québécois de souche, mais bien parce qu’un tel ouvrage est trop politiquement incorrect pour être traité dans les colonnes des médias réputés sérieux. À la lecture de son essai, Gauthier semble être davantage un tenant de Samuel Huntington et de Mathieu Bock-Côté, auquel d’ailleurs sa prose fait penser, tout en étant plus « accessible » et plus centrée sur l’actualité et les faits que sur le débat philosophique.
D’entrée de jeu, l’auteur fait son mea culpa, il est fédéraliste. Mais, et ce mais est crucial, si les souverainistes faisaient de l’identité le point d’ancrage de leur projet politique au lieu de tergiverser et invoquer des motifs stériles, il se laisserait convaincre par l’indépendance. Mieux, pour lui, le Québec et son identité ne peuvent survivre au sein du multiculturalisme à la canadienne, alors, il doit s’en sortir. Il s’agit d’une question de survie.
Malheureusement, Jean-François Lisée, après avoir été élu a la tête du Parti Québécois avec une plateforme identitaire aussitôt reniée, ne risque pas de lire ce livre ou de changer son approche inspirée de Québec solidaire.
Il n’est pas le seul à se comporter ainsi ; comme le rappelle à raison Gauthier, par peur d’être taxés de racisme, les politiciens n’osent apporter de critique du système et revendiquer une approche identitaire forte. Les rares qui s’aventurent sur le terrain identitaire le font lorsqu’ils sont éloignés du pouvoir, pour tenter de séduire le peuple, mais très peu d’actions concrètes sont réalisées, une fois ceux-ci installés aux commandes. Clairement, les Québécois qui accordent une importance à notre survie en tant que peuple manquent d’alternative politique, ou, pour reprendre l’expression du jeune essayiste, sont des « orphelins politiques ».
Dans un billet diffusé sur les réseaux sociaux, l’auteur invitait d’ailleurs les politiciens d’ici à « s’inspirer des actions accomplies par les États-Unis, l’Autriche, la Hongrie, la Pologne et depuis peu, l’Italie, États adoptant une fermeté énergique et tenace quant au resserrement des frontières, à la réduction des taux d’immigration et à l’établissement d’une lutte acharnée à l’immigration illégale. Ces gestes nationalistes constituent une première étape dans une reconquête identitaire et le réapparition d’un noyau commun, composantes essentielles des sociétés occidentales, autrefois si libres, grandioses et fières. »
Pour en revenir au livre comme tel, on y présente la société multiculturelle comme de facto multiconflictuelle. Le repli ethnoculturel et la ghettoïsation créent des sociétés évoluant en parallèle sans aucun socle commun offrant une certaine cohésion.
L’exemple de Montréal est probant. Dans cette ville, anciennement la seconde ville française au monde, l’âme canadienne-française a déserté ; les langues officielles, notamment celle de Camille Laurin, reculent, ce qui pousse les descendants des colons de Ville-Marie à fuir cette ville où ils ne se sentent plus chez eux.
Avec le multiculturalisme, on note l’importance de la rectitude politique, de la langue de bois. La liberté d’expression se réduit, notamment à cause des assauts d’une gauche régressive fort complaisante avec les aspects forts peu progressistes de l’Islam, mais intolérante à toute critique du système prévalant. Gauthier donne quelques exemples de cette censure ; nous pourrions en ajouter des dizaines, mais le fait est que l’idéologie en place se maintient grâce à la censure et le contrôle des nouvelles.
Notons pour l’anecdote que la récente campagne contre les Fake News relève de cette censure comme le prouvait un journaliste de l’Actualité qui nous accusait de colporter de fausses nouvelles, car nous parlions d’immigrants illégaux pour décrire ces immigrants traversant illégalement la frontière. Le journaliste, sérieux dans sa démarche, nous accusait formellement de propager des fausses nouvelles par l’utilisation de ce terme, nous expliquant que le gouvernement souhaitait que l’ont dise « migrants irréguliers » !
« L’Occident dans la soupe chaude », démontre également que même la liberté politique s’effrite ; les juges gérant souvent le pays à la place des élus en s’appuyant sur l’héritage de Trudeau père. Avec ce gouvernement des juges, on assiste à la tyrannie des minorités sur la majorité ; les « de souche » sont priés de s’effacer pour ne pas heurter les nouveaux venus qui nous apportent une culture si enrichissante.
Selon l’auteur, notre identité sera submergée dans 25 ans, mais dans les faits, il s’agit d’une affirmation prudente : nous serons littéralement submergés démographiquement et ne serons plus qu’une minorité avant 20 ans.
Gauthier présente des pistes pour reconquérir notre identité, notamment en passant par l’apprentissage de notre histoire. Notre mémoire collective est à mettre en valeur via l’enseignement et la promotion de notre patrimoine public. Si nous adhérons évidemment à cette proposition, comme la plupart de celles proposées, qui souvent visent uniquement les extrémistes islamiques, elle pèche par conservatisme. Stopper les abus, renvoyer les terroristes, couper le financement des djihadistes, c’est bien, mais ce n’est pas suffisant.
La seconde critique que l’on puisse faire à ce livre est dans son traitement de l’immigration. L’auteur constate le grand remplacement, terme qu’il n’hésite pas à employer, mais blâme principalement la gestion de l’immigration, soit le modèle multiculturel. Pour lui, une diminution des seuils, une meilleure sélection et une volonté d’intégration et d’adoption de certaines valeurs et usages pourraient permettre d’absorber cette population et ainsi éviter le grand remplacement. Il semble oublier que l’assimilation – ou l’intégration – n’est possible qu’à petite échelle. Avec une immigration massive comme nous la subissons, aucun modèle ne peut fonctionner : le problème est avant tout l’immigration de masse non désirée qui fera de nous une minorité en 2035. Quelle assimilation sera alors possible, alors que nous ne serons plus qu’une minorité parmi tant d’autres ? Gauthier est dans la bonne voie avec ses propositions, seulement, au stade où on en est, une simple diminution de l’immigration n’est pas assez pour renverser la vapeur, c’est le genre de proposition qu’il aurait fallu adopter il y a quelques décennies.
Somme toute, c’est un ouvrage honnête d’un homme réfléchissant aux problèmes actuels sans œillères, il n’est pas un idéologue, ni même un militant politique, mais un observateur qui refuse de se laisser embrigader dans les mensonges du politiquement correct et de suivre aveuglément la vision multiculturaliste imposée par nos élites « éclairées ». Il a suivi les différents débats de société des dernières années – accommodements raisonnables, montée de l’Islam radical, Charte des valeurs – et comme tout homme de bon sens réalise que notre société va droit dans le mur si nous continuons à suivre les Couillard et Trudeau de ce monde.
Sylvain Gauthier
L’Occident dans la soupe chaude
L’Inter Dit
2018
153 p.