Les controverses touchant les proches du premier ministre Justin Trudeau qui s’enchaînent depuis des mois entachent son image de défenseur de la classe moyenne « et ceux qui travaillent fort pour s’y joindre », croient des experts.
« Quand tu incarnes autant l’authenticité et un idéal de justice sociale, et ensuite, dans tes gestes, tu fais le contraire, c’est terrible pour ta marque », lance Louis Aucoin, stratège en communications pour l’agence montréalaise de relations publiques Tesla RP.
Rappelons que le premier ministre canadien a fait sa campagne électorale en disant qu’il défendrait la classe moyenne et s’assurerait de faire payer aux riches « leur juste part » de taxes et impôts. C’est un discours qu’il continue à marteler depuis son arrivée au pouvoir.
Scandales à répétition
Tout au long de la session parlementaire qui vient de se terminer, les scandales impliquant les décisions financières du gouvernement Trudeau et la fiscalité de ses proches se sont succédé.
La décision de ne pas taxer la multinationale Netflix et les liens financiers du ministre des Finances, Bill Morneau, à l’entreprise qu’il a cofondée (Morneau Shepell) ne sont que quelques exemples des controverses qui ont touché le gouvernement au cours des derniers mois.
PHOTO D'ARCHIVES, JOCELYN MALETTE
Le premier ministre Justin Trudeau et le grand argentier du Parti libéral du Canada, Stephen Bronfman en 2012.
À cela s’ajoute l’enquête du quotidien Toronto Star et des réseaux CBC/Radio-Canada, au sujet des Paradise papers, qui a levé le voile sur le fait que le grand argentier du Parti libéral et proche de Trudeau, Stephen Bronfman, se serait associé à l’ex-sénateur libéral Leo Kolber pour cacher 60 millions de dollars US dans les paradis fiscaux.
Il y a également les révélations de notre Bureau d’enquête selon lesquelles de riches investisseurs anonymes des paradis fiscaux ont misé au moins 165 millions de dollars dans des producteurs de pot autorisés au Canada.
Pis encore : en décembre dernier, la Commissaire à l’éthique a publié un rapport dévastateur dans lequel elle déclare que M. Trudeau a enfreint la Loi fédérale en acceptant de voyager sur l’île privée de l’Aga Khan.
« M. Trudeau peut tout simplement se dissocier de ces gens-là, les rappeler à l’ordre et dire que tous les Canadiens doivent payer leurs impôts [...] S’il fait ça, il peut se placer en véritable défenseur des lois canadiennes sur l’impôt et des intérêts de la classe moyenne », explique Thierry Giasson, professeur de communication politique à l’Université Laval.
Répercussions internationales
D’ailleurs, les révélations explosives impliquant le Canada et la garde rapprochée de Trudeau n’ont pas seulement eu des répercussions ici.
La nouvelle a aussi eu un rayonnement international très important dans de nombreux pays, dont les États-Unis et la France, note Jean-François Dumas, grand patron chez Influence Communication.
« Il est un peu trop tôt pour évaluer l’impact sur l’image du Canada à l’international, mais on en parle énormément [...]. C’est une couverture extrêmement importante [...], mais c’est sûr que ce n’est pas une bonne nouvelle », analysait en novembre dernier M. Dumas.
EXEMPLES DE CE QUI ÉGRATIGNE LE VERNIS TRUDEAU
Netflix sans taxes
Le gouvernement Trudeau a été la cible de critiques virulentes, particulièrement au Québec, lorsqu’il a annoncé une nouvelle politique culturelle qui comprenait un investissement de 500 millions de dollars de la part du géant américain Netlix... sans pour autant taxer le service.
Cette décision a soulevé l’ire de fiscalistes, politiciens et entreprises québécoises qui ont dénoncé un système à deux vitesses.
« Il y a une [...] iniquité à l’égard des entreprises canadiennes, et je pense que, comme gouvernement, on ne peut pas accepter ça », avait dénoncé le ministre québécois de la Culture, Luc Fortin.
Morneau dans l’eau chaude
Le ministre fédéral des Finances, Bill Morneau, a vécu une rentrée parlementaire fort difficile, puisque les médias ont révélé qu’il avait gardé un contrôle indirect sur l’importante entreprise qu’il avait cofondée, Morneau Shepell. Le hic : son entreprise pourrait bénéficier de certaines réformes fiscales proposées par le ministre au cours de l’année.
De plus, il a reçu une amende de 200 $ de la Commissaire à l’éthique, car il n’avait pas déclaré que sa femme était propriétaire d’une villa en France.
Les paradis fiscaux
L’éthique de gens près de Justin Trudeau se retrouve encore remise en question au début du mois de novembre, quand une fuite de documents, surnommés les Paradise papers, ont révélé que des proches du premier ministre et son entourage auraient usé de stratagèmes complexes pour cacher de l’argent au fisc canadien.
Le gouvernement a été questionné récemment après que Le Journal a dévoilé que les entreprises de cannabis canadiennes avaient reçu pas moins de 165 millions de dollars provenant d’investisseurs basés dans des paradis fiscaux.
Voyage chez l’Aga Khan
Le premier ministre a reçu tout un cadeau de Noël de la Commissaire à l’éthique, en décembre, lorsque celle-ci a tranché, dans un rapport, qu’il avait enfreint la loi en allant passer des vacances sur l’île du richissime homme d’affaires et philanthrope, l’Aga Khan.
Kent Hehr
Le ministre des Sports et des Personnes handicapées, Kent Hehr, a démissionné de sa fonction au cabinet Trudeau en raison d’allégations de comportement inapproprié envers les femmes.