La revanche a été terrible. En 2011, Barack Obama a profité du très couru souper des correspondants pour apostropher un des plus célèbres convives : Donald Trump. Le magnat de l’immobilier, star de la téléréalité, défendait depuis des lustres la rumeur conspirationniste dite du birtherism, voulant que le premier président noir ne soit pas né aux États-Unis, ce qui le rendrait, du coup, inéligible.
« L’affaire est réglée et Donald peut désormais se poser des questions plus sérieuses, piquait le présidentiel comique. Des questions du genre : avons-nous vraiment marché sur la lune ? Et que s’est-il vraiment passé à Roswell ? »
Le milliardaire, entouré de sa cour, affichait un sourire crispé. L’humiliation demeure, pour lui, une insupportable torture. Un documentaire de PBS, diffusé il y a quelques semaines par ICI RDI, a relayé l’hypothèse d’un des conseillers de M. Trump voulant que sa décision de se lancer dans la course présidentielle a été prise ce soir-là. On ne badine pas avec « The Donald » et sa revanche a été terrible.
Un bagarreur de rue
« Donald Trump a décidé de se lancer dans la course pour des raisons personnelles, parce qu’il est très ambitieux, très carriériste, dit Thierry Giasson, professeur à l’Université Laval, spécialiste de la communication politique. C’est quelqu’un qui a une importante conception de lui-même et qui est très fier de ses accomplissements. Il a construit un personnage qu’il entretient, le mythe d’un homme surpuissant, dont la présidence représente l’aboutissement ultime. »
Son collègue Olivier Turbide, du Département de communication sociale et publique de l’UQAM, le décrit comme un atypique dans l’arène politique, pourtant réputée féroce. « Son registre de discours est très relâché et on a l’impression qu’il entretient une conversation de taverne, ou presque. Il y a du bagarreur de rue chez lui. Il n’a peur de rien et il attaque férocement. Il faut faire la différence entre le débat politique avec un adversaire et avec un ennemi. L’ennemi, on le combat, on lui coupe la parole, on l’humilie. »
Martin Carrier, chargé de cours à l’Université de Montréal et spécialiste du leadership politique, précise que cet outsider se fait purement tacticien. « Il joue la carte de la différence, dit-il. Il a très bien compris que la population avait besoin d’exprimer une frustration. Sa personnalité, ses manières ont servi à relayer cette rage contre une élite déconnectée. »
L’étrange bête féroce ne s’embarrasse pas non plus des conventions, ni même de la vérité. Il existe des listes de centaines et de centaines de mensonges trumpiens. « C’est un hyperpragmatique et un opportuniste, dit encore le professeur Giasson. Il a remporté l’investiture avec cette proposition, puis l’élection en misant sur les hommes blancs frustrés par la crise. Il parlait à ces gens à sa manière et n’avait rien à cirer du reste. »
M. le président
Voilà pour rappeler de quoi est fait ce candidat. Reste à savoir si le président Trump pourra continuer avec sa manière sans pareille.
« C’est la bonne question, enchaîne Olivier Turbide. Il va devoir s’ajuster. Il s’est construit comme un outsider, à la marge, avec le peuple. Dès son premier tweet, l’élu a affiché une volonté rassembleuse en disant qu’il se battrait pour tous les sans-voix. Quand on est président, on ne peut plus y aller avec la même logique d’exclusion. Il va certainement s’entourer de gens intelligents qui vont bien le conseiller. À terme, il devrait s’ajuster. Mais il ne faut pas oublier que c’est Trump. Va-t-il, par exemple, recommencer à insulter les gens sur les réseaux sociaux ? »
Martin Carrier pense aussi que le président Trump devrait se calmer. « On peut croire que son entourage va tenter de modérer ses ardeurs. Ce serait l’idéal pour la démocratie américaine. Le risque est considérable. À mon sens, aucun politicien américain n’a été élu à une haute fonction avec ces traits de caractère. Nicolas Sarkozy, en France, était un peu impulsif, mais jamais à ce niveau. »
Le professeur Giasson propose plutôt un rapprochement avec le président des Philippines, Rodrigo Duterte, qui a qualifié Barack Obama de « fils de pute ». Encore de la grande classe.
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