par François Cardinal
Que fait une forestière lorsqu'elle apprend qu'une zone de coupe deviendra aire protégée? Elle accélère les coupes, accusent des militants écologistes, dont Joé Juneau, ex-hockeyeur devenu militant et pilote de brousse. Il a permis à La Presse de survoler une région en voie de protection.
Visiblement agacé par la croisade de Joé Juneau, l'industrie forestière se défend bien d'avoir accéléré les coupes depuis quelques mois. Elle a même proposé à son tour la protection d'un territoire qu'elle ne touche plus.
Une quinzaine d'entreprises forestières sont actives dans la région convoitée par la coalition pour la sauvegarde du Triton. La plus importante est certainement Abitibi-Consolidated, qui a repris ses coupes le 31 mars dernier.
«Notre plan d'aménagement forestier a été consulté puis accepté par le gouvernement, explique Daniel Leclerc, porte-parole de l'entreprise. Il est faux de dire que nous avons accéléré les coupes, car c'est impossible de le faire. On ne peut pas décider du jour au lendemain de couper à gauche plutôt qu'à droite. Il nous faut suivre notre plan sur cinq ans.»
En revanche, l'industrie a décidé de garder intacte une zone de quelque 125 km2 qui exclut la seigneurie du Triton. Elle propose ainsi au gouvernement de protéger ce secteur plutôt que les 580 km2 proposés par la coalition ou les 425 km2 suggérés par le ministère de l'Environnement.
«C'est tout de même l'équivalent de plus de 300 terres à bois privées, précise Réjean Julien, directeur du groupement forestier de Portneuf. Le gouvernement peut bien imposer un territoire plus vaste, mais il faut qu'il sache que nous nous y opposons fermement.»
M. Julien, qui est aussi directeur de l'approvisionnement à la scierie Adélard Goyette & fils de Rivière-à-Pierre, est visiblement courroucé par la croisade de Joé Juneau. Il prétend que l'ancien attaquant du Canadien souhaite protéger égoïstement son ancien camp de pêche des années 40 et le territoire qui l'entoure.
«Tout ce que Joé Juneau veut faire, c'est protéger son petit territoire, prétend-il. Avec quelques propriétaires d'hydravion comme lui, il tente de préserver son secteur de chasse et de pêche. Ça n'a rien à voir avec une utilisation collective pour le bien des Québécois.»
Notons que cette critique, déjà entendue par le passé, a récemment été balayée d'un revers de main par Louis Bélanger, professeur à la faculté de foresterie de l'Université Laval. «Ce n'est pas juste le chalet de quelqu'un qu'on essaie de protéger, a-t-il indiqué il y a quelques semaines lors d'une conférence de presse. C'est un type de forêt qui n'est protégé nulle part au Québec. Et c'est un territoire où coule la Batiscan, une des 10 meilleures rivières de canot-camping de la province. Seulement, ça prend la participation d'une personne connue pour que les gens se sensibilisent.»
Par ailleurs, Réjean Julien indique que dans la région de la capitale nationale, où l'on retrouve une partie de l'aire convoitée, 8,5 % du territoire sont déjà protégés. Avec la proposition de l'industrie, ce chiffre passerait à 9,5 %.
Or, il faut savoir que la stratégie du Québec vise un équilibre dans la province. «Dans les autres régions, on dépasse rarement les 3 ou 4 %, fait-il remarquer. On n'est pas contre la protection, mais on estime que la région de la capitale nationale en a déjà assez.»
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