Il ne se passe pas une journée sans qu’en France, où je circule ces semaines-ci, des gens, et parmi eux des professionnels de la critique, ne fassent l’éloge de notre jeune, fringant et si beau Justin Trudeau.
Même mes amis journalistes n’ont qu’éloges pour le couple glamour. Or, ce sont pour la plupart des commentateurs qui tiennent des propos vitrioliques sur leurs propres politiciens, avant tout sur le président François Hollande.
C’est une expérience qui finit par être agaçante, car je n’arrive pas à comprendre que toutes ces personnes, dont certaines extrêmement bien renseignées, soient tout à fait incapables de me parler du contenu de la politique de notre premier ministre, dont le charme semble les aveugler.
Nouvelle coqueluche
Justin Trudeau vogue dans des eaux qui rafraîchissent même les plus bouillants contradicteurs. En France, par exemple, il fait figure de nouvelle coqueluche d’une nouvelle vague de gauche.
Au Canada, ses écarts de langage («Get the fuck out of the way») pendant sa confrontation, à la manière d’un chef de gang, avec plusieurs députés conservateurs dans l’enceinte de la Chambre des communes, ont provoqué des réactions d’indignation dans les médias. Mais l’appui à son endroit après cet incident, plus que déplacé de la part d’un chef de gouvernement, a augmenté de deux points. Sa cote de popularité à travers le Canada est actuellement de 54 %.
«Ah, si on avait un homme politique de la trempe de Justin [prononcé Justine] Trudeau», disent les Français qui le perçoivent comme la seule rock-star de la politique mondiale. À l’étranger en général et au Canada en particulier, le jugement que l’on porte sur sa personne, son allure et ses audaces, comme celle de boxer un adversaire et de le mettre K.-O., suffit à le classer politiquement. L’essence de sa politique, c’est ce qu’il dégage. Cette image faite d’apparences rompt avec celle de tous les dirigeants occidentaux qui, de surcroît, affrontent des oppositions plus ou moins violentes, comme en France, actuellement au bord de la désorganisation sociale.
Les Canadiens sont donc contents de leur sort et de leur dirigeant. Ils semblent prêts à lui pardonner beaucoup parce que Justin les aime beaucoup, pour paraphraser les Évangiles.
Nuit d’amour
Dans quel autre pays un chef de gouvernement mettrait-il une parenthèse à un sommet de G7 pour passer une nuit d’amour avec sa femme adorée, sincèrement adorée d’ailleurs, à l’occasion de leur anniversaire de mariage? Dans quel autre pays ferait-il publiquement son autocritique en affirmant qu’il n’aime pas l’homme qui a perdu le contrôle de ses émotions lors de l’accrochage avec des députés de l’opposition il y a une semaine?
Dans quelle autre démocratie le chef du gouvernement peut-il se vanter de plonger le pays dans un déficit de plus de 20 milliards cette année sans que ses adversaires puissent le confronter sérieusement?
Justin Trudeau est le roi de l’autopromotion. Sa gentillesse est son arme la plus redoutable. Et ses coups de sang semblent à ce jour ajouter une virilité nouvelle à sa personnalité multiforme, pour ne pas dire multiculturelle.
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