Comme quoi l'histoire se répète, voici un texte que j'avais soumis aux
quotidiens en 2006 dans le cadre des élections fédérales de l'époque. Je ne
m'attendais pas à avoir autant raison en l'intitulant «le chant des
sirènes»: depuis, Harper nous parle de mieux en mieux en français, nous dit
des mots que l'on aime entendre comme «le Québec est une nation», mais...
Mais avant, un bref bilan: le siège du Québec à l'UNESCO: de la frime du
genre «assis-toi derrière et ne me dérange pas pendant que je traite de
choses sérieuses; c'est moi qui parle au nom du pays». Promettant de régler
la question du pouvoir fédéral de dépenser et ayant reconnu du bout des
lèvres (seulement en français) la nation québécoise, il a refusé cette
semaine de rouvrir la constitution pour les y enchâsser. Son visage de
l'extrême droite s'est démasqué avec les récentes coupes en culture, ses
nombreuses tentatives infructueuses (heureusement qu'il est minoritaire) de
mettre à l'avant-plan la «law and order». Voici donc mon opinion de
l'époque qui mérite, je trouve, un copier/coller:
Harper: fin du dilemme entre «souverainisme» et fédéralisme?
Le chef du Parti conservateur Stephen Harper nous promet de respecter les
compétences des provinces et de reconnaître la doctrine Gérin-Lajoie (selon
laquelle le Québec peut s'exprimer dans certains forums internationaux
lorsqu'il s'agit de matières relevant de ses compétences). Il nous promet
aussi de régler le déséquilibre fiscal. Grâce à ces promesses, des
Québécois se mettent à espérer la possible résolution du dilemme dans
lequel nous sommes pris au Québec depuis trop longtemps, à savoir choisir
entre «souverainisme» et fédéralisme. Les Québécois sont las de voir tout
débat politique ou social teinté, voire éclipsé par ce dilemme. Que
d'énergie gaspillée!
Mais méfions-nous du chant des sirènes, car ce n'est pas en élisant
Stephen Harper que cela va cesser. En effet, il est de la nature du Québec,
tous gouvernements confondus, d'être autonomiste et de celle du Canada
d'être centralisateur, de nier le caractère distinct du Québec et de lui
refuser tout accommodement. Les besoins de l'un sont inconciliables avec
les visées de l'autre. Bien sûr, Stephen Harper utilise des mots qui
plaisent aux Québécois, mais n'a-t-il pas voté contre la doctrine
Gérin-Lajoie à la Chambre des Communes? M. Harper peut bien promettre ce
qu'il voudra aux Québécois et se réclamer de René Lévesque, ce n'est que de
la frime électoraliste. Car, une fois au pouvoir il trouvera vite la sortie
côté jardin face aux aspirations du Québec, aidé en cela par les mandarins
d'Ottawa qui perpétuent la centralisation du Canada. Il a tout intérêt à
plaire au reste du Canada (ROC). Comment? En mettant le Québec à sa place.
Exit les promesses faites au Québec!
Pierre-Elliott Trudeau n'avait-il pas interpellé le ROC et mis son siège en
jeu lors du référendum de 1980 en garantissant aux Québécois du changement
s'ils votaient NON? Résultat: rapatriement unilatéral de la Constitution
sans l'accord du Québec et, en prime, adoption de règles rendant toute
modification de celle-ci quasi impossible. Brian Mulroney, un conservateur,
n'avait-il pas promis aux Québécois de leur faire réintégrer le Canada dans
l'honneur et l'enthousiasme? René Lévesque avait alors accepté de courir
«le beau risque». Deux chefs sincères. Résultat: Rejet par le ROC de
l'accord du lac Meech et de celui de Charlottetown. Très peu pour le Québec
est déjà beaucoup trop pour le ROC. Jean Chrétien, dans son discours de
Verdun visant à «sauver le Canada» au référendum de 1995, n'avait-il pas
été jusqu'à reconnaître la notion de «société distincte» qu'il avait
pourtant farouchement combattue quelques années plus tôt? Résultat: déni de
la nation québécoise, plan B, durcissement envers le Québec, loi sur la
clarté, commandites pour acheter l'âme des Québécois. Paul Martin
n'avait-il pas promis de se démarquer de son prédécesseur en étant,
notamment, plus conciliant envers le Québec? Résultat: Malgré un
gouvernement très fédéraliste à Québec, poursuite de la ligne dure, déni du
déséquilibre fiscal et de la doctrine Gérin-Lajoie, quelques ententes
administratives (donc rien de garanti dans le futur) arrachées à la suite
de durs combats par Québec. Et depuis le déclenchement de la campagne
électorale: durcissement de sa position envers les besoins du Québec -
c'est tellement plus payant dans le ROC!
Le Canada a fait largement la preuve de son incapacité de satisfaire les
aspirations légitimes du Québec. La seule façon pour les Québécois d'en
finir avec ce dilemme «souverainisme» versus fédéralisme n'est pas de se
mettre une fois de plus des lunettes roses. C'est de faire face à leur
destin et de réaliser la souveraineté du Québec. D'ici là, le seul parti
qui offre véritablement la garantie de défendre les intérêts du Québec à
Ottawa demeure le Bloc québécois. Le meilleur intérêt tant du ROC que du
Québec réside dans le développement harmonieux de chacune des deux nations,
souveraines, côte à côte, plutôt que dans l'acharnement à les garder unies
dans un pays devenu dysfonctionnel et irréformable depuis les changements
constitutionnels de 1982. Que l'on cesse enfin de tergiverser et que chaque
nation se développe comme elle l'entend.
René Reid
Charlesbourg
L'histoire se répète
Le Canada a fait largement la preuve de son incapacité de satisfaire les aspirations légitimes du Québec
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1 commentaire
Archives de Vigile Répondre
17 septembre 2008Très intéressant article qui est clair et facile à comprendre Il serait très utile aussi dans La Presse, Le Devoir et le Journal de Montréal, de Québec etc. Il est de nature à réveiller les souverainistes délicats qui disent vouloir demeurer assis le jour de l'élection fédérale à la place d'aller voter pour le Bloc parce qu'il le trouve trop ceci ou pas assez cela.
Vos arguments sont aussi de nature à intéresser quelques fédéralistes mous de la conviction fédéraliste.
Aie les indépendantistes, souverainistes ou amateurs de vraies confédérations, allez voter Bloc parce que votre abstention est de nature à faire élire un fédéraliste et aider le fédéralisme. Est-ce que c'est ça que vous voulez vraiment ?