L’islamophobie divise plus que jamais la Chambre des communes. Alors qu’un comité parlementaire à majorité libérale recommande au gouvernement fédéral de faire du 29 janvier une journée nationale de dénonciation de l’islamophobie, la minorité conservatrice s’y oppose farouchement, allant jusqu’à recommander de ne plus utiliser ce mot dans l’espace public.
Le comité parlementaire du patrimoine canadien avait reçu le mandat en mars dernier par la Chambre des communes de mener une étude sur la discrimination religieuse, incluant l’islamophobie. La motion avait déchiré les partis à Ottawa, libéraux, néodémocrates et verts l’approuvant, conservateurs et bloquistes s’y opposant. Ces derniers rejetaient la prémisse selon laquelle un « climat de haine et de peur » s’installe au Canada.
Le rapport du comité déposé jeudi permet de constater que le clivage persiste.
Le comité propose 30 recommandations, notamment d’élargir le Plan d’action contre le racisme pour englober la discrimination religieuse et de financer « un dialogue interreligieux et interconfessionnel ». Mais surtout, le comité suggère qu’Ottawa désigne le 29 janvier, date de la fusillade à la grande mosquée de Québec, « Journée nationale de commémoration et d’activités concernant l’islamophobie et toute autre forme de discrimination religieuse ».
Les députés libéraux ont manqué de respect aux musulmans modérés qui ont témoigné
Extrait du rapport dissident des trois députés conservateurs membres du comité parlementaire du patrimoine canadien
Aucun argumentaire en appui à cette recommandation n’est fourni.
Une telle désignation du 29 janvier a été réclamée par le Conseil national des musulmans canadiens et a jusqu’à présent été rejetée par le gouvernement de Philippe Couillard.
M. Couillard a rappelé jeudi qu’il ne croyait pas qu’il soit pertinent de « hiérarchiser » les formes de racisme en en dénonçant une plutôt qu’une autre.
En réflexion
Le gouvernement de Justin Trudeau est encore en réflexion sur la question, bien qu’il ait envoyé des signaux favorables à cette désignation.
Lundi, alors qu’il était à Québec pour la commémoration de la fusillade, M. Trudeau a invité les citoyens à se demander « pourquoi le mot islamophobie nous met mal à l’aise ». « On a tous peur, parfois. Nous avons peur de l’inconnu, de l’étranger. Il faut aller au-delà de cela. »
La ministre du Patrimoine, Mélanie Joly, avait indiqué attendre le rapport du comité avant de prendre une décision. Elle étudiera le rapport, a-t-elle déclaré jeudi.
« Mais de façon générale, on a toujours dit qu’on est prêt à étudier et à écouter toutes les bonnes idées pour contrer la discrimination et en particulier l’islamophobie. »
Les trois députés conservateurs membres du comité signent un rapport dissident dans lequel ils proposent plutôt de faire du 29 janvier une « Journée nationale de la solidarité avec les victimes d’actes d’intolérance et de violence antireligieuses ». Ils demandent aussi au gouvernement fédéral de « cesser d’utiliser » le terme islamophobie « étant donné l’incapacité à s’entendre sur une de?finition précise du terme ».
Ils dénoncent un parti pris libéral en faveur de la dénonciation de l’islamophobie.
« Les députés libéraux ont manqué de respect aux musulmans modérés qui ont témoigné. Ils ont volontairement retenu les témoins musulmans et leurs témoignages, en majeure partie critiques de l’utilisation du terme “islamophobie” », écrivent-ils, ajoutant qu’à deux reprises, les députés libéraux ont reproché à ces témoins modérés « d’être coupables par association de complicité avec l’extrême droite ».
Le fossé entre libéraux et néodémocrates d’un côté et conservateurs de l’autre est flagrant sur la question plus large du racisme et de l’intolérance.
D’un côté, la majorité cite des statistiques démontrant que les crimes haineux ont augmenté de 5 % en 2015.
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