À la tête d’un gouvernement minoritaire, Jean Charest s’estimait incapable de faire face efficacement à la tempête économique qui se lève. Le premier ministre du Québec a donc déclenché des élections générales en demandant aux Québécois de lui donner une majorité de députés.
Le chef du PLQ a également accusé les partis d’opposition de ne pas vouloir collaborer avec lui. « Trop de mains » cherchent à agripper le volant de l’appareil d’État, à ses yeux. Le Québec ne peut tenir la route de la prospérité, avec ce type d’interférence politique. L’homme n’a jamais si bien dit.
Fort de cette logique inéluctable, il serait intéressant de demander à Jean Charest, ainsi qu’à sa ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, leur opinion en ce qui a trait l’ingérence de l’État canadian dans leur gestion gouvernementale. Ottawa vient d’annoncer une réduction de ses paiements de péréquation. N’est-ce pas là une décision qui déstabilise le Québec? Lorsque les transferts fédéraux seront abaissés, l’an prochain, comme ils le furent dramatiquement au milieu des années 1990, il y aura un autre dérapage gouvernemental à l’Assemblée nationale. Jean Charest devra-t-il alors s’envoler secrètement vers les États-unis, en catastrophe, comme le fit Lucien Bouchard, pour rassurer les maisons de crédit new-yorkaises? Leur proclamer avoir les deux mains posées solidement sur le volant suffira-t-il pour rassurer?
L’impossible cohabitation que condamne le député de Sherbrooke n’est donc pas celle qu’il pense. Le PQ et l’ADQ auraient d’ailleurs été capables d’agir de façon responsable, au nom des intérêts supérieurs du Québec. L’intrus à expulser du poste de commande à l’Assemblée nationale est plutôt Ottawa. Le cockpit y est trop restreint pour loger deux équipes de pilotage. Dès que l’une d’elles ose bouger, l’autre se voit automatiquement gênée dans ses mouvements. Les mois à venir vont le démontrer douloureusement… une fois de plus. L’appareil d’État québécois va donc sérieusement battre de l’aile alors qu’il s’apprête à pénétrer dans une zone de turbulence, puisqu’on lui obstrue la vue sur des cadrans dont la lecture s’avère essentielle pour bien le guider. Il y a même tout lieu de parler de sabotage, parce que le même indésirable lui siphonne son carburant fiscal, alors qu’il en a tant besoin pour traverser victorieusement la tempête.
La gouverne provinciale a montré ses limites depuis longtemps. Les compressions fiscales sauvages du milieu des années 1990 l’ont même piégé. Toutes les équipes politiques qui ont tenté depuis de diriger l’appareil d’État québécois, ont échoué dans leur tentative de lui faire prendre de l’altitude. Les dix années de prospérité qui s’achèvent aujourd’hui n’auront même pas permis à Québec de rembourser un traître sou de sa dette nationale. Les 500 millions que le gouvernement Landry lui a dédiés au début des années 2000 ne furent que symboliques : la créance publique s’est remise à croître dès les années qui ont suivi.
Le congrès péquiste de juin 2005 a dénoncé définitivement le traquenard que représente la gouverne provinciale. En fait, les souverainistes ont révoqué l’impossible cohabitation avec le gouvernement fédéral, celle que Jean Charest n’a pas le courage de condamner aujourd’hui. Malheureusement, le PQ n’a pas eu l’audace, lors de ce congrès, d’éliminer également le processus référendaire devenu trop dangereux, maintenant que la fraude de 1995 a prouvé qu’Ottawa ne respecte pas les règles du jeu démocratique. Le Québec tourne en rond depuis et s’affaiblit, faute d’oxygène frais.
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L’impossible cohabitation entre Québec et Ottawa en a amené une autre la fin de semaine dernière: celle entre Pauline Marois, chef du Parti québécois, et Jean-Claude Saint-André, député défait de la circonscription de L’Assomption à l’élection de 2007. La présence de ce dernier dans la formation souverainiste aurait semé un malaise chez la leader, un dérangement semblable à un caillou dans un soulier dont on ne parvient pas à se défaire. Celui qui visait de nouveau l’investiture de l’ancien comté de Jacques Parizeau, aurait en effet rappelé à la dirigeante du parti que la gouverne provinciale qu’elle lorgne présentement est empoisonnée. Ces deux personnes ne peuvent donc plus partager la même formation politique.
Est-ce à dire que tout ceux qui sont arrivés à la même conclusion, conclusion qui fut partiellement travestie parce que partiellement entérinée au congrès péquiste en 2005, doivent quitter le PQ? Pauline Marois fait le pari qu’elle peut réussir là où ses prédécesseurs péquistes ont échoué. La députée de Charlevoix estime en effet qu’il est possible de créer des « conditions gagnantes » à partir d’une gouverne provinciale, stratégie jugée irréalisable en 2005. Si la dirigeante du PQ en est réduite à emprunter la même démarche, c’est que l’abcès n’a pas été totalement crevé au dernier congrès national de son parti. Il aurait fallu à ce moment expliquer clairement aux Québécois que la victoire usurpée en 1995 justifie honorablement le recours à un autre processus démocratique. Un processus reconnu par la communauté internationale, celui qui mettrait un terme à l’impossible cohabitation qu’est la gouverne provinciale.
Patrice Boileau
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