Des répliques aux idées défendues par Alain-Michel Ayache

L'Iran, un danger pour le monde?

Géopolitique — nucléaire iranien



[Alain-Michel Ayache (Le Devoir, le 15 janvier 2008) affirme que l'Iran représente un danger pour le monde->11177]. Le procédé nous rappelle celui, déjà notoire, utilisé par le National Post. En mai 2006, ce journal avait affirmé que le Parlement iranien avait imposé à ses minorités religieuses des signes distinctifs d'identification. Ce fut, bien sûr, un mensonge.

Voilà que M. Ayache remballe, en guise d'«analyse», les menaces proférées par le président américain George W. Bush à l'endroit de l'Iran lors de sa récente tournée moyen-orientale. Le clou de l'opération aura sans doute été celle des «manoeuvres de bateaux rapides iraniens dans les eaux du Golfe face à la marine américaine», montées en épingle par notre expert.
Or tout porte à croire que cet incident, tel que présenté par Washington et utilisé par M. Ayache pour peindre l'Iran comme un «danger pour le monde», n'a pas eu lieu. Il s'agit plutôt d'un récit manipulé, d'une opération d'intoxication des esprits, qui visait à conforter les affirmations bellicistes de M. Bush et que M. Ayache soutient puis recèle sans gêne.
Des précisions
Précisons d'abord que trois bâtiments de guerre américains, dont le USS Port Royal, jumeau du USS Vincennes de triste mémoire (c'est ce navire qui, en 1988, avait abattu un avion civil iranien, faisant plus de 250 morts), se trouvaient non pas dans les eaux du golfe Persique mais dans le détroit d'Ormuz, à quelques kilomètres des côtes iraniennes. Fait à noter, la version américaine n'a jamais indiqué les coordonnées des bâtiments en question.
Peu importe: cette version, rapidement répercutée par la machine médiatique pour s'inscrire dans l'article de M. Ayache, est le produit dérivé d'une demi-vérité, lancée à Washington dans les officines du département de la Défense. Nous avons eu droit à une version vidéo de l'incident, elle aussi truquée, comprenant des voix off menaçant de «faire sauter» un des navires.
L'incident a eu lieu le 6 janvier; l'histoire, en version officielle américaine, n'a été lancée que le lendemain pour servir de toile de fond à M. Bush lorsqu'il a affirmé que l'Iran «représente un danger pour le monde». Elle a été activée pour les besoins de la cause, alors qu'on sait que de telles rencontres sont monnaie courante dans le détroit d'Ormuz, où la marine iranienne a le droit, en vertu de la loi internationale de la mer, de faire identifier les bateaux de passage.
Désaveu
Mais voilà que deux jours plus tard, le ton a changé. Cela faisait suite à la diffusion d'un enregistrement iranien dans lequel on pouvait entendre clairement le dialogue entre les marins iraniens et leurs homologues américains. Le porte-parole de la marine américaine a aussitôt désavoué la version officielle, hautement politique et extrêmement dangereuse.
«Personne au sein des forces armées n'a affirmé que cette transmission [d'une menace] provenait d'un de ces navires», a-t-il dit. Les officiers américains à bord des bâtiments de guerre en question s'apprêtaient-ils à ouvrir le feu sur les bateaux rapides iraniens, comme le voulait la version officielle? Pas davantage, selon le vice-amiral Kevin Cosgriff, commandant de la cinquième flotte américaine. Voilà donc que la marine américaine désavoue son propre commandant en chef.
Il faut remonter le fil de l'histoire pour trouver un antécédent à cet incident troublant. Par une étrange coïncidence, les services de renseignement américains, ceux qui ont affirmé début décembre que l'Iran n'a pas de programme de fabrication d'armes nucléaires, a confirmé cette semaine que l'«incident du golfe de Tonkin» n'a jamais eu lieu. C'était en 1964; le président américain de l'époque, Lyndon Johnson, cherchait un prétexte pour élargir sa guerre au Vietnam qui, déjà, allait très mal. Des vedettes nord-vietnamiennes auraient ouvert le feu contre deux navires de guerre américains au large des côtes vietnamiennes. On connaît la suite: dix ans de guerre et au moins deux millions de morts vietnamiens.
Propagande?
Finalement, on constate que M. Ayache ne fait pas d'analyse du tout. Son travail consiste à promouvoir la campagne de diabolisation essentielle (Mahmoud Ahmadinejad y est qualifié de «misogyne»!) à la justification d'une autre guerre au Moyen-Orient, cette fois-ci contre cet Iran «danger pour le monde». Avions-nous besoin [de lui] pour faire cela? Pas du tout! N'importe quel traducteur compétent aurait pu nous livrer une version française du discours du président américain.
Si on voulait analyser et non pas receler des mensonges officieux, il serait plus exact de dire que la véritable provocation, c'est la présence de la marine américaine dans le golfe Persique; l'occupation illégale de l'Irak et de l'Afghanistan, la déstabilisation du Pakistan et la complicité explicite dans l'humiliation et la destruction de la Palestine. Il serait plus juste d'affirmer que le véritable danger pour le monde, c'est le président américain et le régime qu'il dirige.
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Fred A. Reed, Coauteur du livre Iran: les mots du silence (avec Jean-Daniel Lafond, Les 400 coups, 2006), M. Reed s'exprime ici à titre personnel.
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