UN TRIPTYQUE
Présentation
«Dis-moi qui je suis. Halte sur le parcours. À défaut d’un centre d’observation et d’information, d’une histoire québécoise, qui serait en activité depuis une dizaine d’années, bien accoudé au Café de l’Existence, je me suis improvisé analyste de salon, dans le but de voir plus clair dans notre vie, dans l’espoir d’être capable de comprendre ce que nous vivons, et ce, sans préparation aucune, avec les moyens du bord, dans un travail d’introspection de soi, de retour sur soi, (après avoir essuyé différents coups durs, après tout, que voulons-nous vraiment ?), laissant libre la parole, je nous écoute se plonger dans les rêves, la libre association d’idées, je nous écoute deviser, s’entretenir familièrement, converser, bavarder, exactitude et acuité, fragments libres, ciselés.»
L’auteur de ce triptyque s’interroge sur l’état de la société québécoise d’un point de vue national. En utilisant une histoire, sous une forme en partie allégorique, en trois volets, trois parties, ou trois scènes, il parle d’une souffrance, à la fois individuelle et collective, qui découle d’une «violence anesthésiante» – «cette violence, celle, la violence, exercée par la parole, par le discours des autres, qu’il s’agit d’échapper.»
Il n'y aura pas indépendance possible sans des échanges entre les nationalistes et avec le public. Il faut ratisser large. Il ne faut pas oublier d’écouter, de parler aux néophytes, aux jeunes filles, aux jeunes garçons ainsi qu’aux croulants (de 15 à 90 ans) qui acceptent leur annexion collective et aux jeunes de (15 à 90 ans) qui se révoltent.
Sa démarche s’inspire de la pensée de Maurice Séguin : «Avec la connaissance des Normes, j’ose une méthode radicalement différente, pour «rajeunir», «transformer», pour en finir avec le niaisage, grâce aux mots, avec les mots des Normes.»
Et il conclut ainsi : «C’est Québec qui décide.»
Bonne lecture, et, bonne réflexion.
B.D.
Le lundi, 18 janvier 2016
Modestement,
Un document à trois volets.
Un document QUI comporte trois parties.
Un ensemble composé de trois scènes.
Et qui permet, ou peut permettre,
à une Québécoise, à un Québécois,
de franchir une frontière,
sans avoir à verser un cautionnement.
1. Noël du mauvais garçon.
2. Nouvel An d’un travailleur de nuit.
3. Sans illusions.
PREMIER VOLET
1. Noël du mauvais garçon
Le mauvais garçon. Ceci n’est pas un récit d’une rencontre qui a mal tournée. Ceci n’est pas une douloureuse quête de vérité portant sur les faits eux-mêmes, mais sur leurs causes, leurs effets et leur sens.
J’ai été d’abord, je suis d’abord fasciné par sa beauté et son corps sculptural tout autant que son mode de vie marginal. Comment passe-t-on de l’indifférence au mépris, à la curiosité, puis, enfin au désir ? À quel moment ai-je commencé à regarder ? À quel moment a-t-elle commencé à me plaire ? À quel moment ai-je eu l’impression de la «voir» en entier, et d’en être bouleversé ?... À quel moment suis-je tombé ?
Mais reprenons dans l’ordre comme tu me l’intimes, mon histoire bien «anarchique» - le mot m’a arraché une grimace.
Cela remonte à un Noël d’il y a bien longtemps. Rentrant chez-moi à 4 heures du matin après ma journée, en quête d’aventure, je me fais aborder, rue Sainte-Catherine, par une noire, quelle perche celle-là, par une grande perche emmanchée d’un long coup, noire, jeune, lunettes noires, longue écharpe, tunique et long turban de coton autour du cou, savamment agencé, paradant en brandissant ses perches, je saisis la perche qu’elle me tend, coucher ensemble… discute-t-elle, surtout parle, montrant les humiliations essuyées par cette grande noire.
Elle avait l’habitude de se plier aux desiderata des autres, une des raisons de sa brillante réussite dans son travail. Qui lui dira de retourner dans sa famille, aux champs, au bureau, au chômage et au désenchantement des temps «normaux».
Au sens premier du terme, ce genre de rencontre distrait aussi de la routine de la vie quotidienne, de l’ennui, de l’inaction, du couple.
À 6 heures du matin, alors qu’elle s’apprête à repartir, je me rends compte qu’elle a volé quelque chose, et le lui fais remarquer aussi délicatement que possible, c’est alors que la nuit bascule... Elle frappe, elle insulte celui qu’elle tenait plus tôt dans ses bras, s’attaque à mes parties comme si elle voulait me violer, tente de m’étrangler. Elle finira par partir en me demandant pardon.
J’avais mis un masque et joué tellement bien mon jeu qu’au final celle qui me ressemblait, fille du prolétariat, pensait que j’étais au camp adverse, intellectuel, avec les codes de la bourgeoisie.
Racisme, mépris de classe, misogynie, se dissèquent en confrontant les registres de la langue. Outre la violence et la honte, il y a la libération, après avoir survécu à la brutalité d’une grande, forte et jolie noire. C’est à celle, à la violence, exercée par la parole, par le discours des autres, qu’il s’agit d’échapper.
Je ne reconnais plus ce que j’avais vécu dans la forme qu’une travailleuse sociale imposait à mon récit, je me perdais, je savais qu’une fois avancé dans ce récit, par ce que tu me demandais ou par les directions que tu me faisais prendre, il était trop tard pour revenir en arrière, ce que je voulais dire était perdu.
La souffrance d’avoir été une victime et le refus de n’être que cela, le soulagement d’avoir fui mon milieu et la tendresse d’une masseuse, le souvenir des violences infligées par mon beau-père et celui des douces heures des trois années qui ont précédé la mort de papa, le choix de se nourrir de son expérience et le refus d’être le «centre». Esquiver les positions désignées par d’autres, mais confirmer celle importante qui est en train de se créer sur la grande Scène de la vie.
Contre cette violence anesthésiante, je parie sur une valeur que je croyais perdue : la beauté : pensée comme un lien sensible, accès de bonheur qui peut se propager parmi nous comme un don, d’intimité à intimité. Peut-être à cette condition, la rencontre pourra-t-elle redevenir objet de partage, d’expérience, de convivialité, d’espérance.
Deuxième volet à suivre…
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1 commentaire
Bruno Deshaies Répondre
27 janvier 2016Mercredi, 27 janvier 2016
À la lumière de la lecture d'une jeune fille de 16 ans, et d'un jeune garçon de 16 ans, l’auteur retient que «c’est une bonne marche à monter».
Voici donc une modification proposée par l’auteur pour le dernier paragraphe de la Présentation du Premier volet :
La démarche s’inspire de la pensée de Maurice Séguin : «Avec la connaissance des Normes, où il expose ses règles, principes, critères, j’ose une méthode radicalement différente, pour «rajeunir», «transformer », pour en finir avec le niaisage, grâce aux mots, avec les mots des Normes». Norme : ce qui correspond à la majorité des cas. La norme est de se lever le matin. Principe servant de règle, de loi, règle à laquelle on doit se conformer pour fabriquer un produit. Respecter les normes de sécurité. Avec les principes, les mots des Normes.