Dans un éditorial, André Pratte vantait le legs de Pierre Elliott Trudeau, dont l’œuvre aurait été caricaturée par les nationalistes québécois. La réalité serait plutôt que son règne a eu des effets bénéfiques et durables pour tous les Canadiens, incluant les francophones.
Ces affirmations posent problème à plusieurs égards. D’abord, il importe de rappeler qu’au moment du rapatriement, autant les libéraux que les péquistes ont rejeté la Loi constitutionnelle de 1982. Tous les gouvernements québécois qui se sont succédé depuis ont refusé d’entériner celle-ci, même les plus fédéralistes.
Ce refus unanime repose sur le fait que Trudeau a donné au Québec exactement le contraire de ce qu’il réclamait. Il lui a enlevé des pouvoirs plutôt que de reconnaître son caractère distinct et lui accorder une plus grande autonomie.
Monsieur Pratte passe commodément sous silence cette réalité et met plutôt l’accent sur la situation des francophones hors Québec. Il cite à l’appui une victoire récente des Franco-Colombiens en Cour suprême, laquelle a ordonné au gouvernement de la province de fournir aux francophones de meilleures écoles.
On ne peut que souhaiter que ceux-ci obtiennent un meilleur traitement. Sauf que les moyens utilisés par Trudeau pour y arriver visaient en même temps à enlever au Québec sa compétence exclusive en matière d’éducation.
L’ancien premier ministre a en effet inventé de toutes pièces le prétendu droit humain fondamental d’étudier en anglais au Québec et en français dans le reste du Canada.
Il a ainsi donné aux juges des tribunaux supérieurs, tous nommés par Ottawa, le pouvoir d’invalider la loi 101 grâce à la Charte, ce que la Cour suprême, entre autres, a fait à trois reprises.
Outre ces dispositions linguistiques, Trudeau a aussi inclus dans sa charte l’article 27, une clause servant à faire la promotion du « patrimoine multiculturel des Canadiens ». Cet ajout avait pour but de nier que les Québécois constituent un des peuples fondateurs du pays.
Depuis une dizaine d’années, cette clause a permis aux tribunaux d’ordonner la mise en place d’accommodements religieux, une pratique largement rejetée au Québec. Rappelons par exemple la fameuse affaire Multani, quand un élève sikh a obtenu le droit d’aller à l’école avec un poignard, malgré l’opposition des autorités scolaires.
Le portrait de ce que Trudeau nous a laissé serait incomplet si on passait sous silence ses efforts pour torpiller l’accord du lac Meech, au tournant des années 80-90, alors que son successeur, Brian Mulroney, tentait de réconcilier le pays grâce à une nouvelle entente constitutionnelle.
À la suite de cet épisode et de l’échec subséquent de Charlottetown, le Canada vit un véritable syndrome post-traumatique quand il s’agit de la Constitution. Cette question est désormais taboue, de telle sorte qu’il est impossible d’abolir le Sénat, de changer l’ordre de succession au trône et, bien sûr, de répondre aux demandes du Québec.
Loin d’être positif, le legs de Pierre Elliott Trudeau constitue une camisole de force constitutionnelle, un héritage empoisonné qui continue de nous diviser.
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