Quelques centaines de concitoyens d'origine haïtienne ont tenu, en fin de semaine, les états généraux de leur communauté. Cette rencontre faisait suite à une série de forums sectoriels qui ont eu lieu au cours de l'hiver sur des thèmes aussi diversifiés que l'emploi, la santé, l'action communautaire et la participation civique. L'objectif de l'exercice était de mettre la table à la confection d'un plan d'action qui devrait voir le jour en juin.
On estime à un peu plus de 130 000 le nombre de Québécois d'origine haïtienne, la plupart installés dans la région de Montréal. Malgré un niveau de scolarité supérieur en moyenne à celui de l'ensemble de la population, les membres de cette communauté font face à un taux de chômage plus élevé et à des revenus inférieurs. Inutile de chercher longtemps pour comprendre qu'après plus de quarante ans d'implantation en sol canadien, un nombre anormalement élevé de citoyens d'origine haïtienne éprouve toujours de la difficulté à trouver sa juste place au sein de la collectivité d'accueil.
Le chômage touche les jeunes de façon particulière, et si les gangs de rue en sont l'illustration la plus dérangeante, c'est du côté de l'emploi qu'il faut chercher pour trouver des solutions à moyen terme au problème. Alors que bon nombre d'Haïtiens arrivés avec les premières vagues d'immigration acceptaient des emplois de service exigeant peu de formation, comme celui de chauffeur de taxi, leurs enfants adhèrent aux valeurs des jeunes de leur âge, mais souvent sans trouver le soutien, les ressources et l'ambition nécessaires à la réalisation de leurs rêves.
Le taux de décrochage scolaire est élevé parmi ces jeunes. On peut accuser la société d'accueil de ne pas s'en soucier suffisamment, ce qui est vrai, mais il ne fait aucun doute que les familles et la communauté dans son ensemble ont un rôle crucial à jouer pour inciter ces jeunes à persévérer. La fonction publique et la plupart des grandes entreprises accordent aujourd'hui une attention particulière à l'embauche de salariés provenant de l'une ou l'autre des minorités visibles. Mais, dans bien des cas, ce sont les bonnes candidatures qui font défaut. On invoquera le racisme des uns et la discrimination des autres, ce qui est aussi vrai, il n'en reste pas moins que, sans diplôme, il est devenu impossible de décrocher un emploi stable et valorisant. Or, sans emploi, comment briser le cercle vicieux de la pauvreté et de l'exclusion auquel les membres de communautés visibles sont malheureusement toujours plus exposés?
Ce n'est jamais facile de refaire sa vie loin de la terre natale, et ça ne l'est pas davantage pour la génération qui suit. Haïti est l'un des pays les plus pauvres de la planète, un de ceux qui préparent le moins bien ses ressortissants à relever les défis d'une économie du savoir très compétitive. En laissant de côté les guerres politiques intestines qui la paralysaient depuis des décennies, les leaders locaux de la communauté haïtienne ont retenu le meilleur chemin pour les jeunes qui suivent: celui d'investir dans leur développement, ici même, au Québec.
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j-rsansfacon@ledevoir.com
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