Point chaud

L'indépendance et rien d'autre

Si Marois promet un référendum, Aussant rentrera au bercail

"Et agir ensuite"? - Depuis quand le PQ donne-t-il suite à son bavardage?...



À RETENIR Jean-Martin Aussant en cinq dates
_ 1995: Maîtrise en sciences économiques à Montréal, suivies d'études doctorales en Espagne.
_ 2008: Élu député du PQ dans Yamaska-Nicolet. Sera porte-parole en matière d'économie.
_ Juin 2011: Il claque la porte du PQ, pas assez souverainiste à son goût.
_ Octobre 2011: Le DGE reconnaît Option nationale comme parti politique.
_ Février 2012: Le congrès de fondation du nouveau parti a lieu. 1431 membres sont recensés.

Guillaume Bourgault-Côté - Si Pauline Marois veut ramener Jean-Martin Aussant au bercail péquiste, le mode d'emploi est simple: promettre un référendum lors de la prochaine campagne électorale. Et agir ensuite.
«Ce serait déjà un très bon signal», dit-il en entrevue éditoriale avec Le Devoir, une dizaine de jours après le congrès de fondation de son parti. «Si c'est ça le message, je serais favorable à ce qu'Option nationale travaille avec le Parti québécois pour une collaboration ou une fusion. Parce que ça voudrait dire que la direction du PQ est consciente que c'est son devoir de gagner l'élection en parlant de souveraineté.»
Or, parler de souveraineté est précisément la mission que s'est donnée Jean-Martin Aussant en fondant Option nationale (ON) après avoir claqué la porte du PQ, en juin 2011. Âgé de 41 ans, l'économiste croit dur comme fer aux vertus de la pédagogie souverainiste. Plan de match: évoquer la souveraineté partout, tout le temps, à tout vent. Ce n'est pas tant le coeur du message que le message dans son entièreté.
«Je suis convaincu qu'un parti qui tiendra un discours clair en parlant de la souveraineté va pouvoir être élu, dit-il. Il ne faut pas avoir peur d'entrer dans la campagne en faisant de la souveraineté son principal argument, même si l'actualité dit que la priorité est les urgences, par exemple. Il faut faire le lien démontrant que la souveraineté va nous donner les moyens de mieux régler toutes nos priorités quotidiennes.»
M. Aussant est ainsi «convaincu qu'une grande majorité de Québécois veulent la souveraineté pour de vraies raisons fondées et intemporelles, et non pas à cause de crises ponctuelles». Selon lui, les seuls fédéralistes impossibles à convaincre sont ceux qui «se sentent d'abord Canadiens» de coeur. Et si ces derniers faisaient un choix strictement rationnel, ils opteraient pour l'indépendance du Québec, croit Jean-Martin Aussant. «Tous les arguments économiques militent fortement en faveur du oui», soutient-il, avant de lancer que «la souveraineté n'est pas un projet de poète».
Des pros de la politique
En 75 minutes d'entretien, M. Aussant ne déviera pas de cette ligne: c'est en parlant constamment et prioritairement d'indépendance que les Québécois en verront les avantages, à son sens absolument incontestables. Aucun doute dans son esprit. Et si l'appui à la souveraineté ne domine pas les sondages (30 % d'appuis selon un sondage Léger Marketing publié à la fin janvier, contre 39 % en faveur d'un Québec aux pouvoirs renforcés au sein du Canada et 21 % pour le statu quo), c'est que le PQ n'a pas su faire la promotion du premier article de sa constitution, soutient M. Aussant.

«Le PQ parle un peu de tout pour ratisser plus large dans l'électorat et aller chercher des votes à gauche et à droite», dit-il. Au fil des ans, la formation est devenue un «parti de professionnels de la politique qui ont des carrières à bâtir. Ce n'est pas néfaste en soi, mais quand c'est essentiellement ça qui dicte les décisions du parti — savoir comment on va retourner au pouvoir le plus rapidement possible et non ce qu'on va faire du pouvoir ensuite —, je pense qu'il y a un grave problème.»

Face à l'hypothèse d'un «parti souverainiste qui prendrait le pouvoir sans faire la souveraineté», il préfère encore «attendre une élection de plus» et, dans l'intervalle, laisser la place à un gouvernement formé des libéraux ou de la Coalition avenir Québec. «Pour le mouvement, ce serait pire d'avoir des souverainistes qui restent au pouvoir quatre ou huit ans mais ne font pas la souveraineté.»
En citant René Lévesque — qui écrivait que les partis appelés à durer vieillissent généralement assez mal, qu'à la longue les idées se sclérosent et que la durée de vie d'un parti devrait être d'environ une génération —, Jean-Martin Aussant dit qu'il est «peut-être normal qu'après 40 ans, un parti devienne plus électoraliste et qu'il calcule tous ses gestes».
À ses yeux, «la dynamique parlementaire du PQ est orientée [de manière] à faire mal paraître l'autre parti [les libéraux]» au lieu de faire la promotion de l'indépendance. C'est ce qui l'a poussé à démissionner en juin. Neuf mois et un parti plus tard, il ne regrette pas son choix, malgré les difficultés manifestes d'Option nationale à attirer des personnalités au sein du mouvement.
La seule membre connue, Lisette Lapointe, a réitéré hier son appui moral à Option nationale, sans pour autant endosser ses couleurs à l'Assemblée nationale. Pour le reste, Jean-Martin Aussant doit s'en remettre au militantisme de ses jeunes membres. «C'est la réalité de tous les nouveaux partis, souligne-t-il. François Legault pensait n'avoir que des vedettes, or on se rend compte que son parti va être l'ADQ version 2.»
À quelques mois d'une possible campagne électorale, il prévoit donc qu'il devra mener celle-ci avec de faibles moyens et beaucoup d'imagination (ce qui veut dire une campagne très centrée sur les réseaux sociaux, terrain que les adhérents à Option nationale exploitent déjà beaucoup).
Chose certaine, il n'entend pas diluer son message tout entier axé sur la promotion de la souveraineté (le débat gauche-droite ne se pose que dans un deuxième temps, laisse-t-il entendre). «C'est dur de garder ses idées et idéaux. Souvent, il y a des arguments pragmatiques qui disent de mettre un peu d'eau dans son vin. Mais l'électorat est tanné de toute cette eau dans tout ce vin», croit Jean-Martin Aussant.


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